Devant l’usine Michelin de Cholet, les salariés entre colère et dépit

Publié le par Les communistes de Pierre Bénite

Devant l’usine Michelin de Cholet, les salariés entre colère et dépit

 

Depuis l’annonce de l’arrêt de la production, les travailleurs du site du Maine-et-Loire sont en grève devant l’usine. Malgré leur pugnacité, ces employés – qui se souviennent des précédentes fermetures à Toul, Poitiers ou La Roche-sur-Yon – sont sonnés.

 

Il est de coutume, lorsqu’on évoque Michelin, de penser à Bibendum. Seulement, à Cholet (Maine-et-Loire), ce jeudi 7 novembre, sur le mur placé devant l’usine du fabricant de pneumatiques, le dessin de la mascotte au visage affable, élu meilleur logo du monde en 2000, a troqué son habituel sourire pour des cornes de diable et une fourche à la main. « Après six années de carrière et une évolution de 1 500 à 2 000 euros nets par mois, je suis poussé vers la sortie. Mais quelle entreprise va accepter de me reprendre au même salaire ? » s’inquiète Gaël, agent de production.

 

Le coup de fusil était attendu. Il a été tiré plus vite que prévu. Le mardi 5 novembre au matin, la direction de Michelin a dû jouer carte sur table après quatre mois de cachotteries et le lancement d’un droit d’alerte de l’intersyndicale SUD, CFE-CGC, CGT et FO, en annonçant aux employés des usines de Cholet et Vannes (Morbihan) l’arrêt de la production. « Ce n’était une surprise pour personne. Entre mon arrivée et aujourd’hui, l’entreprise est passée d’une production de 5 millions de pneus à 2,5 millions. Mais l’annonce a quand même été brutale. En quinze minutes c’était plié », poursuit Gaël.

 

Des indemnités de licenciement à 35 000 euros bruts

 

À Vannes, 299 personnes vont perdre leurs emplois, tandis qu’à Cholet, ce n’est pas moins de 955 emplois qui sont concernés par des licenciements.

 

Ces derniers devraient intervenir au plus tard début 2026. Gaël et ses collègues ne se sont donc pas fait prier pour lancer la riposte. Depuis l’annonce en début de semaine, ils sont un peu plus d’une centaine à s’être emparés de l’entrée de l’usine, soutenus ce jeudi à distance par leurs collègues de Clermont-Ferrand, qui ont débrayé devant le siège de la multinationale.

 

Sur le parvis du site choletais s’agitent les drapeaux de l’intersyndicale CGT, CFDT et SUD. Au sol gît une rangée de pneus en feu qui laissent s’échapper des crépitements. Une poignée de salariés sont assis sur des chaises disposées ici et là devant le rideau de fumées noires. « Attention à ne pas s’approcher trop près, vous risquez d’en respirer », avertit un gréviste du jour.

 

La colère se lit sur les visages.

 

Non seulement parce que les travailleurs ne s’attendaient pas à ce que la fermeture de l’usine intervienne avant 2029, mais surtout parce que les mesures d’accompagnement proposées par la direction sont indécentes.

 

« Pour les salariés souhaitant réaliser des mutations dans le groupe, Michelin propose 33 000 euros bruts d’indemnité. Pour ceux qui vont quitter l’entreprise, elle offre 35 000 euros bruts et 500 euros additionnels en fonction de l’ancienneté. De qui se moque-t-on ? » dénonce Bastien You, délégué syndical suppléant CGT.

 

Ce dernier n’est pas séduit par les pirouettes de son employeur, qui s’apprête à sabrer alors que, en avril, il proposait d’instaurer un « salaire décent » pour les 132 000 salariés du groupe dans le monde. « J’ai été embauché 30 centimes au-dessus du Smic. Je me retrouve aujourd’hui à 1 700 euros sans compter les primes. Mais ce n’est pas suffisant pour faire face à l’inflation. Il faut rappeler que nous autres, travailleurs, n’avons que nos salaires. C’est ce qui nous sépare de nos patrons », rappelle le syndicaliste, originaire des Deux-Sèvres, arrivé en 2021 dans la boîte.

 

La Roche-sur-Yon dans toutes les têtes

 

Dans la semaine, le directeur général de Michelin, Florent Menegaux, a prétexté la dégradation de la compétitivité en Europe, face à la concurrence asiatique, pour justifier la fermeture de ces usines.

 

Le bénéfice net élevé à 2 milliards d’euros en 2023 de son groupe est pourtant encore dans toutes les têtes des grévistes, qui suspectent leur employeur de vouloir accroître sa soif de rentabilité après des fermetures de sites à Toul en 2007 ou encore Poitiers en 2022.

 

« On garde en exemple l’arrêt de l’usine à La Roche-sur-Yon en 2020. Certains ici l’ont même déjà vécu. Une fois que ce sera fini à Cholet, je ne travaillerai plus pour Michelin. À quoi bon revivre le même scénario plusieurs fois ? » anticipe Lionel*, agent de fabrication.

 

Encore sonnés, les grévistes doivent vite se tourner vers l’avenir. « Nous avons rendez-vous avec la direction à Clermont-Ferrand la semaine prochaine pour un comité social et économique central où l’on va discuter des indemnités de départ et les options de reclassement », confie Morgane Royer, déléguée syndicale SUD et technicienne en maintenance. À 31 ans, la syndicaliste fêtera en juin prochain ses dix ans d’ancienneté. Avec la crainte de signer la fin de son aventure à l’usine Cholet.

 

* Le prénom a été modifié.

Samuel Eyene  Article publié dans l'Humanité

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