« Crime contre l’humanité », « crime de guerre » et « nettoyage ethnique » : un rapport accablant pour Israël
L’ONG "Human Rights Watch" a publié un rapport ce jeudi 14 novembre, où elle accuse le gouvernement israélien de rendre « systématiquement inhabitable » des zones bombardées à Gaza et de commettre un « crime de guerre » et un « crime contre l’humanité » en obligeant la population civile à se déplacer, sans leur apporter de solution sécurisée.
Le 13 octobre 2023, près d’une semaine après l’attaque menée par la branche armée du Hamas, l’armée israélienne a ordonné à tous les habitants du nord de la bande Gaza d’évacuer vers le sud. Plus d’un million de personnes devaient laisser leurs vies derrière eux, quitter leurs foyers, sous peine de se retrouver en première ligne des représailles israéliennes. Le même jour, le président israélien, Isaac Herzog, a déclaré : « C’est toute une nation qui est responsable. Cette rhétorique selon laquelle les civils ne sont pas au courant, ne sont pas impliqués, c’est absolument faux. Ils auraient pu se soulever, ils auraient pu lutter contre ce régime maléfique. »
La suite des événements démontre que les autorités israéliennes n’ont jamais eu l’intention de protéger la population civile palestinienne des bombardements et des incursions terrestres. En octobre 2024, 1,9 million de personnes ont été déplacées à Gaza sur une population de 2,2 millions d’habitants, estiment les Nations Unies (ONU).
C’est dans l’optique de pointer les manquements d’Israël sur ce sujet que l’ONG Human Rights Watch (HRW) dévoile, ce jeudi 14 novembre, un rapport de plus de 150 pages, le fruit d’une enquête menée entre novembre 2023 et juin 2024.
Un « nettoyage ethnique »
Basé sur les témoignages de 39 Palestiniens déplacés à l’intérieur de Gaza, le rapport établit que les ordres d’évacuation à répétition de l’armée israélienne dans la bande de Gaza mènent à des déplacements forcés de population, ce qui relève du « crime de guerre » et du « crime contre l’humanité ». Une violation des Conventions de Genève et un crime selon le Statut de Rome, qui a été établi par la Cour pénale internationale (CPI). Human Rights Watch estime même que la stratégie de l’armée israélienne « semble également correspondre à la définition du nettoyage ethnique », alors que les Palestiniens déplacés n’auront pas les moyens de retrouver leurs foyers. Israël « rend systématiquement inhabitable des grandes parties de Gaza », fustige Ahmed Benchemsi, le porte-parole de HRW pour le Moyen-Orient.
« Lorsque les ordres d’évacuation indiquaient une destination ou une direction à suivre, ils laissaient bien trop peu de temps aux personnes pour traverser une zone de conflit déjà active », tance ainsi le rapport de HRW. Sahar, 42 ans, vivait à Beit Lahiya, une ville du nord de Gaza, proche d’Israël, avec son fils âgé de 11 ans. Comme l’écrasante majorité de ses proches, elle a dû quitter son foyer, dès le 14 octobre. « Oui, les tracts et les appels enregistrés étaient semblables à des ordres d’évacuation, et oui, nous voulions les suivre. Mais nous ne pouvions pas, parce que les Israéliens avaient commencé à bombarder la zone avant même l’annonce, alarme-t-elle. Les gens ont été tués en grand nombre et de manière brutale. »
« Une peur et une confusion généralisées, de la misère et de l’anxiété »
Dalia, 29 ans, a vécu la même situation. Lui qui vivait à Nuseirat, une zone au sud de Gaza, et qui s’occupait de ses quatorze frères a reçu « des appels automatiques des autorités israéliennes », lui intimant de quitter la zone. Ces appels sont arrivés alors que les frappes avaient déjà débuté. L’une d’entre elles a touché la maison de son voisin et a blessé l’un de ses frères. « Nous sommes partis à pied car nous n’avions pas de voiture. Les routes n’étaient pas sûres, se souvient-il. Il y a eu un bombardement israélien à proximité, auquel nous avons survécu. Une autre bombe qui n’a pas explosé est tombée à moins de 30 mètres de moi et de mes frères. »
Dans l’ensemble, « le système d’évacuation israélien a échoué de manière flagrante à garantir que les civils puissent voyager en toute sécurité, résume le rapport. Il n’a souvent servi qu’à créer une peur et une confusion généralisées, de la misère et de l’anxiété. » Selon ce dernier, l’armée israélienne n’a ainsi pas offert d’aide aux Palestiniens ne pouvant pas évacuer en raison d’un handicap, de leur âge, d’une maladie ou d’un autre statut.
De plus, HRW rappelle que, en octobre 2024, environ 1,95 million des 2,2 millions d’habitants de Gaza souffre de niveaux d’insécurité alimentaire « catastrophiques », « d’urgence » ou « de crise ». L’ONG se base, pour cela, sur le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC). Le rapport indique également que, au vu de la situation actuelle et de la poursuite du conflit, le risque de famine persistera au moins jusqu’en avril 2025.
La Banque mondiale a estimé qu’en janvier 2024, plus de 60 % des bâtiments résidentiels et plus de 80 % des installations commerciales avaient été endommagés ou détruits à Gaza. En août 2024, plus de 93 % des écoles de Gaza et toutes ses universités avaient été détruites ou gravement endommagées.
L’Agence des Nations Unies pour le développement (PNUD) a estimé que la reconstruction de Gaza coûterait entre 40 et 50 milliards de dollars et nécessiterait un effort d’une ampleur que le monde n’avait pas connue depuis la Seconde Guerre mondiale.
Tom Demars-Granja Article publié dans l'Humanité