Qui Darmanin va t-il sauver ?
Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy sont deux poids lourds de la politique française qui risquent des condamnations : amendes, prisons et inéligibilité. Ils ont fait l'actualité ces dernières semaines. Le journal Libération vient de rappeler les procédures et jugements concernant les ministres tout juste nommés par Bayrou dont le 1er ministre lui-même. Darmanin nouveau ministre de la justice, parviendra t-il à sauver tout ce beau monde ou les magistrats seront-ils assez forts et déterminés pour rester indépendants et refuser une justice de classe ?
François Bayrou : son jugement en appel
«Quand j’ai appris ce verdict, ça m’a fait de la peine», a compati le Premier ministre suite à la condamnation de Sarkozy à un an de prison ferme. François Bayrou craint-il pour ses propres chevilles ? Car l’ancien garde des Sceaux n’en a pas fini avec la justice. Il doit être jugé en appel dans l’affaire des assistants parlementaires européens du Modem. Si François Bayrou est toujours à Matignon au moment où se tient le procès, ce serait une première pour un Premier ministre en exercice.
Le parquet a fait appel et «contesté» la relaxe du président du Modem. Prononcée trois jours plus tôt, celle-ci lui avait été accordée «au bénéfice du doute» dans l’affaire qui le soupçonne d’avoir été le «décideur principal» d’un «système frauduleux» qui, entre 2005 et 2017, a utilisé des fonds publics européens pour rémunérer des assistants parlementaires travaillant en réalité pour l’UDF et son successeur, le Modem. «Les preuves de ces délits sont réunies contre tous les prévenus», a déclaré le parquet, qui avait requis contre Bayrou 30 mois d’emprisonnement avec sursis, 70 000 € d’amende et 3 ans d’inéligibilité avec sursis. Il sera donc jugé à nouveau. Les deux partis ainsi que huit personnes ont déjà été condamnés dans cette affaire.
Rachida Dati : Procès pour «corruption» et «trafic d’influence» au Parlement européen
Lors de la constitution du gouvernement Attal en janvier 2024, Rachida Dati était devenue l’une des rares ministres de la Ve République à être nommée alors qu’elle était mise en examen – depuis 2021 – pour «corruption passive», «trafic d’influence» et «recel d’abus de pouvoir», dans le cadre de l’enquête sur ses prestations de conseil auprès du PDG de Renault-Nissan, Carlos Ghosn.
Elle est accusée d’avoir touché 900 000 euros entre 2009 et 2012 pour défendre les intérêts du constructeur automobile au Parlement européen. Elle était alors membre de la commission de l’industrie. Mi-novembre, l’étau s’est resserré. Après 5 ans d’enquête, le Parquet national financier (PNF) a requis un procès pour «recel d’abus de pouvoir et d’abus de confiance» ainsi que pour «corruption et trafic d’influence passifs par personne investie d’un mandat électif public au sein d’une organisation internationale». Selon le PNF, Rachida Dati a participé à plusieurs votes au sujet de l’industrie automobile lors de son mandat européen, et a posé des questions écrites sur le sujet, sans jamais rendre public son potentiel conflit d’intérêts.
Aurore Bergé : La justice saisie pour faux témoignage
C’est pour parjure qu’Aurore Bergé, nommée ministre déléguée par Bayrou, est menacée par la Justice. Elle est accusée de faux témoignage devant la commission d’enquête sur les crèches. Le lancement de cette commission parlementaire avait été obtenu en 2023 après la publication de deux livres – le Prix du berceau (Seuil), de Daphné Gastaldi et Mathier Périsse et Babyzness (Robert Laffont), de Elsa Marnette et Bérengère Lepetit – qui révélaient la maltraitance infantile dans le secteur des crèches privées.
Auditionnée en avril 2024 sur ses liens avec Elsa Hervy, une des principales lobbyistes des crèches privées, Aurore Bergé assurait sous serment n’avoir aucun lien «personnel, intime ou amical» avec elle. Pourtant, en septembre 2024, le livre-enquête les Ogres (Flammarion) du journaliste Victor Castanet a révélé «l’entente» entre les deux femmes pour étouffer le scandale des crèches. Dans un mail révélé par le journaliste, Aurore Bergé parle d’Elsa Hervy comme d’«une copine» : «Elle sera très aidante avec moi.» En octobre 2024, le bureau de l’Assemblée a donc décidé de saisir la justice du cas Aurore Bergé. Le «faux témoignage» est une infraction pénale passible de 7 ans de prison et 100 000 euros d’amende, qui concerne toute personne ayant délibérément menti devant une commission d’enquête parlementaire.
