Le canal de PANAMA… raconté par STORMY DONALD

Publié le par Les communistes de Pierre Bénite

Le canal de PANAMA… raconté par STORMY DONALD
 

COMAGUER BULLETIN N° 606 11.02.2025

 

Le Canal de Panama est géré par une autorité publique créée par l’Etat de Panama. L’autre grand canal interocéanique : le Canal de Suez, est géré de la même façon. Cette autorité entretient et gère le canal et en particulier les 9 écluses qui jalonnent son trajet (environ 80km) entre Atlantique et Pacifique. Elle encaisse les droits de passage et d’éclusage payés par les compagnies maritimes dont les navires l’empruntent. La Chine pas plus qu’aucun autre pays n’a aucun pouvoir dans l’administration du Canal

 

D’après les statistiques de l’Autorité Panaméenne les marchandises en provenance ou à destination de la Chine représentent 25% du tonnage en transit pour les Etats-Unis ce pourcentage est proche de 50%.

La présence chinoise dans les ports panaméens

 

Deux ports maritimes existent aux deux extrémités du Canal l’un sur l’Atlantique (Colon) l’autre sur le Pacifique (Balboa) Ces ports sont concédés à divers opérateurs privés qui peuvent être très spécialisés (trafic des céréales ou trafic des conteneurs) ou plus polyvalents ( voitures, manutention horizontale et conteneurs). L’important est de souligner que « la Chine » pour parler dans la novlangue Trumpiste simpliste n’est en réalité présente que par le biais

 

1-de la société de manutention Hongkongaise Hutchison qui exploite des terminaux à conteneurs dans le monde entier et est installée dans le port de Balboa et dans celui de Colon depuis 1997 et dont les concessions ont été renouvelées en 2022 pour 25 ans

 

2- par une filiale de la compagnie de navigation taiwanaise Evergreen installée dans le port de Colon

 

3- un terminal polyvalent est exploité par une filiale du port de Singapour ( PSA) état indépendant peuplé de chinois de la diaspora

 

La « main mise » de Pékin sur le Canal reste à démontrer…et nous sommes face à un cas grave de sinophobie.

 

Reste la question de la participation de Panama à l’initiative chinoise « La ceinture et la route » ou Nouvelle route de la soie . Cet accord avait été signé par Juan Carlo Varela le prédécesseur de l’actuel président Mulino. 

 

A la suite de la visite sur place du secrétaire d’Etat Marco Rubio l’accord signé en 2017 va être dénoncé par le Panama. Tout président panaméen se souvient de l’opération militaire Restore Hope conduite en 1989 par Bush père qui a fait des milliers de morts civils pour chasser le président Manuel Noriega qui n’était pas assez soumis. Donc Mulino se soumet.

 

LE TRUMP OCEAN CLUB

 

Mais Trump s’intéresse à Panama depuis longtemps. Il y a d’abord organisé un concours de Miss Univers. Puis Vers 2006 le promoteur immobilier Donald Trump s’est lancé dans sa première grande opération à l’étranger : une tour hôtel la plus haute d’Amérique Latine accompagnée d’immeubles d’ appartements. – Trump Ocean Club International Hotel and Tower in Panama- à Panama-ville sur la côte Pacifique. Or, la situation financière du groupe Trump ne lui permettait pas à l’époque de faire avancer le projet. Il fallait trouver sur place de l’argent frais et un associé local. Chacun sait au moins depuis les PANAMA PAPERS qu’à Panama l’argent frais n’est pas vraiment de première fraîcheur … 

Trump passa donc un accord avec son associé au terme duquel l’associé trouvait les financements , construisait l’ensemble et Trump lui vendait son nom pour la tour et prenait en charge la gestion de l’hôtel où il vendait tous les produits dérivés de la marque Trump. Ainsi au restaurant il n’y avait que du vin Trump sur la carte dans la salle de bains que du savon Trump et tout à l’avenant. L’associé finit par se fâcher. Trump alors qu’il n’avait pas déboursé un dollar avait cependant installé son personnel dans les locaux pour encaisser les recettes de l’hôtel et les loyers des appartements. 

 

L’affaire fut portée devant les tribunaux d’abord à New-York devant une juridiction qui se déclara incompétente et ensuite au terme d’une procédure ouverte par le parquet panaméen devant une juridiction panaméenne qui ordonna l’expulsion du personnel de TRUMP. Des photos circulent encore où l’on voit un ouvrier casser à la masse les lettres T, R ,U, M, P, sur la façade de l’hôtel

 

Vu depuis Washington cet acte ne pouvait être qu’une insulte à l’Empire. Or aucune imprécation n’est alors sortie de la bouche de l’occupant du bureau ovale un certain Donald Trump. Il a fait profil bas car il venait d’être pris la main dans le sac dans une opération immobilière douteuse voire carrément crapuleuse à Panama même.

