Budget : Bayrou mise tout sur la commission mixte paritaire pour le faire passer en force

Publié le par Les communistes de Pierre Bénite

Cette fois-ci, la CMP sera « inédite, avec des députés qui n’ont pu examiner la partie dépenses du projet de budget » ni le voter, dénonce le sénateur communiste (CRCE-K) Pascal Savoldelli, le gouvernement ayant refusé de prolonger les débats à l’Assemblée, en novembre dernier. © Ludovic MARIN / AFP

Cette fois-ci, la CMP sera « inédite, avec des députés qui n’ont pu examiner la partie dépenses du projet de budget » ni le voter, dénonce le sénateur communiste (CRCE-K) Pascal Savoldelli, le gouvernement ayant refusé de prolonger les débats à l’Assemblée, en novembre dernier. © Ludovic MARIN / AFP

Le gouvernement compte sur la commission mixte paritaire qui s’ouvre ce jeudi pour maintenir son budget d’austérité. Deux mois après la censure de Michel Barnier, la gauche menace de sanctionner à nouveau l’exécutif.

 

Les journées sont longues autour du pôle Nord en été, et à l’Assemblée nationale lorsque se tient une commission mixte paritaire (CMP). Ce 30 janvier, sept députés et sénateurs tentent de s’accorder sur le projet de loi de finances 2025 (PLF). Leurs travaux devraient s’achever dans la nuit ou le lendemain matin. Leur tâche est, en temps normal, de concilier la version votée à l’Assemblée nationale et celle adoptée au Sénat.

 

Mais, cette fois-ci, la CMP sera « inédite, avec des députés qui n’ont pu examiner la partie dépenses du projet de budget » ni le voter, dénonce le sénateur communiste (CRCE-K) Pascal Savoldelli, le gouvernement ayant refusé de prolonger les débats à l’Assemblée, en novembre dernier. C’est donc sur la seule volumineuse copie sénatoriale de 550 pages que plancheront les parlementaires. Un texte « d’austérité » marqué par « 6,3 milliards d’euros de coupes budgétaires supplémentaires » à ce qui était prévu, déplore le sénateur.

 

Les macronistes font les funambules

 

Dans cette CMP tenue à huis clos, l’exécutif aura la main, même si les membres de la minorité gouvernementale s’en défendent. Il a même rusé en amont pour peser de tout son poids dans les négociations. Alors que la règle veut que le sixième poste de député en commission tourne entre certains groupes, une CMP sur le tabac électronique a été opportunément précipitée le 23 janvier afin qu’y siège un écologiste, octroyant ce jeudi la place à un élu Modem. Résultat : Bercy peut compter sur l’appui de huit affidés sur quatorze parlementaires.

 

Les macronistes joueront une nouvelle fois les funambules pour imposer leurs vues économiques mais éviter la censure. S’ils miment la distance avec Macron, ils souhaitent conserver sa politique de l’offre, faite de cadeaux aux entreprises, et un objectif de déficit de 5,4 % du PIB en 2025.

 

« Nous allons en CMP avec la volonté d’arriver à un compromis le plus large possible. Nous souhaitons que la semaine prochaine, nous puissions doter notre pays d’un budget », expose Perrine Goulet, députée Modem, le parti du 1er ministre Bayrou. Elle fait valoir le « coût de la censure », qui, selon les calculs au doigt mouillé de la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin, fondés sur la stagnation du PIB et les absences de recettes supplémentaires, s’établirait déjà à 12 milliards d’euros. « Les Français ont besoin d’un peu de stabilité, à l’échelle des entreprises, des familles, des élus et citoyens », fait valoir la député Modem, Erwan Balanant.

 

Une argumentation qu’épouse le président du groupe Horizons, Paul Christophe, selon lequel « il n’y a pas une journée à perdre. Nous perdons en compétitivité par rapport à nos partenaires européens », citant l’exemple d’un investissement de plusieurs milliards d’€ que ne débloque pas une entreprise dans son département. Il alerte même les députés socialistes, qui réclament de nouvelles avancées dans les négociations qu’ils conduisent avec le gouvernement sur le PLF. « Si les socialistes veulent vraiment que nous votions un budget en février, il faut savoir s’arrêter », juge Paul Christophe.

 

Le compte n’y est pas au PS

 

Le Parti socialiste a longtemps espéré arracher des évolutions, pour « revenir sur les horreurs votées par le Sénat », selon le député Arthur Delaporte, qui dénonce la baisse de remboursement des arrêts maladie des fonctionnaires de 100 à 90 % ou encore celle de 630 millions des fonds pour l’enseignement supérieur et de la recherche. Au-delà de ces articles, le compte n’y est pas pour les socialistes. « Le budget soumis au Sénat est injuste, récessif. Tout ce que nous voulions éviter car cela aggraverait davantage les difficultés des citoyens les plus vulnérables », s’inquiète Arthur Delaporte. Et de prévenir : « À ce stade, nous n’aurons d’autre choix que de bloquer l’adoption du PLF. »

 

En cas de 49.3, les socialistes pourraient voter la censure, échaudés par les propos de Bayrou reprenant à son compte l’idée de « submersion migratoire ». « Nous attendons des signaux très clairs, menace le député Emmanuel Grégoire. Il adresse à la gauche, qui donne pourtant sa chance au dialogue, un soufflet. Comme s’il était avant tout préoccupé de la neutralité du RN. » Le PS a mis fin à ses discussions avec l’exécutif pour préparer la CMP, après que le 1er ministre a confirmé ses propos dans l’Hémicycle.

 

Qu’un accord soit trouvé en CMP ou qu’un constat de désaccord soit établi, le texte issu de la commission ou celui du Sénat sera soumis à l’examen des députés. Bayrou peut alors tenter de faire passer son budget en misant sur l’abstention soit du RN, soit des élus PS et Liot. Ou encore s’aventurer à dégainer un 49.3 qui l’exposerait davantage.

 

Faire tomber Bayrou ?

 

Les insoumis ont annoncé de longue date vouloir faire tomber François Bayrou. Les Écologistes déplorent, quant à eux, les coupes de plus d’un milliard d’euros du budget dédié à la transition écologique. « Rien dans ce budget ne nous engage à le voter ou à ne pas censurer le gouvernement », prédit Léa Balage El Mariki.

 

Les communistes ont été reçus à Bercy par le ministre Éric Lombard. « En matière de recettes, c’est Barnou ou Baynier. Le budget est le même », expose Nicolas Sansu, entretenant la confusion entre les noms de l’actuel et de l’ancien locataire de Matignon. « On nous a expliqué qu’il ”fallait de la stabilité”. Or, la stabilité n’existe pas. L’ordre établi existe », dénonce le parlementaire. Il estime que « le repas n’est pas plus digeste que le 4 décembre », lorsque le gouvernement Barnier a été censuré, « ou le 16 janvier », quand une partie de la gauche a voté une 1ère motion de censure contre l’exécutif de Bayrou.

 

Tout juste l’exécutif concède-t-il à la gauche une loi sur la taxation des patrimoines renvoyée aux calendes grecques, et qui ne rapporterait que 2 milliards d’€ alors que le dispositif Zucman, voté par l’Assemblée en novembre, abondait le budget de 15 milliards de nouvelles recettes. Le macronisme est synonyme de longue journée ensoleillée pour le capital.

 

Gaël De Santis  Article publié dans l'Humanité

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