Après le scrutin des Européennes et la dissolution du parlement, que faire ? Par Jean Marc Durand
En cette soirée électorales des européennes du 9 juin 2024, en tant que candidat PCF de la Drôme sur la liste « gauche Unie pour le Monde du Travail », j’ai été interrogé par la presse départementale.
Deux questions m’ont été posées :
- Quel est votre appréciation des résultats ?
En tant que candidat communiste de la Drôme sur la liste « gauche unie pour le monde du travail », je suis déçu. Cette déception tient au fait qu’avec la liste que nous avions, la campagne menée par son numéro 1, Léon Deffontaines, nous aurions espéré faire mieux au plan national. Au plan départemental à cette déception s’ajoute une petite couche supplémentaire car il y a eu un bon investissement d’une majorité de communistes dans leur ville leur village, leur quartier, aux portes des entreprises pour un résultat décevant et ―surtout ― un pays déstabilisé.
Cela dit, les faits sont les faits et ils ont têtus ! Le constat est que les citoyennes et les citoyens ont très largement désavoué E. Macron et sa politique. Politique d’austérité, en faveur de la finance et du grand capital. Elle est le terreau du RN. Et ils ont porté leurs suffrages pour une large part sur la liste conduite par J. Bardella c’est-à-dire le RN et sur l’extrême-droite globalement car il faut ajouter les voix réalisées par M. Maréchal Le Pen.
Et cela a un sens. Le sens c’est que les gens voient dans le RN et l’extrême-droite en général un rempart, voire une alternative à la politique conduite par E. Macron. Ils les voient comme des vrais opposants à Macron capables de faire une politique allant dans le sens de leurs intérêts alors que Le Pen, Bardella et consorts appliqueront une politique pire que celle actuellement à l’œuvre.
Les citoyens ont vu les choses d’un autre œil que le nôtre, même si beaucoup se sont abstenus.
Je dirais que nous n’avons pas su faire passer l’idée que le nœud du problème se situe du côté des moyens financiers et de propositions d’une tout autre utilisation de l’argent, des banques et des entreprises ― avec le rôle décisif joué par la BCE ―, des propositions contre l’austérité, contre la finance, pour les services publics et la priorité à l’emploi-formation, pour un monde de nouvelles sécurités, émancipatrices.
Et cela renvoie la gauche à ses propres lacunes, flagrantes depuis disons 1983-84. Car ce devrait être elle qui incarne la vraie opposition à Macron, ce devrait être elle qui envoie la perspective d’une alternative politique crédible et radicale rassembleuse et transformatrice. Or ce n’est visiblement pas le cas et elle a une responsabilité dans cette situation et le parti communiste en son sein en a également une.
Elle s’incarne dans les difficultés, une certaine incapacité à proposer autre chose qu’une forme « améliorée » de syndicalisme c’est-à-dire porteuse d’un certain refus et encore pas toujours assez fortement et d’énoncer quelques propositions qui tiennent plus du domaine revendicatif que de celui d’un projet politique donnant à voir et à croire en l’avenir. Ouvrant la perspective de nouveaux jours heureux concrètement et pas seulement dans l’incantation.
- Que pensez-vous de la décision d’E Macron de dissoudre l’A.N ?
Tout d’abord je dois dire que lorsque j’ai lu sur mon téléphone un peu avant 18 H qu’était annoncée une prise de parole dans la soirée d’E.Macron, j’ai immédiatement pensé à cela. Donc ma surprise a été moindre quand je l’ai entendu prononcer sa déclaration. En ce qui me concerne je vois deux explications possibles à cette décision :
- La première est que le Président de la République tente un coup de poker, il y a une forme d’aventurisme chez lui. Par cette annonce solennelle et la rapidité dans laquelle il inscrit le processus de dissolution et de nouvelle élection, il tente une sorte d’électrochoc. Il essaie de jouer sur la peur de l’extrême droite annoncée aux portes du pouvoir et ainsi il escompte en ressortir gagnant avec une majorité retrouvée dans la future A.N. En plus, il prend de court la gauche déjà en grande difficulté.
- La seconde est une sorte de collusion entre lui et le RN. Bardella dit qu’il devrait y avoir dissolution, Macron l’annonce. E Macron connaît parfaitement la situation du pays, il a entièrement conscience des difficultés qui s’annoncent et de l’aggravation de la crise du système. Une aggravation qui va exiger pour le capital, ses acteurs que sont les multinationales, les grands patrons et les leaders de la finance, d’infliger au peuple de plus en plus de contraintes, de plus en plus restrictions -aggravation de l’austérité- de plus en plus de difficultés de vie au quotidien. Et cela va produire de l’insatisfaction, faire monter l’esprit de rébellion et risque de susciter des mobilisations sociales qui peuvent s’avérer dangereuses pour le système dominant. D’où un ou une premier.e ministre du RN avec un gouvernement de la même veine pour faire régner l’ordre. Ainsi le capital pourra poursuivre sans trop d’obstacles ses restructurations et Macron et les siens ne seront pas responsables puisque ceux qui seront vraiment aux manettes, seront des RN ou du même acabit.
J’ajouterais même que cela pourrait lui permettre deux ans après de ramener les siens au pouvoir, voire même d’organiser une modification de la constitution lui permettant d’accomplir un 3ème mandat.
Par contre Il faut tout de suite évacuer l’idée qu’après l’élection d’une majorité RN à l’AN, il pourrait démissionner pour se représenter 2 ans après car s’il démissionnait il y aurait l’élection d’un nouveau, nouvelle, président.e pour cinq ans et non pour deux, car nous repartirions pour un bail complet. C’est ainsi que les choses se passent sous la 5ème République.
Alors je dirais, nous disons, « Unité et efficacité » pour une alternative de gauche, anti-libérale à E. Macron, avec une alliance respectueuse de ses composantes, une union populaire agissante, appelons-la Front populaire, comme on veut. C’est la composante unité.
Elle doit être accueillante, respecter l’ensemble de partenaires, proposer 10-15 mesures phares, c’est la composante efficacité, ouvrant les voies d’une transformation et de l’entrée dans la danse de notre peuple, du mouvement associatif, syndical, social, de la créativité de tous nos concitoyens, dans un renouvellement de notre démocratie.
L’ennemi, ce n’est pas le voisin, le titulaire d’une faible aide ou allocation, l’immigré plus ou moins récent. L’ennemi ? C’est « la finance », le grand capital.