Industrie pharmaceutique Doliprane : accord entre Sanofi et le fonds américain CD&R, l’Etat s’invite au capital

Publié le par Les communistes de Pierre Bénite

Mobilisation à Sanofi Lisieux

Mobilisation à Sanofi Lisieux

 

Sanofi, le leader français de l’industrie pharmaceutique envisageait de se séparer de sa filiale de médicaments sans ordonnance. Deux offres lui sont parvenues de fonds d’investissement français et américain. Dimanche Sanofi a fait le choix de l'américain annoncé ce lundi à la presse !

 

Le choix du fonds américain CD&R

 

L'avenir d'Opella filiale de Sanofi s'éclaircit donc un peu. Abandonné par Sanofi qui cherche à se débarrasser de sa filiale de médicaments sans ordonnance, le géant français a annoncé son choix quant à l’identité du repreneur, ça sera le fond américain CD & R.

 

Deux potentiels acquéreurs étaient sur les rangs pour reprendre la filiale qui produit le Doliprane. Le fonds français PAI Partners, spécialiste en rachat financé par l’endettement de la société cédée, épaulé par des fonds émiratis, singapouriens et canadiens et le fonds américain Clayton Dubilier & Rice (CD&R). Le rachat est de 51% du capital estimé à 16 milliards d'euros.

 

CD & R est un gros fonds américain qui investit en France depuis une quinzaine d’années (notamment dans Rexel, Spie, Socotec, But et Conforama) et soutient plusieurs entreprises pharmaceutiques comme Inizio et Sharp. Sanofi assure que «ce projet n’aura pas d’impact sur l’emploi en France» et qu’il a vocation à faire grandir Opella en s’appuyant sur un partenaire financier prêt à investir dans ce marché plus proche de la grande consommation que de l’activité pharmaceutique.

 

Un troisième scénario aurait pu voir le jour avec l’entrée en bourse d’Opella et le maintien d’une participation de Sanofi. « Nous gardons toutes les options ouvertes, y compris une cotation et une vente, afin de maximiser la création de valeur pour toutes nos parties prenantes », avait précisé l’entreprise à l’Humanité.

 

Les syndicats craignent une «casse sociale» dans les 1 700 emplois que compte Opella sur le sol français, dont 480 sur son site de Compiègne (Oise) et 250 dans son usine de Lisieux (Calvados), dédiée au médicament le plus vendu en France. Dans ces établissements la CGT avec les salariés de Sanofi ont engagé l'action depuis plusieurs jours !

 

L'Etat joue le SAV avec une place de "plante verte" au CA d'Opella

 

Qu’en pense l’État ? Muet jusqu'à ces derniers jours, le ministre de l’Economie, Antoine Armand a assuré que l’Etat a obtenu «des garanties» sur l’emploi, la production et le développement de la filiale. «L’Etat, via Bpifrance, sera actionnaire pour y veiller», a-t-il ajouté. Il fut un temps où Macron avait désigné la reconquête du champ pharmaceutique, dont le paracétamol, principe actif du Doliprane, comme secteur stratégique après la crise du Covid.

 

Opella sera bien vendue au fond américain CD & R, mais va aussi faire l’objet d’un accord tripartite incluant l’Etat. Le conseil d’administration de Sanofi a acté ce dimanche son choix de CD & R, et entériné un accord prévoyant que l’Etat entre au capital de l’entité, et surtout puisse siéger au conseil d’administration.

 

Avec quel poids ? La participation de Bpifrance sera de 2 % du capital. «Mais pour l’Etat, le fait d’avoir un représentant au conseil d’administration permet de suivre la bonne réalisation des engagements, a ajouté Bercy. C’est un témoin in situ doté d’un droit de vote. Cela donnera une effectivité totale à ces engagements, qui sont associés à des sanctions pécuniaires lourdes.». Il n'en reste pas moins que ce sont encore des fonds publics qui vont rejoindre les caisses d'Opella, une manne qu'appréciera l'acheteur américain.

 

L’État a posé ses limites. Mais celles-ci peinent encore à convaincre les salariés sur le long terme. « Le gouvernement est une fois de plus venu faire le SAV de Sanofi en lui permettant de vendre sa branche santé grand public. En faisant prendre 2 % du capital aux côtés de CD & R et de Sanofi par la BPI, il s’offre une place de plante verte au conseil d’administration mais n’aura aucun moyen d’influer sur les décisions futures » s’agace Fabien Mallet, coordinateur CGT Sanofi. La menace que fait peser cette cession sur l'emploi à Opella sur le sol français face à « la recherche de rentabilité de ce fonds » existe bel et bien.

