"Mépris", "trop tard", attente "d'actes": réactions mitigées à Mayotte après les annonces de Bayrou
La colère ne faiblit pas dans les rues de Mayotte, malgré les annonces de François Bayrou pour reconstruire l'île ce lundi 30 décembre. Lors d'un déplacement sur place plus de deux semaines après le passage du cyclone Chido, le Premier ministre s'est félicité d'avoir répondu aux "préoccupations" des élus mahorais: "Vous avez entendu les applaudissements des élus, ce n'est pas fréquent", a-t-il salué.
Pour autant, nombre d'acteurs locaux font preuve de scepticisme et estiment que les effets d'annonce ne suffiront pas. Et pour cause sur place, l'archipel est encore privé des services essentiels tels que l'eau ou encore l'électricité.
"C'est le médecin appelé après la mort"
"On attend des actions concrètes", lance un élu local à BFMTV, peu après les annonces du Premier ministre. Mikidache Houmadi, le maire de Dzaoudzi-Labattoir, ne cache pas sa préoccupation vis-à-vis de "la mise en place effective de ces mesures". "On a déjà entendu plusieurs fois des bonnes initiatives, mais c'est des initiatives qui n'ont jamais vu le jour".
Lors de son déplacement, François Bayrou a par exemple promis d'empêcher la reconstruction des bidonvilles. Mais pour Souffiane, un habitant, il faut pour cela "qu'il (François Bayrou) donne au préfet une autorisation permettant l'arrêt immédiat de ces constructions. Sans ça, il n'y a rien".
Selon cet habitant mahorais, ces annonces interviennent "trop tard". "C'est le médecin appelé après la mort, parce qu'il a fallu s'organiser logistiquement pendant tout ce temps. Imaginez-vous, ça fait plus de 15 jours", s'impatiente cet homme, aussi énervé que déçu que le Premier ministre n'ait pas répondu à ses questions, lui qui a essayé de l'interpeller pendant sa visite. "Aucun respect, même pas un bonjour à ses citoyens", regrettent en chœur certains Mahorais au micro de BFMTV.
"Ils n'avaient rien prévu avant le passage du cyclone (...) C'est quoi ça? Eh bien ça s'appelle du mépris. Aujourd'hui des citoyens français sont dans la merde, et on les laisse dans la merde. C'est ça la réponse qu'on a compris", a poursuivi une femme aux côtés de Souffiane.
"Seuls des bénévoles portent secours à leurs semblables"
Un professeur de sport qui a interpellé Élisabeth Borne au sujet de l'aide alimentaire et la distribution d'eau potable dans les bidonvilles estime lui-aussi que "l'État ne fait absolument rien". Selon lui, les aides de l'État n'avaient pas encore touchées tout le territoire et "des enfants qui vont à l'école de la République se débrouillent par eux-mêmes depuis 16 jours".
"On ne va pas me faire croire qu'en 16 jours les forces de l'État ne sont pas capables d'atteindre ces quartiers-là. Ce qu'on remarque c'est que seuls des bénévoles (...) portent secours à leurs semblables", a également déploré Yann Pagan, professeur à Mamoudzou au micro de BFMTV.
Un avis partagé par le président de l'Union départementale des centres communaux de Mayotte. De son côté, Saïd Salim dit "comprendre la colère d'une partie de la population qui n'arrive pas à avoir accès à ces besoins primaires et vitaux." "Il y a beaucoup de gens qui n'ont pas d'électricité depuis le 14 décembre. Il y a beaucoup de gens qui n'ont pas l'eau potable ou des denrées alimentaires", a-t-il constaté.
"Ce n'est que les actes qui, à un moment donné, feront qu'on pourra dire 'oui c'est fait'. Il faut que tout ça se traduise par des actes sur le terrain", a-t-il indiqué au sujet du plan "Mayotte debout" présenté par François Bayrou.
Pendant ce temps, la cheffe de file des députés du Rassemblement national ne se montre pas très critique à l'égard du gouvernement. Dans un message posté sur X, Marine Le Pen juge quant à elle que "les annonces faites par le Premier ministre pour Mayotte vont incontestablement dans le bon sens."
Après Mayotte, le chef du gouvernement se rendra sur l'île de La Réunion, importante base logistique pour l'aide à l'archipel mahorais, où il poursuivra sa visite mardi matin avant de regagner la métropole.
Sources BFM TV Article de Jeanne Bulant