Élections allemandes : inquiétant virage à droite
Après la rupture de la coalition gouvernementale SPD-Verts-FDP en novembre 2024, le chancelier Scholz a choisi de provoquer des élections anticipées qui ont été fatales aux trois partis de l’ancienne majorité.
L’électorat s’est mobilisé avec une participation record depuis la réunification de l’Allemagne pour sanctionner une coalition impopulaire et en proie à de multiples divergences sur la conduite des politiques économique, sociale, environnementale et même sur l’attitude à adopter face au conflit en Ukraine.
Le SPD réalise le score le plus bas de son histoire, les Verts perdent également en audience et le FDP n’atteint pas les 5 % nécessaires pour rester au Bundestag : au total, la coalition sortante perd près de 20 points.
Ce rejet massif s’explique par la crise profonde qui affecte le « modèle allemand » fondé sur une industrie exportatrice et une énergie bon marché, alors que se multiplient les vagues de fermetures d’usine, y compris dans l’automobile, et que le coût de l’énergie explose suite à la fermeture des importations de gaz russe.
Les grands thèmes de la campagne ont été le rétablissement économique de l’Allemagne, la guerre en Ukraine et l’immigration.
Mais la déroute de la coalition au pouvoir n’a que partiellement profité aux conservateurs néo-libéraux de la CDU/CSU qui n’ont pas atteint leur objectif de dépasser les 30 %. Certes, la CDU de Friedrich Merz arrive en tête en distançant nettement le SPD, mais c’est surtout l’extrême droite qui engrange les voix en ayant joué à la fois de la crise sociale et du rejet de la classe politique tout en désignant les immigrés comme boucs émissaires et en instrumentalisant les récents attentats fortement médiatisés qui ont eu lieu à Magdebourg, Aschaffenburg et Munich.
L’AfD double son score de 2021 et étend ainsi son influence de manière inquiétante, avançant ses idées sans complexe et mettant ainsi la CDU et les autres partis sous pression.
Dans ce contexte, le futur chancelier Friedrich Merz (CDU) aura bien du mal à bâtir la coalition gouvernementale stable dont il a besoin pour changer de politique dans un sens ultra-libéral tout respectant dogmes budgétaires, frein constitutionnel à la dette et règles européennes strictes. Dès lors que la CDU a réaffirmé son refus de toute discussion avec l’AfD, les seules coalitions possibles réuniront CDU et SPD (328 députés pour une majorité requise de 316) ou en y ajoutant éventuellement les Verts pour une majorité plus large de 413 députés. Friedrich Merz souhaite pouvoir former un gouvernement avant Pâques (20 avril).
La seule bonne surprise du scrutin vient de Die Linke qui atteint 8,77 % après avoir longtemps stagné à 3,50 % dans les sondages. Elle arrive largement en tête chez les primo-votants et les jeunes électeurs et remporte 6 mandats directs, 4 à Berlin, 1 à Leipzig et 1 à Erfurt-Weimar. Les électeurs de die Linke viennent d’abord de la gauche (surtout des Verts, pour 700 000 d’entre eux, puis du SPD), puis des abstentionnistes (290 000).
Ce résultat inattendu est dû à une mobilisation exceptionnelle et à un véritable sursaut sur les thèmes de la justice sociale, de la paix et du danger de l’extrême droite, notamment après le vote au Bundestag d’une résolution anti-immigrés mêlant les vois de la CDU, de l’AfD, du FDP et de BSW.
La campagne de Die Linke a donné lieu à un afflux de jeunes adhérents (23 500 adhésions depuis le 1er janvier, portant le nombre total des adhérents au niveau record de 81 200).
A contrario, après des débuts prometteurs en 2024 aux élections européennes puis régionales de Saxe, Thuringe et Brandebourg, l’Alliance Sarah Wagenknecht (BSW), née d’une rupture avec Die Linke, n’a cessé de perdre en lisibilité politique jusqu’à rater de très peu (4,97 %) son entrée au Bundestag, ce qui va la priver d’une tribune importante pour son développement.
Alain Rouy
commission des Relations internationales du PCF
Article publié dans CommunisteS, numéro 1031 du 26 février 2025.