PFAS. Il faut une loi pour empêcher les dégâts des polluants éternels sur la santé et l'environnement !

Publié le par Les communistes de Pierre Bénite

Le député EELV Nicolas Thierry défendra sa proposition de loi visant à interdire les PFAS, jeudi 4 avril à l’Assemblée nationale. © Sebastien ORTOLA/REA

Le député EELV Nicolas Thierry défendra sa proposition de loi visant à interdire les PFAS, jeudi 4 avril à l’Assemblée nationale. © Sebastien ORTOLA/REA

 

C’est l’une des plus grandes contaminations auxquelles le monde est aujourd’hui confronté. Les PFAS ont envahi notre quotidien. Ce 20 février, le texte visant à les interdire dans la fabrication et l’importation de certains produits doit être soumis au vote final à l’Assemblée nationale. Un enjeu de taille.

 

Il ne mâche pas ses mots. C’est LE scandale sanitaire de ce début de XXIe siècle. Nicolas Thierry, député écologiste, espère avec sa proposition de loi, qui revient dans l’hémicycle ce jeudi, interdire les PFAS, ces substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées – des polluants très persistants et toxiques – utilisées dans la fabrication d’un certain nombre de produits du quotidien, comme les cosmétiques, chaussures, textiles d’habillement, farts de ski… Et ce dès 2026.

 

Il s’agit, affirme l’élu de Gironde, d’envoyer un message clair : « Protéger la santé publique et notre environnement prime sur les profits à court terme. » Le texte, s’il est voté à l’Assemblée nationale, rendra aussi obligatoire le contrôle des PFAS dans l’eau potable partout en France. Et il instaurera une taxe pollueur-payeur, afin que les industriels payent la dépollution, dont ils sont responsables depuis cinq ou six décennies.

 

Autant dire que cette proposition de loi n’a pas été du goût de bon nombre d’industriels, dont l’entreprise Tefal, filiale du groupe Seb. Le PTFE (polymère du tétrafluroéthylène, alias le Téflon) qu’elle utilise dans ses poêles antiadhésives devait, à l’origine du texte, faire partie des substances interdites. Au printemps 2024, lors des discussions sur la proposition de loi, le lobbying des industriels, comme Seb, a fini par entraîner le retrait des ustensiles de cuisine dans la liste des articles sans PFAS.

 

Des amendements RN qui reprennent les arguments des industriels

 

« Ils ont multiplié les rencontres avec des députés et ont ciblé des groupes politiques », explique Nicolas Thierry. Ils ont ensuite proposé à certains députés de faire adopter un amendement, sachant que « si un seul devait être retenu ce jeudi, cela renverra la proposition de loi au Sénat par la navette parlementaire ».

 

Entendez repartir pour des années de discussions. En commission du Développement durable de l’Assemblée nationale, le 12 février, le groupe Rassemblement national (Extrême droite) a déposé une bonne partie des amendements qui reprenaient les arguments des industriels. « Nous avons réussi à les repousser, mais c’est un bon révélateur », note Nicolas Thierry. Une étape décisive, aucun nouvel amendement ne pouvant être déposé dans l’Hémicycle ce jeudi.

 

Prenant la balle au bond, la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a assuré, dans une interview accordée au Parisien du 17 février, que le texte visant à interdire une partie des PFAS sera appuyé par le gouvernement. Dans la foulée, la ministre a annoncé une surveillance accrue de l’eau que nous buvons et que le « nettoyage » sera payé par les industriels les plus pollueurs.

 

Un petit pas en avant, alors qu’en 2023, la publication d’un rapport de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable sur les risques de la présence des PFAS dans l’environnement avait été bloquée… par Matignon. « Nous avons dû batailler et mettre une forte pression pour qu’il soit publié », se souvient Nicolas Thierry. 

 

Alors qu’aucun contrôle assidu en France de ces substances toxiques n’est mené (pas de contrôle de l’eau potable, ni de normes pour les sols ou l’air), les conclusions du texte sont sans appel : elles mettent clairement en lumière la grande toxicité des PFAS responsables d’une pollution invisible et quasi indestructible.

