Au Maroc, Macron fait allégeance, au mépris du peuple sahraoui

Publié le par Les communistes de Pierre Bénite

Emmanuel Macron en discussion avec le roi du Maroc Mohammed VI lors d’une cérémonie de signature à Rabat, le 28 octobre 2024. ©Ludovic Marin/AFP

Emmanuel Macron en discussion avec le roi du Maroc Mohammed VI lors d’une cérémonie de signature à Rabat, le 28 octobre 2024. ©Ludovic Marin/AFP

 

Le président de la République française poursuit sa visite d’État de trois jours, mise en scène d’une réconciliation diplomatique historique. Un rapprochement au mépris des droits du peuple sahraoui, qui ne fait pas le poids face aux intérêts économiques et géopolitiques. Explications.

 

Il faut souhaiter que les artisans marocains, célèbres pour leur production de tapis, en aient confectionné un très grand au vu de la quantité de poussière à mettre dessous. Emmanuel Macron est arrivé à Rabat pour une visite d’État grandiloquente de trois jours placée sous le signe de l’allégeance au royaume chérifien, contrats obligent.

 

La première depuis 2013 pour un président français, après une brouille diplomatique d’ampleur marquée notamment par les dossiers de l’affaire Pegasus et de la réduction du nombre de visas français délivrés aux ressortissants marocains.

 

Avec ce déplacement, le président « vise à marquer une nouvelle ambition pour les trente ans à venir » au bénéfice de la relation entre la France et le Maroc, indique l’Élysée. Économie, agriculture, environnement, éducation, culture et immigration : tous les sujets sont au programme des trois jours de la visite.

 

La fin d’une décennie de tensions

 

C’est d’ailleurs flanqué de neuf ministres et cinquante dirigeants de grandes entreprises que Macron a débarqué à Rabat, accueilli par le roi Mohammed VI. Lundi soir, un premier entretien entre les deux chefs d’État s’est tenu au palais royal, notamment pour évoquer les sujets qui fâchent – ou qui ont fâché.

 

Car les intérêts conjoints de la realpolitik et de contrats lucratifs pour les grandes entreprises françaises ont sonné le glas de cette brouille. Avec une conséquence majeure : le changement de pied de la France au sujet du Sahara occidental.

 

Le 30 juillet, dans une lettre adressée à Mohammed VI, Emmanuel Macron établissait pour la première fois que « le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine ». Cette allégeance était en réalité la condition sine qua non au rapprochement entre la France et le Maroc, après une décennie de tensions de plus ou moins basse intensité. Elles avaient culminé en 2021 avec le scandale Pegasus (du nom du logiciel espion israélien utilisé notamment par le Maroc), grâce auquel les autorités marocaines sont soupçonnées d’avoir surveillé de nombreuses personnalités françaises – y compris Emmanuel Macron.

 

Un territoire considéré « non autonome » par les Nations Unies

 

Ce mardi, devant le Parlement marocain, le chef de l’État va prononcer un discours très attendu où il devrait confirmer cette reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental – au mépris, donc, du droit international, pour qui l’occupation illégale dure depuis 1975 –, malgré la lutte du Front Polisario.

 

Pour les Nations unies, depuis 1991, le territoire est considéré comme « non autonome » et donc à décoloniser – comme les possessions françaises du Pacifique, ce qui explique sans doute que la France fasse peu de cas de ces considérations juridiques.

 

Dans une lettre ouverte adressée, le 24 octobre, au président de la République, l’Observatoire universitaire international du Sahara occidental interpelle Emmanuel Macron à propos de son revirement diplomatique « en totale contradiction avec le droit international et européen », rappelant que la Cour de justice de l’Union européenne a précisément remis en cause les accords commerciaux entre l’UE et le Maroc en raison du « mépris des droits du peuple sahraoui ».

 

L’épineuse question des visas

 

C’est pourtant sous le signe de juteux contrats économiques que cette visite s’inscrit. Engie, Alstom, Safran, TotalEnergies, Airbus, Veolia ou Thalès : les fleurons de notre économie accompagnent le chef de l’État. Plusieurs projets sont dans les tuyaux : vente d’hélicoptères à l’armée marocaine, liaison TGV entre Tanger et Agadir ou encore énergies renouvelables, usines de dessalement et ligne à haute tension dans le territoire du… Sahara occidental.

 

Selon l’Élysée, la France « est prête à accompagner le développement économique de ces régions au bénéfice des populations locales et conformément au droit international ». Un mensonge éhonté.

 

Dernier sujet d’importance abordé au cours de ces trois jours : celui des expulsions de ressortissants marocains. En 2021-2022, la France avait tenté la manière forte en réduisant drastiquement la délivrance de visas pour forcer le Maroc à accepter le retour de ses ressortissants.

Un acte à l’origine de la période la plus aiguë dans la crise entre les deux pays. Le nouveau ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, fait précisément partie de la délégation française pour obtenir un accord qu’il présentera comme une grande victoire politique et diplomatique. À tous les égards, cette visite d’État laisse déjà un goût amer, celui de l’indignité.

 

Benjamin König   Article publié dans l'Humanité

Publié dans Afrique, International, ONU

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