 

Pour laver l’affront Trump reçoit peu après en Juin 2017 le président Varela à la Maison blanche. Le but : rappeler au monde entier que le Canal de Panama en tant que création des Etats-Unis leur appartient. Très diplomatiquement et très laconique Varela répond que c’était la situation un siècle plus tôt, sous-entendu, mais il ne veut pas offenser son hôte, le Canal de 2017 est en effet très différent de celui ouvert en 1919. Il a été bien géré depuis sa cession au Panama en 1997 et doublé en 2015 pour le mettre au niveau du transport maritime international : porte- conteneurs , minéraliers transporteurs de gaz géants l’utilisent en permanence. Trump a donc reçu une double paire de claque en tant que promoteur immobilier et en tant que président .

 

Le président Varela a alors les mains libres pour ouvrir sa porte à la Chine et pour insérer son pays dans la Nouvelle Route de la Soie. Il est le premier président latino-américain à la faire. 

 

L’engagement de la Chine est d’un tout autre niveau que celui d’un projet immobilier à Panama et va se concrétiser progressivement non pas dans le canal qui vient d’être modernisé mais dans d’autres projets d’infrastructure comme la réalisation d’une voie ferrée de 400 km jusqu’à la frontière du Costa Rica amorce d’un réseau ouvrant sur toute l’Amérique centrale, la construction d’un métro dans la capitale, de deux ponts sur le canal et la modernisation du port de Colon à l’entrée atlantique du canal.

 

Sous la pression de Trump le nouveau président panaméen Mulino va s’employer dès son élection en 2019 à freiner cette avancée chinoise et un peu plus tard, sous Biden, un premier succès est obtenu : la société chinoise qui devait moderniser et gérer le port de Colon est remplacée par un outsider : MSC. 

 

Ce n’est donc pas un groupe capitaliste étasunien qui prend la relève mais le très secret groupe italo-suisse MSC , très présent dans les ports français où ses intérêts sont bien défendus et qui est devenu depuis le premier transporteur mondial de conteneurs et premier armateur de croisières .Le capital de MSC est entre les mains des membres d’une seule famille et la société non cotée en bourse ne publie aucun résultat. Mais elle commande sans cesse de nouveaux navires, les exploitent ensuite et les chantiers chinois qui les construisent sont payés. Donc les affaires marchent. MSC va bien mais ne s’en vante pas. On peut imaginer que cette discrétion a été appréciée à Washington, et que la compagnie chinoise a été indemnisée . Toute cette opération a échappé à la curiosité des chroniqueurs financiers. En s’installant à Colon MSC prend une position de leader mondial dans le secteur de la Caraïbe, principal marché mondial de la croisière.

 

Premier bilan du récent coup de poing sur la table de Strormy Donald : Le président Mulino va devoir suspendre son activité dans la Nouvelle Route de la Soie mais l’Autorité du Canal continuera à traiter sur pied d’égalité toutes les compagnies maritimes internationales et les Etats-Unis qui ne possèdent plus aucune compagnie maritime d’envergure internationale pour le transport des conteneurs devront s’en accommoder puisque la majorité des cargaisons qui transitent par le canal sont destinées au marché étasunien. Quant à des tarifs de faveur pour les navires étasuniens inutile d’y songer tous les grands armateurs mondiaux s’y opposeraient.

 

Les suites

 

Suite immédiate : La Chine a construit et ouvert fin 2024 un grand port à Changai 50 km au nord de Lima Il est exploité par la compagnie nationale COSCO et il va être utilisé pour redistribuer les produits chinois sur tout le littoral pacifique du Chili à la côte ouest des Etats-Unis.

 

Suite possible : Le canal de Panama a une faiblesse : la dénivelée et les 9 écluses à franchir. Le transit est long et coûteux et l’eau des éclusages prise dans un lac naturel au point culminant du trajet descend vers les 2 océans. Des périodes de sécheresse , il y en a eu récemment, obligent à suspendre les passages.

 

Cette faiblesse était connue dès l’origine et le choc de Trump pourrait inciter la Chine à créer un canal concurrent sans écluses passant par des lacs à travers le Nicaragua. Ce projet concurrent dès l’origine du canal de Panama a déjà été étudié et pourrait reprendre corps. Son premier promoteur, le journaliste français Felix Belly, avait vu son projet agréé par le gouvernement du Nicaragua en 1858. Les Etats-Unis y voyant une opération menée par Napoléon III sur « leur » continent (Doctrine Monroe) s’y opposèrent.La politique américaine du second empire fut un échec, ni canal Belly ni Canal de Panama ne furent construits à cette époque. La suite de l’histoire est connue.

 

Voir en ligne : publié par Comaguer

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