Pollution aux PFAS. Malgré les fortes oppositions, l'Etat (Préfecture) autorise l'extension "Pré-compound" de Daikin
Synthèse de la Préfecture
Déclaration des associations Page 1
Déclaration des associations Page 2
La Préfecture AURA a autorisé le démarrage de la nouvelle production "Pré-compound" de Daikin à Pierre-Bénite. Elle a publié sur son site, les résultats de la consultation publique visant à contourner la suspension de cette production par le juge des référés en juin, favorable aux populations impactées par cette pollution industrielle et jugeant que cette extension était substantielle et qu'il y avait lieu de la soumettre à une évaluation environnementale.
Pour le CAPIPSSOL cette consultation publique est un véritable succès avec 829 participations par internet alors que des centaines de personnes n'en disposent pas et ont donc été privées de faire connaître leur opposition à la Préfecture.
Sur son site dédié au dossier Daikin, la préfecture reconnaît que les contributions sont quasiment toutes défavorables au fonctionnement de cette unité "Pré-compound" et donc à un nouvel arrêté de l'Etat. Malgré ça, la Préfecture s'est précipitée pour donner son feu vert alors que l'opposition émergeant de la consultation publique aurait du la conduire à prendre du recul et à décider d'un temps de réflexion voire d'un moratoire.
Son annonce du nouvel arrêté préfectoral a été discrètement faite la veille auprès du comité des élus du Sud de Lyon. Certainement par crainte d'une forte contestation publique sachant que le « pré-compound » de Daikin, utilise des PFAS dangereux pour la santé et l'environnement notamment le Bisphénol AF classé comme « extrêmement préoccupant » par la règlementation européenne.
Néanmoins, cet arrêté fait suite à une nouvelle étude de la DREA conduisant à encadrer cette activité de manière plus stricte, en imposant des contrôles de rejet d’air plus fréquents et en exigeant une recherche plus rapide d’un produit de substitution au Bisphénol AF. La DREAL note aussi qu’un « filtre absolu » a été installé dans ce nouvel atelier, comparable aux filtres des laboratoires P4, ainsi qu'une station de traitement des eaux installée sur le site qui jouxte Arkema. Ces mesures découlent des exigences remontées de la consultation publique démontrant une nouvelle fois que l'intervention citoyenne est toujours efficace.
Il n'en reste pas moins que c'est un accord de l'Etat pour polluer encore l'environnement et la ville de Pierre-Bénite déjà très sérieusement polluée par les PFAS comme en attestent les résultats des prélèvements effectués depuis 2022.
Cet arrêté court-circuite la procédure juridique toujours en cours. Un premier arrêté préfectoral a été suspendu en juin par le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, lequel a estimé que les garanties sanitaires étaient insuffisantes. Le ministère de l’environnement a fait appel de ce jugement. Il reprend les arguments discutables de la préfète: cette nouvelle production de Daikin ne constituerait pas « une modification substantielle » de l’activité globale du site, et ne serait donc pas soumise au régime « d’autorisation ».
Selon le principe de précaution, il eut été pertinent d'attendre la fin des procédures juridiques et apprécier en fonction du jugement s'il fallait ou pas donner l'autorisation à cette nouvelle production. Mais la préfecture a fait un autre choix, ne pas attendre la suite de la procédure et redonner son accord. Quelles sont ses motivations, certainement celui des intérêts économiques de Daikin contre la santé et l'environnement, sans parler de la portée du lobbying effectué par les industriels.
La préfète affirme agir dans « la transparence » en rendant publique toutes les études disponibles sur le sujet. Certes, mais il n'en reste pas moins vrai qu'une telle décision avec les risques connus, est très précipitée et comme le dénoncent les élus-es, les associations locales et le CAPIPSSOL, cela aurait du permettre une période transitoire pour effectuer une réelle évaluation environnementale et renforcer les dispositions pour diminuer encore les risques pour la santé et l'environnement.
