10 septembre : Les riverains étaient au tribunal administratif pour s'opposer à l'exploitation du réacteur e-lynx d'Arkema Pierre-Bénite
Arkema Pierre-Bénite est un des principaux utilisateurs de PFAS (polluants éternels). Il veut augmenter sa production avec son nouveau réacteur "e-lynx" avec un avis favorable de la préfecture contesté par les riverains. Avec leur association "Bien vivre à Pierre-Bénite" ils contestent l'arrêté préfectoral, c'était la raison première de l'audience au Tribunal Administratif tenue le 10 septembre après midi. En moins de 6 mois, c'est la seconde action juridique engagée par l'association après celle menée contre l'extension de Daikin situé sur la même plateforme industrielle à Pierre-Bénite et toujours avec l'accord de la préfecture lui aussi contesté.
Il convient de rappeler que les entreprises Arkema et Daikin situées sur la plateforme industrielle de Pierre-Bénite sont à l'origine d'une pollution industrielle aux PFAS révélée par Martin Boudot en mai 2022. La contamination de l'eau, de l'air et des sols est réelle, d'ampleur et confirmée tant par les villes qui ont réalisée des études de prélèvements que par les associations locales et les services de l'Etat.
C'est un scandale sanitaire et environnemental d'autant plus qu'en matière de santé publique rien n'a été entrepris par la puissance publique depuis deux ans et demi, pour évaluer la contamination des êtres humains aux PFAS et entreprendre un suivi de soins des personnes impactées et ayant les pathologies découlant de cette contamination. Les estimations montrent qu'environ 350 000 personnes du Sud Ouest Lyonnais sont susceptibles d'être contaminées.
Malgré cela, Daikin et Arkema ont décidé d'augmenté leur production, le plus grave avec l'accord, dans les deux cas, de la préfecture fortement contesté par les riverains.
C'était l'objet de l'audience du tribunal administratif, "réclamer de la transparence sur les évolutions d'une usine très polluante" précise maître Bécue l'avocat de "Bien vivre à Pierre-Bénite". En mai 2024, un arrêté préfectoral a autorisé Arkema à développer la production de son produit le PVDF, un polymère fluoré, avec un nouveau procédé sans utiliser de PFAS selon les affirmations de la direction. Mais aucune évaluation environnementale, ni étude d'impact n'a été requise par la préfecture pour donner son autorisation.
C'est pourquoi l'association "Bien vivre à Pierre-Bénite" soutenue par les associations locale, divers comités comme le CAPIPSSOL et des forces politiques (PCF-EELV) demandent «la suspension immédiate de cet arrêté qui autorise de facto un industriel à produire plus, sans fournir de preuve de l’innocuité de cette nouvelle activité sur l’environnement et la santé environnementale sur un territoire déjà bien dégradé à ce sujet».
"Depuis 40 ans, il y a eu énormément d'évolutions significatives dans les productions du PVDF sans que l'exploitant soit questionné sur les risques" précise Sébastien Bécue. Cette absence d'exigence de transparence a conduit à la grave contamination aux PFAS. Or, comme le démontrent plusieurs études et enquêtes journalistiques, Arkema connaissait les risques liés à l’utilisation des PFAS depuis des années et des années.
Au tribunal l'avocate de la direction d'Arkema a joué la carte du "chantage à l'emploi" et de la "fragilité économique". Selon elle, un retard de la production pourrait fragiliser l’activité économique de la plateforme. Un argument qui a du mal à passer venant d’une multinationale qui a tendance à fuir les lieux où elle commence à avoir trop d’ennuis… Cela a été le cas d’une usine Solvay aux États-Unis. Cet industriel qui produisait du PVDF a été condamné pour pollution aux perfluorés. Cette unité de production a été rachetée par le groupe Arkema. Cela a du mal à passer également sur le terrain économique. Il suffit de lire le communiqué de la direction du groupe à l'occasion de la publication des comptes annuels 2023 :
"Le Groupe a réalisé une performance financière solide en 2023 dans un environnement macroéconomique exigeant, avec un EBITDA de 1,5 Md€, en ligne avec la guidance annuelle, et une excellente génération de cash. Arkema prévoit une croissance de l’EBITDA en 2024, principalement centrée sur la deuxième partie de l’année avec la montée en puissance de ses projets majeurs et une amélioration progressive des conditions de marché"
Il est rajouté plus loin : "Proposition d’un dividende de 3,50 euros par action (3,40 euros en 2022), en ligne avec la politique de croissance progressive et correspondant à un taux de distribution de 40 %"
L'association et les riverains espèrent que ce référé-suspension (procédure juridique d'urgence permettant à un juge administratif de suspendre l'exécution de l'arrêté préfectoral contesté) aura la même issue victorieuse que celle engagée contre l'arrêté préfectoral autorisant Daikin à mettre en route une nouvelle unité de production. C'est le 20 juin, que la justice a suspendu l’exploitation de cette nouvelle unité de production. «Une victoire importante en matière de lutte contre les émissions de PFAS», avait souligné Sébastien Bécue et s'étaient réjouis les militants et riverains.
