La COP29 de Bakou va-t-elle trouver 1 000 milliards pour sauver l’humanité ?

Publié le par Les communistes de Pierre Bénite

 

La COP29 qui s’ouvre en Azerbaïdjan le 11 novembre, sera dominé par la finance climatique, à savoir la somme à mettre sur la table chaque année, notamment par les pays du Nord, pour accélérer la transition écologique et faire face aux effets du réchauffement climatique.

 

La plus grande réunion annuelle des négociations climatiques démarre ce 11 novembre à Bakou, en Azerbaïdjan, dans un monde où Donald Trump est de nouveau président des Etats-Unis, lui l’apôtre des énergies fossiles, le calomniateur crachant sur la vérité scientifique, et encore capable de qualifier le changement climatique de l’une «des plus grandes escroqueries de tous les temps».

 

Le sommet des Nations unies s’ouvre donc dans une période agitée par des conflits et des instabilités géopolitiques majeurs. Alors que la planète connaît son année la plus chaude jamais enregistrée, que les inondations font des ravages sur presque tous les continents, qu’un feu de forêt monstre dévaste la Californie, que l’Antarctique verdit, que les concentrations de gaz à effet de serre ont atteint des niveaux jamais connus et que le scénario d’encourir un réchauffement de + 3,1°C à la fin du siècle, quand il faudrait le contenir à + 1,5°C, n’est plus une dystopie.

 

Ce sont les équipes de Joe Biden qui se rendront à Bakou, mais Trump a déjà projeté de sortir son pays de l’accord de Paris (dont l’objectif est de limiter la hausse des températures à + 1,5°C par rapport à la période préindustrielle, 1850-1900), comme lors de son premier mandat. Il envisage également de se retirer de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques, qui rassemble 198 parties signataires au total. Un signal désastreux envoyé au monde, par le deuxième plus gros Etat émetteur de gaz à effet de serre, qui répudie la diplomatie climatique.

 

«L’élection d’un négationniste du climat à la présidence des Etats-Unis est dangereuse pour le monde, commente le scientifique Bill Hare, membre du Giec. [Mais] le président Trump ne sera pas au-dessus des lois de la physique, pas plus que le pays qu’il dirige.»

 

Sujet crucial et clivant

 

Dans cette COP29, les gouvernements vont devoir s’harmoniser sur le sujet crucial et clivant de la finance climatique. Le sommet sera dominé par des pourparlers relatifs aux milliards de dollars à mettre sur la table pour accélérer la transition écologique partout dans le monde et faire face aux effets présents, comme futurs, du réchauffement.

 

Fin octobre, avant même les élections américaines, la Papouasie-Nouvelle-Guinée avait annoncé son refus de participer à cette «COP finance», la qualifiant de «perte de temps» et déclarant en avoir «assez de la rhétorique et du manège». Le 2 novembre, en Colombie, la COP biodiversité, qui devait aussi se pencher sur la mobilisation des ressources financières, s’est soldée par un échec.

 

Le principal résultat attendu en Azerbaïdjan concerne le «nouvel objectif collectif quantifié sur le financement de la lutte contre le changement climatique», ou New Collective Quantified Goals. Il doit remplacer, à partir de 2025, l’ancien objectif fixé il y a quinze ans lors de la COP15 à Copenhague. A l’époque, les pays industrialisés, historiquement responsables du réchauffement, s’étaient engagés à fournir, d’ici à 2020, 100 milliards de dollars annuels «pour permettre et soutenir une action renforcée des pays en développement» dans leurs politiques d’atténuation (réduire les émissions de gaz à effet de serre) et d’adaptation. Un montant atteint en 2022, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

 

Pour parvenir à acter la suite, les Etats doivent s’entendre sur 3 principaux points :

 

  • Le premier concerne le montant de l’enveloppe. Selon un groupe international d’experts en finance (dont fait partie la Française Laurence Tubiana), les besoins des pays en développement (hors Chine) se chiffrent à 2 400 milliards de dollars annuels jusqu’en 2030. S’appuyant sur ces estimations, l’Inde et les petits Etats insulaires proposent de passer de 100 à 1 000 milliards de dollars annuels, les pays négociateurs du groupe arabe à 1 100 milliards, le bloc africain à 1 300 milliards. Une fourchette jugée bien trop élevée par les nations qui mettent au pot. «Pourtant cet argent existe, il suffit d’avoir la volonté politique d’aller la chercher, plaide Gaïa Febvre, responsable des politiques internationales au sein du Réseau Action Climat. Les pays du Nord doivent assumer toute leur part de responsabilité et soutenir davantage les pays plus vulnérables qui subissent une crise climatique qu’ils n’ont pas créée, et paient un prix qu’ils ne peuvent pas assumer.»
  • Deuxième sujet au cœur de ces débats financiers : la liste des contributeurs. Actuellement, seuls 34 pays considérés comme «développés» participent au financement. La Chine émettrice d’environ 30 % des émissions de gaz à effet de serre de la planète, n’a aucune obligation de verser de l’argent dans cette enveloppe – elle prend cependant part à l’effort financier par le biais d’autres outils. Même chose du côté des pays du Golfe, dotés d’un pouvoir financier hors norme dû au business polluant des énergies fossiles. Les «pays développés» veulent donc intégrer des «pays en développement», réfractaires à cette idée. «Le Qatar, la Corée du Sud ou encore les Emirats arabes unis participent déjà volontairement, comme la Chine, aux financements climatiques, développe Lola Vallejo, directrice du programme climat à l’Institut du développement durable et des relations internationales. Simplement, ils le font en dehors du cadre et toute la question, très politique, est de savoir quel pays rejoindra les rangs officiels.»

