Résultats du baromètre sur la gauche en France de l'Humanité et de l'Ifop

Publié le par Les communistes de Pierre Bénite

Résultats du baromètre sur la gauche en France de l'Humanité et de l'Ifop

 

À l’occasion de la Fête de l’Humanité, nous publions notre baromètre annuel, en partenariat avec l’Ifop. Il montre une percée du nombre de personnes se déclarant de gauche et fières de l’être, et un consensus autour de plusieurs mesures économiques emblématiques. L’effet NFP ? En partie, mais celui-ci peine encore à convaincre de sa pérennité.

 

La courte victoire du Nouveau Front populaire (NFP) aux dernières législatives illustre-t-elle une percée des idées de gauche dans l’opinion ? Question cruciale pour les formations de gauche et les mois à venir. Celle-ci irrigue le 11e baromètre de l’Humanité, réalisé en partenariat avec l’Ifop, que nous publions chaque année pour la Fête de l’Humanité qui se tient ce week-end, dans l’Essonne.

 

Premier enseignement de cette enquête : l’arrivée en tête du NFP n’a pas suscité d’inversion du positionnement politique des sondés. Il y a toujours moins de personnes qui se déclarent de gauche (44 %, contre 43 % en septembre 2023) que de droite (56 %, dont 13 % à l’extrême droite – un record).

 

« Mais, attention, la gauche existe encore et même plus que jamais, si l’on prend du recul sur ces dix dernières années, relève Frédéric Dabi, directeur général de l’Ifop. Il n’y a jamais eu autant de personnes de gauche qui se déclarent fières de l’être (74 %, contre 56 % en 2014) et qui pensent que la gauche peut gouverner sans se renier (81 %). »

 

 

Pour le sondeur, il y a un « effet d’éloignement temporel du quinquennat Hollande » : le souvenir des promesses trahies s’estompe, tandis que la politique d’Emmanuel Macron, clairement perçue comme de droite par 81 % des Français qui se déclarent de gauche (11 % d’entre eux estiment même que le président mène une politique d’extrême droite), réactive toujours plus un clivage net.

 

« Si la séquence, des européennes à la nomination de Michel Barnier, a opéré une clarification, c’est celle-ci, note Frédéric Dabi : à gauche, on ne croit plus qu’Emmanuel Macron représente une forme d’ “en même temps”, il est clair aux yeux de ses électeurs qu’il est de droite. »

 

 

Consensus sur les superprofits et les aides aux entreprises

 

Conséquence : cet électorat de gauche, qui attend de manière nette une autre forme de politique – ce qui est conforme aux résultats des législatives – et estime que la gauche est tout à fait en capacité d’appliquer son programme, contrairement au discours médiatique dominant, voit d’un mauvais œil l’hypothèse d’un accord du Nouveau Front populaire avec la Macronie : 56 % des Français de gauche estiment qu’un gouvernement NFP qui accueillerait des personnalités issues du bloc macroniste ne serait plus en mesure d’appliquer une politique de gauche. Ce serait, pour ainsi dire, faire entrer le loup dans la bergerie.

 

Alors qu’Emmanuel Macron a fait barrage à un gouvernement du NFP avec Lucie Castets pour première ministre, le baromètre de l’Humanité montre que plusieurs mesures phares de la coalition de gauche auraient remporté un large assentiment des Français.

 

Trois propositions, notamment, font l’objet d’un consensus auprès des sondés de gauche comme de l’ensemble des citoyens.

 

  • Tout d’abord, la lutte contre l’accaparement des richesses (plébiscitée par 91 % des Français de gauche et par 88 % de l’ensemble des Français), à l’heure où 10 % des plus riches détiennent plus de 50 % du patrimoine total, selon les chiffres de 2024 de la Banque de France.

 

  • Ensuite, le conditionnement des aides aux entreprises à des contreparties sociales et environnementales (gauche : 89 % d’opinion favorable ; ensemble des Français : 87 %)

 

  • Enfin, la taxation des profits des multinationales (gauche : 90 % ; ensemble des Français : 83 %). « On est en plein dans le programme du NFP, donc la bataille culturelle est loin d’être perdue, notamment sur les marqueurs économiques », note Frédéric Dabi.

 

Sur ces points, une gauche qui appliquerait son programme se superposerait aux attentes des Français.

 

Une majorité de Français se montrent également favorables à l’abrogation de la réforme des retraites (63 %) et à la suppression du 49.3 (66 %). Quasiment deux ans après l’adoption au forceps du texte, preuve est faite qu’Emmanuel Macron a toujours une large majorité, plurielle, contre lui, sur ce point.