Concernant les contrôles des installations sur site, la Préfecture répond : "... ces actions administratives s’inscrivent dans un cadre réglementaire établi. Les rejets des futures installations seront suivis et s’ils ne sont pas conformes, des actions de coercition seront prises. L’installation de Daikin est ainsi suivie avec les mêmes exigences environnementales que l’industrie pharmaceutique, et sur la base de prescriptions adaptées aux risques que présentent ses activités, basées sur l’évaluation environnementale ayant donné lieu à son autorisation en 2003."
On veut bien croire la Préfecture, mais on peut douter de son efficacité quand on connaît la volonté de l'Etat d'imposer une cure d'austérité terrible aux diverses administrations d'Etat. Alors qu'il faudrait des dizaines d'emploi de contrôleurs supplémentaires on a plutôt à craindre une "purge" de ces agents à l'activité si précieuse pour la surveillance des 600 sites industriels de notre Région et pour la sécurité des populations.
Enfin concernant la santé, la Préfecture renvoie à une annexe rédigée par l'ARS qui soit ne répond pas sur le fond soit évacue les problématiques posées notamment issues de la consultation publique. Il en est ainsi de la demande d'une étude épidémiologique. Elle reconnaît la dangerosité des PFAS pour la santé des populations mais balaye d'un revers de main le bien fondé d'une étude épidémiologique avec une argumentation très contestable :
" Les PFAS sont toutefois soupçonnés, notamment, d’induire des cancers du rein, du foie et des testicules. Dans les zones polluées, avec des tailles de population limitées et des pathologies relativement rares, une étude de l’incidence de ces pathologies s’avère peu pertinente car elle ne permettrait ni d’observer une association avec l’exposition aux PFAS, et encore moins de conclure à une causalité, que ce soit au regard des contraintes statistiques (faibles effectifs des populations et des pathologies) et de leur origine plurifactorielle."
Parmi les demandes faites lors de la consultation publique, la Préfecture note celle de créer "une filière de santé locale spécifique aux PFAS" sous l'autorité du ministère de la santé afin d’effectuer un suivi médical spécifique des populations exposées. A nouveau elle ne répond pas et affirme : " Il est important de souligner que cette filière existe déjà à travers les actions coordonnées des autorités sanitaires et environnementales locales. Ces dernières sont pleinement opérationnelles et organisées autour du représentant de l’État (Préfète du Rhône), qui est chargée de prendre les mesures nécessaires en cas de risque sanitaire, en lien avec ses services et l’Agence régionale de santé."
Une telle réponse est très insatisfaisante à la problématique de santé formulée ainsi pas le CAPIPSSOL :
En attendant les résultats de l'étude Perle que fait la puissance publique pour traiter des pathologies ou les risques de pathologies découlant de cette contamination chez les salariés, anciens salariés et populations impactées ? A ce jour rien ! Ce qui provoque de l'angoisse, de l'inquiétude et parfois de la colère chez de nombreux habitants susceptibles d'être contaminés. C'est pourquoi, le CAPIPSSOL propose "qu'un plan santé local" soit mis en place.
Il s'agirait d'opérer le prélèvement sanguin des personnes volontaires, de faire analyser leur sang en recherchant la présence de PFAS, et dans le cas où ceux-ci seraient présents d'engager des soins et un suivi de soins pour traiter les pathologies existantes ou possibles. Il s'agit de mettre en place sous l'autorité du ministère de la santé et de l'ARS, "une filière locale de santé spécifique aux PFAS."
Bien évidemment, il ne revient pas aux finances publiques de prendre en charge un tel plan de santé, cette prise en charge est du ressort des pollueurs clairement identifiés dans notre cas. Tout comme ils doivent prendre en charge les coûts des plans de dépollution selon le principe pollueur payeur, avant d’envisager des extensions d’activité.
Cette décision de l'Etat de donner le feu vert à l'activité "Pré-compound" de Daikin, nous conforte pour interpeler les nouveaux ministres de l'industrie, de la santé et de la transition écologique.
En pièces jointes :
1) la synthèse de la consultation publique de la Préfecture
2) le communiqué des associations locales