Syrie : quand la vérité fait son chemin ! Othman Kachtoul diplomate, à lire avec intérêt.

Publié le par Les communistes de Pierre Bénite

 

Othman Kachtoul,diplomate agrégé d'arabe et islamologue, livre dans un post sur Linkedin quelques informations très précieuses sur les conditions de la chute du régime syrien de Bachar Al-Assad. Elles permettent de comprendre un peu mieux une situation complexe et les difficultés que va rencontrer le peuple syrien pour reconquérir son unité sur un territoire uni mais actuellement morcelé, qui fait l'objet de fortes convoitises de forces extérieures aux ambitions expansionnistes dont certaines pouvant conduire à encore plus de chaos. Nous publions dans ce blog les constats, observations et réflexions de Othman Kachtoul.

 

"Le départ de Bachar al-Assad signe la première "réalisation" diplomatique du second mandat de Trump. Des sources "informées" suggèrent que le président déchu a quitté Damas dans le cadre d’un accord (non public) orchestré par la Russie et les États-Unis, plus précisément la future administration, et des puissances régionales, notamment les Émirats arabes unis (UAE) et le Qatar.

 

Loin d’un exil précipité, le départ de Bachar a été soigneusement planifié. Assad et ses proches ont été transférés séparément vers Abou Dhabi à bord d'un vol privé émirien. Après un bref déplacement à Dubaï (pour rendre visite à sa soeur Bushra), Bachar a demandé l’asile à Moscou à partir des Émirats. Symbolisant la fin d’une ère autocratique, cette transition cherche à prévenir un vide politique dangereux comme celui dans lequel a été précité l'Irak après la chute de Saddam.

 

Structuré autour de six points clés, cet arrangement vise à éviter un bain de sang à Damas et assurer une continuité a minima des institutions. Cet accord ouvre une phase qui pourrait redéfinir les équilibres régionaux :



1) Sécurité pour Assad et ses proches, sous garanties internationales, notamment la Russie et les UAE.
2) Protection des sanctuaires religieux et minorités ethniques, supervisée par l’
Iran et la Turquie.
3) Maintien temporaire des institutions gouvernementales, sous gestion du Premier ministre jusqu’à des élections sous l’égide des Nations unies.
4) Retrait graduel des forces iraniennes et du Hezbollah, en échange d’une désescalade menée par les USA et leurs alliés (Qui?).
5) Prévention des représailles et purges ethniques, avec un suivi international.

6) Interdiction des menaces transfrontalières, surveillée par les voisins de la Syrie.


 

Initialement prévu pour mardi 10 décembre, le départ aurait été accéléré en raison de l’"effondrement" des forces armées syriennes, qui n'ont reçu pour instruction que de se défendre, non de contenir l’avancée rebelle. Cette décision militaire, combinée à une intense pression diplomatique de Trump, visait à éviter à la Syrie un affrontement destructeur.

 

Malgré une réduction immédiate des violences à mettre au crédit de ses parrains, l'accord soulève des incertitudes sur la stabilité syrienne.

 

L’absence de réactions aux frappes israéliennes sur des infrastructures stratégiques pourrait refléter une "clause implicite". Par ailleurs, la fragmentation des groupes rebelles, désormais libérées de la menace d’un régime centralisé, complique toute feuille de route vers une réconciliation durable.

 

Le départ d’Assad redéfinit les dynamiques, mais laisse un pays confronté à des défis colossaux : reconstruire un pays morcelé, établir une gouvernance inclusive, gérer les rivalités enracinées et le profil inquiétant des nouveaux maîtres de Damas.

 

Alors que les puissances ajustent leurs positions, une question demeure : cette transition marquera-t-elle le début d’une ouverture démocratique, ou plongera-t-elle la Syrie dans un chaos plus profond ?"

 

Le point 6 peut effectivement prêter à confusion, mais dans le cadre des accords de transition en Syrie, il peut être interprété comme une double interdiction. D'une part, il vise à protéger la Syrie en empêchant toute invasion ou intervention directe par des forces terrestres étrangères. D'autre part, il impose à la Syrie de s’abstenir d’attaquer ou de menacer ses voisins, notamment pour apaiser les inquiétudes des pays de la région concernant d’éventuelles représailles ou interférences syriennes.
 
 
Il semble s’agir principalement d’un accord tacite entre l’Iran et la Turquie, visant à éviter une confrontation directe en Syrie. Dans ce cadre, tout conflit éventuel devrait être mené par le biais de forces par procuration (proxies), limitant ainsi le risque d’une escalade incontrôlable. Israël, qui n’est pas partie à cet accord, reste cependant un acteur imprévisible dans cette équation.
 
 
La mise en œuvre de ce point dépendra en grande partie de la volonté des acteurs régionaux et internationaux de respecter ces engagements et d’établir des mécanismes solides de suivi et de désescalade.
 
 
Cela reste une condition essentielle pour garantir une transition relativement stable dans une région encore volatile.
 
 
Il n'y a pas dans cet accord la garantie de l'intégrité territoriale de la Syrie. Laa remarque est pertinente, et les développements récents montrent à quel point cette question est négligée. L'annexion de facto du Mont Hermon par Israël, justifiée par des arguments sécuritaires, illustre une redéfinition unilatérale du statu quo. Ces actions, décrites par certains comme une "opportunité historique", témoignent d'une exploitation stratégique de la vacance du pouvoir en Syrie.
 
 
Cependant, l'expérience à Gaza et au Liban montre que l'occupation de territoires ne garantit pas nécessairement la sécurité. Au contraire, elle crée un terrain fertile pour de nouvelles tensions et conflits, d'autant que ce type d’initiatives alimente les ambitions de ceux qui souhaitent élargir les frontières israéliennes. Au premier jour de son procès, Netanyahu a besoin de victoires faciles.
 
 
Le silence apparent de la communauté internationale face à ces événements reflète, une fois de plus, un déséquilibre flagrant dans l'application des principes du droit international. Pourtant, chaque modification unilatérale du statu quo, même si elle est présentée comme une mesure défensive, fragilise les perspectives d'une paix durable et nourrit une dynamique de conflit au Moyen-Orient.
 
 

En dehors des frappes israéliennes, la Turquie et les Usa ont ordonné aussi des frappes. La situation actuelle met en lumière un triangle complexe d’intérêts entre Israël, la Turquie et les États-Unis, chacun agissant sous couvert de "protection de ses intérêts" en Syrie. Deir ez-Zor est un exemple emblématique de cette dynamique. Cette région, riche en ressources stratégiques comme le pétrole, reste un territoire disputé où s'entremêlent les rivalités internationales et locales.

 

La Turquie poursuit ses frappes sous prétexte de lutter contre les forces kurdes qu'elle considère comme des menaces, tandis que les États-Unis maintiennent une présence militaire et mènent des opérations aériennes ostensiblement pour sécuriser les champs pétrolifères et lutter contre les résurgences de l'État islamique.

 
Ces interventions, loin de stabiliser la région, aggravent la fragmentation de la Syrie. Deir ez-Zor illustre parfaitement comment les acteurs internationaux et régionaux exploitent le vide laissé par l'effondrement du régime central.
 
 
Pendant ce temps, les populations locales continuent de souffrir, prises en étau entre les frappes aériennes et les luttes pour le contrôle des ressources."
 
 
 
 
 
 
 
 

Publié dans Moyen Orient, International

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