 

 

Immigration et insécurité, les mots qui clivent

 

Le directeur de l’Ifop relève ainsi une forme « d’homogénéisation des positions » sur certains thèmes, loin du mythe d’une France polarisée à l’extrême, où les citoyens ne parleraient plus la même langue : « La question des services publics, par exemple, n’est plus seulement un marqueur de gauche. Même à droite, désormais, on considère que le recul des services publics est synonyme de déclin pour un territoire. »

 

Reste toutefois à la gauche d’incarner encore plus l’idée que c’est elle, bien plus que la droite et les gouvernements en place, qui fait des services publics une priorité. Frédéric Dabi note également que « d’un point de vue déclaratif, les interrogés valident le clivage gauche-droite, mais dans les faits, il y a de nombreux items où les positions ne sont pas tant antagonistes et convergent. C’est surtout sur les marqueurs sociétaux que le clivage reste marqué entre la gauche et la droite ».

 

Sans surprise, c’est en effet sur les questions d’immigration et d’insécurité que l’on relève le plus fort clivage. À gauche, 55 % des sondés estiment que l’immigration rapporte plus qu’elle ne coûte à la France, contre 23 % à droite. De même, si à gauche le fait d’accorder le droit de vote aux étrangers pour les municipales est perçu positivement (66 % sont pour), 64 % des personnes de droite y sont défavorables.

 

Les marqueurs sécuritaires, ultra-sollicités par le reste des interrogés, ne sont pas prioritaires dans le panel de gauche, qui identifie la meilleure répartition des richesses, la hausse des salaires et la protection de l’environnement comme les trois chantiers prioritaires d’un gouvernement progressiste.

 

Le baromètre enseigne donc que la gauche dispose d’une majorité d’idées en France, au-delà de son propre camp, sur des mesures phares de son programme économique. Mais aussi qu’il lui reste à convaincre sur la question de l’antiracisme (73 % des gens de gauche estiment qu’un racisme systémique a cours en France, contre 58 % à droite), de l’écologie (à droite, ils sont 57 % à penser qu’elle est compatible avec le capitalisme), ou encore des violences policières (72 % des Français de gauche considèrent qu’elles existent, contre 47 % pour ceux de droite).

 

Des doutes quant à l’avenir de l’union

 

Malgré le bel espoir qu’il a suscité et le score inattendu qu’il a réalisé lors des dernières législatives, le Nouveau Front populaire, en tant que tel, ne fait pourtant pas consensus. Tout d’abord, la coalition de gauche revient comme le mot perçu le plus négativement par les Français classés à droite, où il fait figure d’épouvantail (devant les mots « immigration », « communisme » et « grève »). « Il est clair qu’à droite, on craint que le NFP n’arrive au pouvoir et n’applique son programme, malgré les points de convergence observés », relève Frédéric Dabi.

 

Mais, à gauche aussi, l’enthousiasme est mesuré : seuls 52 % des sondés se déclarant de gauche estiment que le terme « Nouveau Front populaire » a une connotation positive.

 

Comment expliquer cette méfiance ? « Il y a, dans les Français qui se déclarent de gauche, de nombreuses personnes de tendance sociale-démocrate qui voient cette alliance comme trop radicale, ou penchant encore trop du côté de Jean-Luc Mélenchon, même si celui-ci est bien plus en retrait qu’à l’époque de la Nupes », analyse Frédéric Dabi.

 

 

En témoigne la percée au baromètre de l’eurodéputé Place publique Raphaël Glucksmann parmi les personnalités citées comme incarnant le mieux la gauche. Surtout, 61 % d’entre eux estiment que le NFP sera amené à se désunir et à disparaître. « C’est à peu près le même pourcentage qu’avec la Nupes, l’an dernier, note le sondeur. Le souvenir de la désunion de la précédente alliance ne plaide pas en faveur du Nouveau Front populaire, pour beaucoup. »

 

Ce pessimisme quant à la pérennité de l’alliance électorale née des législatives est d’autant plus net que, dans le même temps, les Français de gauche attendent toujours une candidature unique (à 61 %) en 2027.

 

 

En clair, pour vaincre les doutes, le NFP devra montrer sa capacité à trancher l’épineuse question d’une incarnation commune à la présidentielle, sans que l’obstacle n’ait raison de sa solidité. Et organiser le nécessaire débat entre les deux grandes familles de la gauche, ni irréconciliables, ni conciliantes l’une envers l’autre : la gauche de rupture et la social-démocratie.

 

Cyprien Caddeo  Article publié dans l'Humanité

 

 

Publié dans Front Populaire

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