Manuel Valls : Condamné pour financement irrégulier en Catalogne
Sur plusieurs points, l’escapade catalane de Manuel Valls, parti briguer la mairie de Barcelone en 2019, n’a pas été une réussite. En plus d’être arrivé quatrième à l’élection municipale, avec 13,2 %, le natif de Barcelone s'est fait épingler pour deux «irrégularités sanctionnables» par le Tribunal des comptes espagnol.
En cause, un dépassement de plus de 126 819 euros du plafond de dépenses autorisé lors de la campagne (soit 71 % de dépassement), et la non-déclaration de près de 190 000 € utilisés lors de cette campagne. Un argent qui venait de l’association Barcelona Capital Europea, ce qu’interdit la loi espagnole. Manuel Valls a finalement été condamné fin 2022 à payer une amende de 277 000 euros pour financement irrégulier, une infraction «très grave» selon la loi espagnole.
Véronique Louwagie : Condamnée pour licenciement abusif
Ministre déléguée, Véronique Louwagie a été condamnée en décembre 2022 pour licenciement abusif. Le conseil des Prud’hommes d’Alençon l’avait condamnée à verser près de 16 000 euros à sa femme de ménage. La ministre, qui avait viré son employée pour faute grave, était accusée d’avoir procédé à un licenciement «discriminatoire au regard de l’état de santé» de la femme. Selon les Prud’hommes, Véronique Louwagie aurait tenté de «se soustraire aux conséquences d’un possible licenciement pour inaptitude», afin d’éviter de verser une indemnité de préavis et une indemnité de licenciement deux fois plus lourde qu’ordinaire.
Elle avait licencié en 2020 une employée de maison, engagée en 1993, après l’avoir menacée d’une «sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement pour absence injustifiée». La femme de ménage souffrait d’une inflammation des tendons qui l’avait menée à un arrêt en 2016 puis à une reconnaissance comme handicapée en 2019. Le licenciement pour faute grave a été annulé par les Prud’hommes et la ministre a été condamnée à verser les indemnités dues ainsi que des dommages et intérêts.
Philippe Tabarot : Sous enquête du PNF pour un poste grassement rémunéré à la mairie du Cannet
Le ministre des Transports est sous enquête du PNF. Selon sa déclaration à la HATVP (Haute Autorité pour la transparence de la vie publique), déposée fin novembre 2020 lors de son entrée au Sénat, Philippe Tabarot a touché près de 100 000 € en tant que collaborateur de sa sœur, Michèle Tabarot, en 2016 : 66 000 euros net comme collaborateur à la mairie du Cannet (Alpes-Maritimes), dont sa sœur était maire, et 29 000 euros comme assistant parlementaire de sa sœur, députée.
Un procédé aussi répété en 2017, alors que Philippe Tabarot était vice-président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte-d’Azur pour plus de 40 000 € par an. A la suite de la mise en place de la loi sur le non-cumul des mandats, alors que sa sœur n’est plus maire du Cannet, Philippe Tabarot cesse d’être son assistant à l’Assemblée mais voit ses revenus versés par la petite ville de 40 000 habitants progresser de 50 % en 2018 (soit 94 000 euros) – dont 61 500 euros pour un poste de responsable d’un GIP (groupement d’intérêt public) pour le développement touristique et culturel. L’année suivante, ce poste est rémunéré 82 500 euros net, auxquels sont ajoutés, toujours au sein de la mairie, un poste de chargé de communication à 15 300 euros annuels, et ses 40 000 euros de vice-présidence de la région Paca.
C’est pour vérifier la réalité du travail de Philippe Tabarot dans le GIP que le PNF et la police judiciaire de Nice ont perquisitionné la mairie du Cannet en décembre 2022. Les enquêteurs seraient à l’époque «reparti [s] avec de nombreux documents», selon la Provence. Quelle est l'évolution de l’enquête, le PNF n’a pas encore répondu.
Laurent Marcangeli : accusé de fraude aux procurations et condamné par la Cour des comptes
Laurent Marcangeli arrive au ministère de la Fonction publique lesté lui aussi de quelques casseroles. L’avocat de formation avait été accusé de fraude aux procurations lors des élections municipales de 2014 à Ajaccio. Simon Renucci, maire battu de gauche, lui reprochait de nombreuses irrégularités et des soutiens financiers du département. Laurent Marcangeli avait démissionné de son mandat après l’annulation des élections par le tribunal administratif de Bastia.
La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Bastia a ordonné en décembre 2019 la poursuite de l’enquête sur ces élections. Non frappé d’inéligibilité, Marcangeli a récupéré son siège à la mairie en février 2015. Mais son activité de maire d'Ajaccio entre 2014 à 2022 a été marquée par deux infractions prévues au code des juridictions financières. L’ancien maire, devenu député Horizons de Corse-du-Sud, a donc été condamné en 2023 par la Cour des comptes à une amende de 10 000 € pour la non exécution de décisions de justice par la commune.
Sources : Libération