JO Paris 2024 c'est parti après une cérémonie d'ouverture révolutionnaire déjà gravée dans l'histoire.
Pour la première fois, la cérémonie d’ouverture des JO n'a pas eu lieu dans un stade mais à l’air libre. La pluie annoncée est arrivée et elle redoublera d’intensité tout au long de la cérémonie. Cette cérémonie d’ouverture des Jeux et son onde de choc s’inscrivent dans un moment politique où deux visions du pays et deux modes du récit historique national se confrontent.
Du pont d’Austerlitz au Trocadéro, sur un trajet de 6 kilomètres, les 94 bateaux ont défilé avec, à leurs bords, 10 500 athlètes. Amassés sur les rives, plus de 300 000 spectateurs étaient aux premières loges pour assister au spectacle.
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La Grèce a ouvert le défilé des bateaux. C’est le pays-berceau de l’événement. Il a été suivi par le bateau de l’équipe des réfugiés du CIO. On a pu remarquer celui de la délégation algérienne qui lança des fleurs dans la Seine en hommage aux algériens noyés le 17 octobre 1961 ainsi que celui de la délégation palestinienne. Les barges des Etats-Unis qui recevra à Los Angeles les prochains jeux précédait celle de la France qui clôturait le défilé sous une pluie battante.

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De haut en bas : les bateaux des délégations grecque, française, palestinienne et algérienne
En termes de cérémonie d’ouverture, on en était resté à celle de la Coupe du monde de rugby avec Jean-Michel/Jean Dujardin, le boulanger des années 1950, comme un bout de pain rassis de la nostalgie posé sur une table vide sans même une nappe à carreaux. On ne pouvait dissiper nos craintes avec ce nouveau raout en mondovision, même si la composition et les ambitions de l’équipe aux commandes nous avaient mises en appétit.
Et on s’est finalement retrouvés attablés à un festin, une orgie même, regorgeant de victuailles symboliques, artistiques, culturelles, historiques, donc fondamentalement politiques. Nous eûmes droit à une « Très belle cérémonie » : Un cadre inédit pour un message universel regardée par plus de 22 millions de téléspectateurs en France et plus d'un milliard sur la planète !
Des douze tableaux comme douze apôtres d’une vision du monde subsisteront pour l’éternité des moments désormais iconiques. La scène de la conciergerie avec Ça ira à la sauce Gojira, groupe français de metal mondialement connu et, au balcon, une Marie-Antoinette tenant sa tête (on aurait préféré Louis XVI). La déambulation taquine et coquine dans une bibliothèque, avec des ouvrages comme un jeu de piste.

Les statues de dix femmes émergeant du lit du fleuve, parmi lesquelles la révolutionnaire Olympe de Gouges, la communarde Louise Michel ou l’avocate Gisèle Halimi. Aya Nakamura, sortant de l’Académie française et entraînant avec elle la garde républicaine dans le tableau « Égalité ».
Une Cène qui n’en est pas une, selon Thomas Jolly lui-même (mais alors, serait-ce plutôt le Festin des dieux, de Van Bijlert ?) composée de drag queens célèbres (Nicky Doll, Paloma et Piche), avec le chanteur Philippe Katerine en Dionysos. La chanteuse lyrique Axelle Saint-Cirel, originaire de Guadeloupe, interprétant la Marseillaise depuis le toit du Grand Palais.

Au moins deux scènes n’étaient pas prévues au script et ont teinté de beauté tragique cette première cérémonie au cœur de la ville : la délégation algérienne dispersant des roses dans la Seine, en hommage aux victimes du massacre du 17 octobre 1961, jetées à l’eau par la police ; le bateau de la Palestine avec ses huit athlètes, particulièrement acclamés le long de sa descente de la Seine et passant devant le président israélien Herzog qui leur dénie le droit à un État.
Cette cérémonie fera date avec des moments forts et des tableaux fidèles à l'Histoire singulière de la France. Au lendemain du spectacle, les maîtres d’œuvre persistaient et signaient. Patrick Boucheron, sur France Inter : « J’assume tout (…). C’était une manière de faire récit de notre diversité et d’affirmer crânement que c’est comme ça qu’on va vivre ensemble. » Thomas Jolly, dans le Monde : « Hier soir, c’était des idées républicaines, d’inclusion, de bienveillance, de générosité et de solidarité. » Dans notre édition de vendredi, la scénariste Fanny Herrero nous l’avait annoncé : « Un contre-exemple, c’était Le Puy du Fou, un regard sur l’histoire figé, héroïsé, virilisé. On décrit un mouvement, l’idée que l’esprit français est l’effet d’influences, de collisions, d’accidents. »

Après la montée du drapeau Olympique, les discours de Tony Estanguet président du comité d'organisation des jeux et de Thomas Bach président du CIO, le serment traditionnel des athlètes, arbitres et organisateurs, c'est Emmanuel Macron accueilli par des sifflets, qui déclara "les JO de Paris ouverts".


Zinédine Zidane transmit au collectif universel des derniers porteurs de la flamme ( Nadal - Nadia Comanecci - Carl Lewis - Séréna Williams) qui la donna aux médaillés olympiques français des derniers jeux qui la portèrent au duo olympien : Marie José Perec et Teddy Rinner pour qu'ils allument ensemble la vasque Olympique. Allumée, elle s’élève dans le ciel de Paris où elle restera jusqu'à la fin des jeux, alors que Céline Dion interpréte "L'hymne à l'amour" d'Edith Piaf. Grand et beau morceau de bonheur !
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Tout cela fait particulièrement sens, à rebours d’un « roman national », fait de grands hommes, de grandes dates et de longues racines chrétiennes, si prisé des droites. Si les libéraux retiennent leurs coups face à la grandeur du spectacle, une autre frange laisse libre cours à ses pulsions.
Le post de Marion Maréchal est éclairant : « Difficile d’apprécier les rares tableaux réussis entre Marie-Antoinette décapitée, le ”trouple” qui s’embrasse, des drags queens, l’humiliation de la garde républicaine obligée de danser sur du Aya Nakamura, la laideur générale des costumes et des chorégraphies. On cherche désespérément la célébration des valeurs du sport et de la beauté de la France au milieu d’une propagande woke aussi grossière. »
Dans la foulée, la fachosphère allait déterrer le CV des responsables, de Thomas Jolly ayant appelé à voter pour Jean-Luc Mélenchon en 2022 à l’historien Patrick Boucheron accordant une interview à l’Humanité appelant à voter en faveur du Nouveau Front populaire (NFP).
Pour notre part nous retiendrons à l'issue de ce formidable spectacle, la remarque de Céline Dion qui déclara après la cérémonie : « je suis heureuse de célébrer ces athlètes incroyables, avec toutes leurs histoires de sacrifice et de détermination, de douleur et de persévérance » « Vous avez tous été tellement concentrés sur votre rêve, et que vous rameniez ou non une médaille à la maison. (...) Restez concentrés, continuez, je suis de tout cœur avec vous ! »
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Sources diverses : AFP - Humanité etc.