 

  • Au-delà des seuls Etats, le sujet des contributions pourrait s’élargir au secteur privé et aux «financements innovants». Taxation sur les grandes entreprises d’énergies fossiles, sur le commerce maritime, sur les grands voyageurs aériens ou «marchés volontaires carbone» (système de crédit carbone octroyés en contrepartie de financement de projets permettant de réduire ou d’absorber des tonnes de CO2)… Moult pistes sont sur la table.

 

La COP29 va aussi devoir se pencher sur la «qualité» de cet apport pécuniaire. Selon l’OCDE, 70 % des «financements climatiques publics des pays développés» ont pris la forme de prêts en 2022, contre 30 % de dons. Ce qui accentue les difficultés des pays déjà confrontés à une crise de la dette. «Ces emprunts sont des fardeaux, décrit Jason Braganza, directeur d’Afrodad, une organisation de la société civile spécialiste des questions de dette et de justice climatique en Afrique. Tout doit être fait pour recourir aux subventions le plus souvent possible, pour pousser à une meilleure répartition de la nature des financements.»

 

En sus de ces trois éléments clés, les parties réunies en Azerbaïdjan ont pour mission de statuer sur la période que couvrira ce nouvel objectif financier (cinq ans, dix ans, ou plus ?) et sur les champs d’action climatique concernés – certains pays souhaitent ajouter aux volets «atténuation» et «adaptation» celui des «pertes et dommages», ces dégâts irréversibles causés par le réchauffement qui font l’objet d’un fonds de réparation depuis la COP28, mais dont la mise en place n’a pas été formalisée.

 

Bref, cette négociation financière regorge d’une multitude de paramètres disputés, sur lesquels les Etats ne sont pas alignés pour la quasi-totalité d’entre eux.

 

«Le nerf de la guerre»

 

«Cet objectif financier est pourtant le nerf de la guerre, insiste Romain Ioualalen, directeur de campagne pour l’ONG Oil Change International. Après la promesse non tenue des 100 milliards pour 2020, qui sont arrivés deux ans en retard, les pays en développement sont méfiants. Si la quantité et la qualité de l’argent nécessaire ne sont pas réunies à cette COP29, le lien de confiance peut être rompu.» Un scénario qui s’avérerait catastrophique alors que tous les Etats se doivent, en vertu de l’accord de Paris, de réactualiser au plus tard en février 2025, avant la COP30 de Belém (Brésil), leur feuille de route climatique appelée «contribution déterminée au niveau national».

 

Obligatoirement revus à la hausse tous les cinq ans, ces documents doivent être suffisamment ambitieux pour ne pas définitivement enterrer l’objectif de limiter le réchauffement à + 1,5 °C. En fixant notamment des objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2035, palier aujourd’hui inexistant dans les contributions nationales. Sans accord respectable trouvé à Bakou, la COP30 risque aussi d’être compromise.

 

«Sans financement de la lutte contre le changement climatique, de nombreux pays en développement n’auront tout simplement pas les moyens d’enclencher leur transition, et pour certains, de sortir de leur dépendance vis-à-vis des revenus des énergies fossiles», poursuit Romain Ioualalen. A l’image de l’association Oil Change International, la société civile attend beaucoup de la part de l’Union européenne, aux avant-gardes durant la COP28 de Dubaï pour aboutir à un accord actant la transition vers l’abandon des combustibles fossiles.

 

«L’Union européenne est un acteur crédible, mais sur les questions de finance, elle semble trop sur la défensive dans les négociations, insiste de son côté Linda Kalcher, la directrice exécutive du groupe de réflexion européen Strategic Perspectives. Le nouvel objectif collectif quantifié est primordial pour s’assurer que l’engagement sur les fossiles pris à la COP précédente ne soit pas tué dans l’œuf.»

 

D’autres espèrent voir également le Brésil, pays hôte de la prochaine COP, mais aussi la Chine, jouer les premiers rôles dans ces discussions.

 

Et les Etats-Unis, donc ? Ils sont critiqués depuis déjà plusieurs années pour ne pas contribuer suffisamment aux financements climatiques. Lors de son premier mandat, Donald Trump avait coupé tous les flux, que Joe Biden n’a ensuite pas suffisamment rehaussés.

 

«L’objectif de soutien n’est pas destiné à répondre à la totalité des besoins. Le mandat donné par Paris est [seulement] de «prendre en compte» les besoins des pays en développement», soutenaient en août les équipes du président démocrate. D’après les calculs du site spécialisé Carbon Brief, si les Etats-Unis avaient versé une «part équitable» relative à leur «rang de pays le plus riche du monde et de plus grand émetteur historique d’émissions de gaz à effet de serre», ils auraient dû donner environ 40 milliards de dollars chaque année à partir de 2020. Or ce chiffre n’a jamais dépassé la barre des 10 milliards.

 

Sources Libération

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