COP29 : la jeunesse hausse le ton !

Publié le par Les communistes de Pierre Bénite

 

Exclue du processus décisionnaire du 29e sommet onusien pour le climat qui s’ouvre le 11 novembre à Bakou en Azerbaïdjan, la jeunesse militante ne lâche rien et s’organise. Entre exigences globales et actions locales, toute une génération en première ligne du combat hausse le ton et entend mobiliser pour exiger des mesures plus radicales.

 

Ils ou elles sont les héritiers d’un monde à + 4 °C de réchauffement planétaire, celles et ceux qui subiront de plein fouet les effets du changement climatique et dont le destin est scellé par les décisions des gouvernements présents. Aux quatre coins du monde, les jeunes générations se soulèvent pour exiger de leur part un changement de cap radical en vue de préserver l’habitabilité de la planète.

 

Dans les pas de la célèbre militante suédoise Greta Thunberg, nombre de militants ont émergé ces dernières années à l’occasion des marches pour le climat. Venus en famille ou entre amis participer à ces rassemblements, ils ont développé – parfois très tôt – une conscience écologique aiguisée.

 

À l’aune de la COP29, qui s’ouvre à Bakou (Azerbaïdjan), ces jeunes de tous horizons comptent bien faire entendre leur voix pour peser sur les débats. Encore faut-il qu’ils y soient conviés : « Comme nous ne sommes pas invités autour de la table, il faut nous inviter nous-mêmes. Si les discussions ne sont pas ambitieuses, nous en payerons le prix », confie Adélaïde Charlier.

 

« Ce sont eux qui prennent les décisions à notre place »

 

Cette militante belge de 23 ans, mobilisée sur les questions environnementales depuis qu’elle a atteint la majorité, a cofondé le mouvement international Youth for Climate. « L’urgence climatique me prend aux tripes. Je ne suis pas tant inquiète par le dérèglement climatique que par la manière dont nous y faisons face. Pas tant inquiète par les rapports du Giec que par le fait que nous ne fassions rien de ces études. »

 

Au contact de nombreux jeunes de sa génération, l’intéressée argue que conscientiser la catastrophe à venir, c’est « savoir être un adulte dans ce monde ». C’est dans cette optique que Melati Wijsen, militante qui se bat depuis ses 12 ans contre la pollution plastique à Bali (Indonésie), s’est rendue à Bakou deux semaines avant le lancement du sommet onusien. Elle y a représenté Youthtopia, association qu’elle a elle-même fondée : « Nous avons rencontré près de 100 jeunes de la région afin qu’ils disposent d’une plateforme éducative leur permettant de s’engager, avant que la ville ne soit prise d’assaut par les dirigeants mondiaux. »

 

Comme elle, Ahmed Ag Mohamed, jeune Touareg de 28 ans vivant à Tombouctou (Mali), assiste au grand raout climatique dans l’espoir que des engagements forts soient pris en matière d’investissements pour le continent africain, non sans rappeler que « cette année, dans le Sahel, les phénomènes de sécheresse et d’inondations se sont amplifiés, tandis que les conditions de vie se dégradent rapidement ».

 

Il y croisera le chemin de la délégation autochtone brésilienne, dont Thaline Karajá fait partie : « La COP29 sert les puissants, les politiciens, les célébrités, les hommes d’affaires ; ce sont eux qui prennent les décisions à notre place. J’espère qu’ils nous écouteront. » Son peuple, les Karaja, vit au cœur de l’Amazonie, dans l’État de Tocantins (Brésil), et plus précisément sur Bananal, la plus vaste île fluviale de la planète. « Nous sommes aujourd’hui confrontés à une sécheresse historique, exprime-t-elle, et nous perdons chaque année des mètres de terre à cause de l’agro-industrie. » Selon elle, plus de onze millions d’hectares de forêt amazonienne sont partis en fumée rien qu’au cours de l’année 2024 : « J’ose parler d’écocide et de génocide des peuples autochtones. »

 

En sus des mobilisations, ces mille et un visages de la génération climat pilotent au quotidien des projets sur leurs territoires respectifs. « Lors de la Journée internationale de la Terre, nous avons planté avec mes amis quelque 60 arbres dans un village et sensibilisé les enfants dans les écoles. Mais nous manquons cruellement de moyens », regrette Ahmed. L’activiste malien pointe du doigt les pays les plus pollueurs, à qui il exhorte de « mobiliser beaucoup plus de fonds pour financer les projets de la jeunesse ».

 

C’est là l’enjeu principal de cette COP29 : la finance climat. Que les États qui ont historiquement les plus contribué aux émissions de CO2 s’acquittent de leur dette envers les États en voie de développement, ceux-là mêmes qui sont les plus vulnérables face au changement climatique.

 

Contre vents et marées, garder espoir

 

« Un scénario à + 4 °C de réchauffement ne peut conduire qu’au désastre, beaucoup de citoyens perdront les moyens de répondre à leurs besoins primaires », présage Adélaïde Charlier. Cette angoisse d’un monde en proie aux phénomènes extrêmes, aussi appelée écoanxiété, est ressentie par de plus en plus de jeunes.

 

Selon une étude publiée le 15 octobre par « The Lancet Planetary Health » et réalisée auprès de près de 16 000 jeunes Américains de 16 à 25 ans, 85 % d’entre eux s’estiment inquiets du changement climatique et de ses effets sur les personnes et la planète. Près d’un sondé sur deux affirme même que cette situation a un impact sur sa santé mentale.

 

« Je suis profondément désespérée à l’idée que ces scénarios puissent devenir réels », fulmine Jamie Minden. Engagée dans la lutte dès 13 ans, elle a assisté, impuissante, aux incendies de forêt, chez elle, en Californie (États-Unis). Aujourd’hui codirectrice de l’organisation Zero Hour, qu’elle représente en Azerbaïdjan pour réclamer la fin des énergies fossiles, l’activiste redoute également les effets des élections américaines sur les négociations climatiques : « Quoi qu’il arrive, il ne faut pas se décourager. Maintenir la pression sur nos dirigeants, quitte à changer nos modes d’action. »

 

De son côté, Thaline Karajá se bat pour elle et les siens, mais aussi et surtout pour sa fille de 4 ans. De plus en plus de femmes de sa génération optent néanmoins pour un choix radical : ne pas avoir d’enfant, tant les perspectives d’avenir ne leur semblent pas propices à une vie durable et heureuse. La question revient de façon récurrente chez les jeunes adultes. De même que celle qui consiste à s’engager frontalement contre l’inaction climatique au moyen de la désobéissance civile : les cas de jeunes militants environnementaux – même très jeunes – persécutés à travers le monde ou condamnés se multiplient.

 

Cette situation désole Michel Forst, rapporteur spécial des Nations unies pour les défenseurs de l’environnement :

 

« Après être passés devant un tribunal, beaucoup de jeunes décident de cesser leur activisme. Ils n’iront plus manifester à cause de l’impact sur leurs études, voire leur avenir. Ils pourraient par exemple se retrouver avec un casier judiciaire et se voir interdire de postuler à un emploi public, précise le fonctionnaire onusien. Cette jeunesse qui se mobilise est empêchée de continuer à militer. Or, ils sont la relève des vieux militants que nous sommes. »

 

Plusieurs semaines avant le top départ de la COP29, plusieurs militants proclimat ont été emprisonnés en Azerbaïdjan. Pour Melati Wijsen, Ahmed Ag Mohamed et tous les autres, cette menace ne fait que les galvaniser.

 

Antoine Portoles Article publié dans l'Humanité

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