Le RN de madame Le Pen, au secours des riches et du macronisme...

Publié le par Les communistes de Pierre Bénite

 

L’examen du budget de l'Etat et de la Sécurité sociale révèle comment l’extrême droite, derrière un discours social de façade, est farouchement opposée à toute imposition des plus aisés et se fait la gardienne des cadeaux fiscaux aux entreprises.

 

Matthias Renault est furieux. Au micro, dans l’Hémicycle, le député RN de la Somme regrette que « la gauche vienne de faire passer un impôt sur les grandes fortunes immobilières ». Et, surtout, que pour l’en empêcher, son groupe n’ait pas eu suffisamment de soutien du « bloc central ». « On est payés 7 000 euros par mois pour siéger à l’Assemblée, expliquez-vous à vos électeurs », assène-t-il aux députés macronistes et LR, désintéressés de l’examen du budget, comme si l’issue via le 49.3 était inéluctable. En attendant, les députés d’extrême droite déplorent se retrouver bien seuls, face à la gauche, pour défendre les intérêts des riches.

 

L’objet de leur courroux, ce 25 octobre, est l’adoption de la taxe Zucman, consistant à imposer à hauteur de 2 % les patrimoines supérieurs à un milliard d’euros. L’inverse de la ligne directrice du RN dans l’examen de ce budget : défendre les riches et les entreprises. Le tout en espérant que cela ne se voie pas trop. Car le mouvement lepéniste sait qu’il est sur un fil. Depuis 2022, il s’est lancé dans une opération séduction des patrons et du bloc bourgeois, tout en comptant maintenir dans son giron une part significative de la classe populaire.

 

La ligne libérale de Bardella prend le dessus

 

Un mélange entre idéologie profonde et électoralisme qui désarçonne les parlementaires. Comme lorsqu’en commission, le 18 octobre, est examiné un amendement du Modem pour augmenter la flat tax de 30 à 33 %. Ce prélèvement forfaitaire unique, pensé pour plafonner l’imposition des revenus du capital, était qualifié en 2018 de « cadeau aux plus aisés » par Marine Le Pen. Mais en amont de l’examen du budget, Jean-Philippe Tanguy, leur député en charge de la ligne économique, a défendu ce plafond au nom des « petits porteurs », alors que 95 % des dividendes concernent les 1 % qui en déclarent le plus.

 

Alors, en commission, les députés RN paniquent : que doivent-ils faire ? Ils sont d’autant plus perdus que leur cheffe, Marine Le Pen, ne siège pas ce jour-là au Palais Bourbon mais au palais de justice de Paris pour le procès des assistants parlementaires des eurodéputés FN/RN. Dans le doute, les 15 membres RN de la commission des Finances s’abstiennent.

 

Mais deux jours plus tard, leur président, Jordan Bardella, signe une tribune dans « le Figaro ». En citant des chantres du néolibéralisme comme l’institut Ifrap ou l’économiste Nicolas Baverez, il défend la flat tax. Et le 23 octobre, le RN s’oppose finalement à cette augmentation de trois points. C’est bien la ligne libérale qui prend le dessus.

 

Bien que deux jours après, une autre scène témoigne de la difficulté pour l’extrême droite de l’assumer. Ce 25 octobre, la gauche présente un amendement de rétablissement de l’impôt sur la fortune (ISF). Jean-Philippe Tanguy, conscient du message qu’enverrait un vote contre à la population, demande une suspension de séance. Il cherche à négocier. Le député exige, au minimum, que la résidence principale soit exclue de l’assiette de ce nouvel impôt ; or, en réalité, seuls les biens supérieurs à 2,6 millions d’euros étaient concernés. Le NFP ne répond pas et le RN s’oppose, comme en 2022 et en 2023, à l’ISF.

 

Un supplétif de Macron qui veut avoir l’air d’un opposant

 

En trois semaines, les lepénistes se sont aussi abstenus sur un amendement visant à rendre pérenne la contribution exceptionnelle des plus hauts revenus, limitée à trois ans par le gouvernement. Le RN a aussi porté et fait adopter un amendement visant à autoriser le don de 120 000 euros par enfant, contre 100 000 euros. En séance, il a aussi été le plus farouche défenseur du pacte Dutreil, qui prévoit un abattement de 75 % sur la transmission des entreprises familiales, mais n’a pas réussi à « élargir le dispositif », mesure chiffrée à 500 000 euros de dépenses publiques, en faveur des héritiers.

 

Buvant le discours des organisations patronales, le RN s’est aussi opposé à toute réduction des cadeaux fiscaux aux entreprises, comme le crédit impôt recherche, une niche sans contrepartie qui n’a jamais montré d’efficacité mais que l’extrême droite souhaite « élargir ». C’est en tout cas ce que prévoit leur nouveau « livret entreprise » paru en septembre, qui, entre deux photos de Marine Le Pen à la tribune du Medef, propose aussi de multiplier les baisses d’impôts de production.

 

Cela commence à faire beaucoup. Trop pour continuer à se présenter comme « la seule alternative à Emmanuel Macron », alors qu’il agit comme son supplétif pendant l’examen de ce budget. Comme depuis la nomination du gouvernement Barnier, dont le RN demeure être l’assurance-vie. Alors, pour ne pas perdre la face, le président du parti, Jordan Bardella, a dû mettre en scène, le 28 octobre sur France 2, son opposition à l’exécutif en clamant que « le gouvernement s’expose à une motion de censure » avec son budget « injuste », en se contenant de termes vagues pour qualifier le projet gouvernemental.

 

L’eurodéputé et les parlementaires de son parti espéraient alors retrouver leur cape d’opposant, tout en piégeant la gauche, avec un coup politique : leur proposition de loi d’abrogation des réformes des retraites Borne et Touraine, examinée dans leur niche parlementaire le 31 octobre. Mais le piège s’est refermé sur eux. D’une part car le texte a été vidé de sa substance en commission (la gauche s’est majoritairement abstenue). Puis, en raison de l’article 40 de la Constitution, exigeant un financement alternatif à tout texte retirant des recettes, les amendements pour restituer un retour à 62 ans de l’âge légal ont été jugés irrecevables.

 

D’autre part car, deux jours plus tôt, les députés RN ont eux-mêmes voté contre un amendement du NFP rétablissant la retraite à 62 ans dans le cadre de l’examen du PLFSS. La raison : une opposition de principe à la hausse de cotisation des revenus supérieurs à 4 995 euros par mois après impôts, qui finançait la mesure.

 

Préserver quelques euros pour les plus aisés est donc, pour l’extrême droite, prioritaire à l’abrogation de la réforme des retraites. « Depuis le début des débats sur le PLFSS, ils ont refusé toute augmentation des ressources de la Sécurité sociale, sur les cotisations, sur la baisse des cadeaux fiscaux », remarque par ailleurs le député communiste Yannick Monnet.

 

Ces premières semaines d’examen du projet de loi de finances (PLF) et du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) auront donc donné de précieux éléments sur ce que défend réellement le RN en matière économique.

 

Le reste des débats, avec notamment le volet dépenses du budget, devrait en donner d’autres. Le parti lepéniste a déjà prévenu qu’il s’opposerait à tout amendement de la gauche prévoyant le recrutement d’agents publics. Une énième démonstration du fossé qui existe entre le discours prétendument social et de défense des services publics du RN et la réalité de son projet.

 

Florent Le Du  Article publié dans l'Humanité

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article