Moyen-Orient : avec le silence des armes, le retour de l’espoir ?

Publié le par Les communistes de Pierre Bénite

A Nusseirat, dans la bande de Gaza, dimanche 19 janvier 2025. (Ali Jadallah/Anadolu. AFP)

A Nusseirat, dans la bande de Gaza, dimanche 19 janvier 2025. (Ali Jadallah/Anadolu. AFP)

La trêve, entrée en vigueur dimanche à 10h15, et la libération de trois otages israéliennes quelques heures plus tard offrent enfin une pause dans la guerre sans merci qui oppose depuis quinze mois Israël et le peuple palestinien.

 

Deux peuples enchaînés depuis des décennies par le tumulte de la guerre. Et ce dimanche, liés par un souffle commun d’espoir : enfin, une pause. Tant désirée par les Palestiniens, espérée par une large majorité d’Israéliens, et péniblement négociée depuis plus d’un an, la trêve entre Israël et le Hamas a vu le jour dimanche. Certes, l’accord a pris quelques heures de retard – car rien ne peut jamais se faire sans heurt dans cette région à vif –, mais l’essentiel est là. A 11 h 15, heure locale, une heure plus tôt à Paris, les armes ont cessé leur symphonie mortelle. Plus un missile, plus une roquette, plus un drone. Pour la première fois depuis le 30 novembre 2023, lorsque le précédent cessez-le-feu, fragile, s’était effondré au bout d’une semaine, le silence s’est imposé.

 

Comment ne pas saluer cette accalmie, si précaire soit-elle ? Comment, surtout, rester insensible à ce qu’elle a déjà permis d’accomplir : la libération, terriblement émouvante, de trois jeunes otages israéliennes. Après 471 jours d’une captivité insoutenable, elles ont quitté la pénombre de leur geôle – ou peut-être un tunnel, on le saura sans doute plus tard –, où le Hamas les retenait depuis ce funeste 7 octobre 2023. Romi Gonen, 24 ans, Emily Damari, 28 ans, et Doron Steinbrecher, 31 ans, ont retrouvé leur famille, leur terre et le goût oublié de la liberté. Une humanité renaissante, au milieu des ruines d’un conflit sans fin.

«Il n’y a pas eu un seul moment de bonheur, ici, depuis le 7 Octobre», confiait il y quelques jours à Libération l’écrivain palestinien Ziad Medoukh, depuis le nord de la bande de Gaza, cette région meurtrie qu’il n’a jamais voulu abandonner, malgré la désolation et le dénuement. Ce dimanche, enfin, une lueur de bonheur et d’espoir a traversé les quatre coins du petit territoire palestinien dévasté, assiégé et affamé par quinze mois d’une guerre sans pitié. Dès l’aube, les habitants de Gaza, comme portés par un même élan, ont envahi les routes, les rues et les places, de bout en bout du territoire. Pour célébrer, encore et encore, tout et partout.

 

«Regardez ces visages, ces sourires»

 

Drapés de keffiehs, les drapeaux palestiniens flottant au gré de leurs mains, des hommes en majorité, jeunes et vieux, ont chanté, prié, se sont enlacés. Les clameurs de joie ont accueilli les camions d’aide humanitaire et alimentaire de l’ONU franchissant le poste frontalier de Rafah, rouvert par l’Egypte pour la première fois depuis mai.

 

Ce corridor doit permettre l’entrée quotidienne de 600 camions de secours, dont 50 chargés de carburant. «On va enfin manger du pain et même du poulet», s’enthousiasme une fillette, serrant la main de son père. «Notre victoire, c’est d’être encore vivants après 470 jours d’une guerre écrasante», hurle un jeune homme dans une foule animée, filmé dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux. «Plus de vrombissement des drones, plus d’explosion, plus de fumée dans le ciel. Regardez ces visages, ces sourires partout», se réjouit un autre jeune à Khan Younès, dans le sud de l’enclave.

Parmi les plus acclamés, les hommes de la Défense civile de Gaza, arborant leurs gilets orange, défilent à bord de leurs véhicules ou à pied. Les journalistes locaux, également salués, ôtent symboliquement leurs gilets pare-balles devant les caméras, dans une mise en scène chargée d’émotion. Quant aux soignants et aux médecins, qui travaillent et opèrent depuis plus de quinze mois dans des circonstances terrifiantes, ils partagent des clichés d’eux sur les réseaux sociaux, allongés au sol, en tenue médicale, au repos, arborant de larges sourires.