C'est une bataille féroce qui est engagée avec deux multinationales de la chimie, autrement dit avec le capital ! Et comme l'habitude a été prise depuis plusieurs années, l'Etat vient à son secours ! Quelques semaines après le jugement mettant à l’arrêt une partie des activités de Daikin, le ministère de la Transition écologique démissionnaire a pourtant annoncé se pourvoir en cassation devant le Conseil d’Etat. Il conteste la décision du tribunal, mais sans s’en expliquer. De quoi provoquer la colère des riverains d'autant que ce ministre ne devrait gérer que les affaires courantes.
Jugeant peut-être que ce pourvoi en cassation était risqué, on apprenait le lundi 9 septembre (la veille de l'audience concernant Arkema) que l'Etat par l'intermédiaire de la préfecture, lancait une enquête publique sur l'extension de Daikin dans un souci "de transparence complète" avec pour objectif une nouvelle autorisation.
Le capital notamment dans la chimie fait un fort lobbying sur l'Etat et au niveau de l'UE pour arracher des décisions contraire à l'environnement, à la santé publique à l'intérêt général,. Il utilise par exemple l'argument que le PVDF produit par Arkema depuis des décennies serait indispensable à la transition énergétique, en tant que composant clé des batteries électriques. Une manière de cultiver la fatalité que la contamination aux PFAS et toutes ses conséquences serait le prix à payer pour la transition écologique.
Les riverains comme les associations et les divers comités qui agissent contre les PFAS refusent et contestent une telle "invention" porteuse de fatalité, ils estiment qu'il est possible de produire du PVDF sans utilisation de PFAS. comme il est possible d'avoir une industrie propre et sûre pour la santé publique et l'environnement.
Bien sûr il revient aux industriels de mettre en oeuvre des plans de recherche pour transformer leurs productions et de nouvelles méthodes pour sécuriser la santé publique des salariés et des populations et l'environnement. En ce sens, les salariés, les syndicalistes sur ces lieux de production tout comme les riverains sont de véritables sentinelles pour la santé et l'environnement et pour ce faire doivent disposer de nouveaux droits et au minimum le rétablissement des CHSCTE aux prérogatives renforcées.
La décision du Tribunal administratif sera rendu vendredi.
A suivre
«Depuis 40 ans, il y a eu énormément d’évolutions significatives dans la production du PVDF sans que l’exploitant soit questionné sur les risques associés, reprend Sébastien Bécue. C’est parce qu’il n’y a pas eu cette exigence de transparence qu’on s’est retrouvé avec une contamination généralisée aux PFAS». Or, comme l’a démontré France 3 Rhône-Alpes dans une série d’enquêtes, Arkema était informé des risques liés à l’utilisation et la fabrication des «polluants éternels» depuis des décennies.
L’avocat espère que ce référé-suspension — une procédure d’urgence qui permet de demander à un juge administratif de suspendre l’exécution d’une décision contestée — connaîtra la même issue victorieuse que celle contre Daikin, le voisin japonais d’Arkema. Le 20 juin, la justice avait suspendu l’exploitation d’une nouvelle unité de production de l’autre groupe chimique au cœur du scandale lyonnais. Là encore, un arrêté préfectoral avait pourtant autorisé Daikin à le faire, sans être soumis à une évaluation environnementale au préalable. «Une victoire importante en matière de lutte contre les émissions de PFAS», s’était réjoui Sébastien Bécue, ayant entraîné l’arrêt de la production. Mais pour combien de temps ?