 

Des garanties insuffisantes face à la recherche de rentabilité financière

 

Ces inquiétudes et la mobilisation ont conduit les parties prenantes à convenir de la protection de l’emploi des 1 700 salariés d’Opella sous peine d’une pénalité de 100 000 euros par emploi supprimé.

 

Mais ces garanties sont loin d'être satisfaisantes.« Nous continuons de marteler que Sanofi et la BPI se doivent d’être majoritaires pour être décisionnaires. Les engagements ne sont pris que pour cinq ans, ce qui n’est pas suffisant », regrette la CFDT du site de Compiègne. Quant aux « sanctions encourues en cas de non-respect des engagements, Sanofi et CD & R ont les reins suffisamment solides pour payer les amendes et aller à l’encontre des engagements. »

 

Depuis 2019, Sanofi s’emploie à rendre désirable Opella en procédant à des réorganisations (décrochage de la maison mère ; division par deux du nombre de sites ; productions resserrées sur la France, les États-Unis, le Japon, le Brésil et la Hongrie).

 

Sanofi justifie cette vente par son besoin d’investissement dans la recherche pour de nouveaux vaccins et médicaments. « Si nous voulons accélérer ces travaux, nous devrons investir massivement en recherche et développement (on est déjà passé d’environ 5 milliards d’euros par an en 2020 à près de 7 milliards en 2023), nous prévoyons ainsi d’augmenter de 700 millions d’euros par an notre budget R&D dans les années à venir », précise le groupe. 

 

Un argument qui ne convainc pas Fabien Mallet coordinateur CGT Sanofi : « Si Sanofi se sépare d’Opella, ce n’est que pour avoir de l’argent rapidement. L’entreprise compte utiliser ces fonds pour combler le retard pris dans la R&D. Or ce délai a été organisé par une direction qui a tout orienté vers la rémunération de ses actionnaires, cassant l’outil recherche et délaissant l’industriel. »

 

La mobilisation des salariés va compter

 

Cette décision de Sanofi a été prise, malgré la mobilisation des salariés qui avaient répondu jeudi, à l’appel de la CGT et la CFDT, en menant un important mouvement de grève pour contrer la vente d’Orpella.

 

La colère explose chez Sanofi, qui s'est déjà désengagé ces dernières années de 200 médicaments sur les 300 qu’il commercialise. La direction explique qu’ils sont peu rentables, mais oublie de dire que beaucoup d’entre eux revêtent un intérêt thérapeutique majeur. La démonstration est faite. Sanofi sacrifie ses axes de recherche. Sur huit il y a quelques années, il n’en reste plus que quatre aujourd’hui, tous à forte rentabilité.

 

Il y a urgence à créer un pôle public du médicament

 

Nous sommes loin de la mission qui devrait être celle d’une telle entreprise : l’intérêt général et les réponses aux besoins de santé de la population. Sanofi a supprimé 5 000 emplois ces douze dernières années et poursuit cette stratégie qui diminue nos capacités scientifiques et industrielles.

 

Ce qui amène Thierry Bodin a affirmer qu'il faut créer un pôle public du médicament, une proposition que la CGT porte et partage avec certains groupes politiques. Car quand on sait que l’entité européenne sur les principes actifs devrait être financée à 15 % environ par la Banque publique d’investissement, pourquoi un tel projet n’est pas tout simplement nationalisé ? Je ne parle pas de pouvoir étatique, mais les personnels de santé, les salariés, les professionnels du secteur et les pouvoirs publics devraient avoir un rôle déterminant dans la direction d’une entreprise comme Sanofi.

 

Il s'agit de souveraineté. C’est un sujet absolument fondamental. Le manque de souveraineté dans ce domaine peut devenir une arme déterminante pour contraindre un pays à se plier aux desiderata de ceux dont il dépend pour soigner sa population. On le voit avec l’Iran et les États-Unis. Quand on parle de réindustrialisation, d’indépendance thérapeutique, il faut que les actes suivent. Mais quand Macron, en visite sur le site de Marcy-l’Étoile, termine son intervention en disant « merci Paul » à Paul Hudson, PDG de Sanofi, on se demande franchement qui prend les décisions. 

 

Sans surprise, le fonds américain CD & R veut « accélérer » la croissance d’Opella, qui détient 115 marques dans le monde et compte 11 000 collaborateurs dans environ 100 pays, afin de « créer un champion français mondial de la santé grand public ». Un jargon commercial peu rassurant pour les salariés, la production française et l'emploi.

 

Mobilisés avec la CGT et la CFDT, beaucoup affirment leur détermination « la santé n’est pas une marchandise », comme cela est écrit sur une banderole CGT accrochée aux grilles de l’usine Lisieux lors de la grève.

 

Sources : l'Humanité

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