 

Au cœur de cette euphorie, des camionnettes chargées d’enfants, de matelas, de baluchons et de casseroles se faufilent parmi la foule. Des milliers de familles déplacées retournent vers leurs localités et quartiers d’origine. Certains retrouvent leurs maisons, encore debout et habitables. D’autres sont frappés d’effroi devant les décombres de leur quartier entièrement détruit, comme à Jabalia, à l’extrême nord de Gaza, théâtre ces derniers mois des bombardements israéliens les plus violents. «Il ne reste plus rien, c’est devenu invivable», confie à un journaliste de l’AFP Walid Abou Jiab, effondré. Choqué, lui aussi, par «l’immensité de la destruction», Fouad Abou Jilboa veut malgré tout se projeter vers l’avenir : «Grâce à notre détermination, notre foi et notre force, nous reconstruirons.»

 

Une libération orchestrée par le Hamas

 

«Epuisés par la guerre, nous avions décidé de rentrer chez nous dès l’annonce du cessez-le-feu», confie une mère à Khan Younès, le regard brisé devant les corps inertes de deux de ses quatre enfants. «Voici Ahmad, mon fils aîné de 16 ans, et Sama, ma benjamine de 6 ans. Ils ont survécu à quinze mois de guerre pour mourir dans les deux dernières heures», sanglote-t-elle dans une vidéo bouleversante diffusée sur les réseaux sociaux. Ces deux enfants font partie de la dizaine de Palestiniens tués dans des frappes israéliennes dans l’intervalle de trois heures entre le début prévu de la trêve et son entrée en vigueur effective. Un délai dû à l’attente des noms des trois otages israéliennes libérables, que le Hamas a tardé à fournir, invoquant des «complications techniques».

 

Des proches des otages du Hamas, dimanche 19 janvier à Tel-Aviv. (Oded Balilty/AP)

 

Peu après l’entrée en vigueur officielle de la trêve, les membres du Hamas se sont joints à la célébration au milieu de la population civile. Vêtus de noir, le visage masqué, kalachnikovs brandis dans une main, l’autre effectuant le «V» de la victoire, des centaines d’entre eux ont défilé à bord de véhicules blancs dans les artères de Gaza, acclamés par des foules en liesse qui ralentissaient leur avancée. Présentés comme des «hommes de la sécurité» par un correspondant de la chaîne Al-Jazeera, ces combattants ne semblaient toutefois pas exercer de fonction policière.

 

En milieu d’après-midi, la branche armée du Hamas, bien que brisée, démontre avec éclat qu’elle est loin d’être anéantie, orchestrant sous les yeux du monde une scène d’une puissante portée symbolique. Sur la place centrale de Gaza, où une foule dense et électrique peine à contenir son agitation, les trois otages israéliennes sont transférées dans une Jeep de la Croix-Rouge, au milieu d’une nuée de combattants des brigades al-Qassam, reconnaissables à leur cagoule noire cerclée de bandeaux verts.

 

Ce tableau n’a rien d’anodin. Tandis que l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas revendique la future gouvernance sur Gaza, le Hamas clame qu’il résiste encore. Dans une vidéo, le porte-parole des brigades al-Qassam, Abou Obaïda, rend hommage à la «résilience extraordinaire» du peuple palestinien et ­réaffirme son «engagement total envers l’accord de cessez-le-feu», à la condition qu’Israël s’y conforme également. Une position que le 1er ministre israélien, Nétanyahou, avait, dès samedi soir, exprimée en des termes similaires, se réservant «le droit de reprendre la guerre si nécessaire».

 

«Le Hamas ne gouvernera plus jamais Gaza», assène de Washington Mike Waltz, futur conseiller à la Sécurité nationale de Donald Trump. Ce lundi, le républicain redevient président des Etats-Unis. Son élection, ainsi que la coopération étroite avec Joe Biden, a rendu possible cet accord de cessez-le-feu. Si elle tient, la trêve prévoit, dans les six semaines à venir, la libération de 30 otages israéliens supplémentaires en échange d’environ 1 900 prisonniers palestiniens.

 

Mais déjà dimanche soir, des colons extrémistes ont tenté de bloquer les bus transportant les détenus palestiniens, incendiant des maisons et des véhicules au nord de Ramallah, en Cisjordanie. Comme un signe de plus qu’à tout instant, le répit et l’espoir pourraient s’effondrer.

 

Sources Libération

Publié dans Moyen Orient, Palestine, Paix

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