Le coût du capital dans la métallurgie : toujours plus haut !
En 2023, l’économie française semble retrouver son sentier de croissance normalisé autour de 1/1,5% de croissance du PIB, et l’inflation semble durablement refluer depuis plusieurs mois désormais, en retrouvant progressivement la cible de 2%.
Si l’ensemble de l’économie s’est finalement bien comporté à la suite de la crise sanitaire, à travers un retour à une activité économique dynamique, les salariés semblent les laissés pour compte de ces trois dernières années. Les salaires réels des travailleurs, tout particulièrement ceux de la métallurgie, ont fortement régressé, non pas à cause d’une inflation incontrôlable, mais de par une insuffisance des augmentations de salaires qui n’ont pas compensé la hausse des prix, ainsi que la montée en qualification.
Si les salaires n’ont pas augmenté, le capital s’est lui grassement rémunéré en 2021 et 2022 via des distributions record (invariable) aux actionnaires. Force est de constater que l’année 2023 ne fait pas exception à la tendance observée ces deux dernières années.
Les superlatifs deviennent difficiles à trouver pour qualifier l’ascension fulgurante du coût du capital en France, et dans la branche de la métallurgie, tout particulièrement.
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En 2023, la distribution de dividendes dans les grands groupes de la métallurgie s’est élevée à plus 11 milliards d’euros, soit une augmentation de 24% par rapport à 2022. La part du résultat net distribuée sous forme de dividendes atteint 28%, soit 4 points de pourcentage supplémentaire en comparaison à l’année 2022. A cela, il faut ajouter au moins 7 milliards d’euros de rachats d’actions opérés par les grands groupes de la branche cotés au CAC40, soit une augmentation des rachats d’actions de plus 23 %. En somme, le coût financier du capital des groupes cotés au CAC40 atteint le montant historique de 18,2 milliards d’euros pour le cru 2023.
Pourtant, les résultats économiques des groupes de la branche, s’ils sont historiques, connaissent des augmentations similaires à la croissance du PIB et tendent vers un sentier de croissance normalisé. Le chiffre d’affaires consolidé des groupes du CAC40 de la métallurgie a augmenté de 1,4%. Ces tendances signifient deux phénomènes économiques importants :
» La rémunération du capital est décorrélée de la situation des politiques salariales dans les entreprises. Ce qui vient nécessairement accentuer les inégalités dans le partage entre le capital et le travail et conduit à la paupérisation des salariés ;
» La rémunération du capital est décorrélée des performances économiques de l’entreprise. Cette pratique pose un réel risque de sous-investissement des grands groupes de la métallurgie via un déséquilibre important dans le choix du fléchage entre rémunération du capital et investissement dans l’appareil productif.
D’aucuns diront que notre industrie est vieillissante et qu’elle représente l’économie du passé. Les résultats financiers des groupes du CAC40 démontrent tout le contraire. La branche métallurgie est particulièrement moderne dans sa pratique, puisqu’elle est un fleuron inégalé du capitalisme financier en garantissant aux actionnaires des taux de profitabilité démesurés.
Ce qui est vieillissant dans l’industrie, c’est l’appareil productif ainsi que les pratiques managériales et les politiques salariales dignes du 19e siècle, dont les répercussions sur les conditions de vie des travailleurs et sur la pérennité de leur capacité à vivre dignement sont désastreuses.
Baptiste Royer, Conseiller de la FTM CGT