 

Une famille de plus de 15 000 produits chimiques

 

On les appelle communément polluants éternels, car ils ne se dégradent pas. Depuis les années 1940, les polluants éternels sont largement utilisés dans l’industrie et les produits manufacturés pour leurs propriétés antiadhésives, imperméabilisantes et résistantes aux fortes chaleurs. Ces substances, qui contiennent toutes des liaisons carbone-fluor très stables, se sont accumulées dans l’environnement et dans nos corps pour progressivement envahir notre quotidien.

 

Aujourd’hui, les PFAS constituent une famille de plus de 15 000 produits chimiques et se cachent partout : vêtements imperméables, cosmétiques, poêles, cordes de guitare, batteries, peintures, mousse anti-incendie, pesticides, emballages alimentaires, prothèses médicales, même dans le papier toilette, selon une récente étude. Des substances perfluorées extrêmement mobiles, qui migrent donc facilement dans l’eau, les sols, l’air… En clair, aucun être vivant sur cette terre n’y échappe.

 

Documents scientifiques à l’appui, les risques sanitaires des PFAS sont connus depuis une vingtaine d’années. Le scandale – tout commence toujours par un scandale – a d’abord éclaté aux États-Unis à la fin des années 1990, avec la contamination des eaux par une usine de groupe DuPont, qui fabriquait du Téflon à partir d’une substance perfluorée. En 2001, la firme est accusée d’avoir contaminé avec le Pfoa (acide perfluorooctanoïque) plus de 70 000 personnes. Une affaire relatée en 2019 dans le film Dark Waters, de Todd Haynes.

 

En Europe, l’enquête menée par le Forever Pollution Project, un consortium de 48 journalistes issus de 16 pays, révèle en 2023 que plus de 17 000 sites dans toute l’Europe sont contaminés par les produits chimiques éternels, dont 2 100 à des niveaux dangereux.

 

En France, ce sont les journalistes, là encore, qui, en 2022, rendent publique une étude portant sur une pollution dans la vallée de la chimie, au sud de la métropole de Lyon. La petite ville de Pierre-Bénite en devient le témoin bien malgré elle.

 

Le lien entre PFAS et certains cancers fait consensus parmi la communauté scientifique

 

« Les PFAS sont le début de problèmes immenses. La bombe a déjà explosé. Il faut maintenant limiter la déflagration », alerte Mélanie Popoff, médecin à la Ville de Paris, cofondatrice d’Alliance santé planétaire. Cette spécialiste des perturbateurs endocriniens est formelle : « Aujourd’hui, il existe une explosion des maladies chroniques en lien avec une pollution généralisée, dont font partie les PFAS. » Elle le rappelle : le lien entre PFAS et cancers, notamment ceux des testicules et du rein, fait consensus parmi la communauté scientifique.

 

Mais pas que. « Ces molécules synergiques, ensemble, ont un effet cocktail. Elles sont à la source de perturbateurs endocriniens, avec une augmentation de l’endométriose chez la femme, des pubertés précoces pour les jeunes filles, une altération de la qualité et de la quantité de la spermatogenèse chez l’homme. La concentration de spermatozoïdes dans le sperme des hommes a diminué de moitié en quarante ans. »

 

Diminution de la réponse immunitaire à la vaccination, effets sur le développement du fœtus, baisse du poids de naissance, augmentation de l’obésité, du cholestérol, de l’asthme, des troubles dys et du spectre autistique… « Les molécules entraînent des maladies multifactorielles, par exemple l’obésité est liée aux polluants chimiques, à la sédentarité, à l’alimentation hypertransformée. Aujourd’hui, nous sommes tous imprégnés de parabène, bisphénol et PFAS », poursuit la médecin.

 

« Maintenant que la pollution est avérée, l’entreprise ferme »

 

Si la contamination s’avère généralisée, certains sites sont particulièrement touchés, comme la plateforme chimique de Pierre-Bénite ou l’usine Solvay, dans le Gard. Le groupe chimique a annoncé en septembre la fermeture du site de Salindres. 68 personnes seront licenciées au printemps.

 

Sophian Hanous travaille chez Solvay depuis bientôt quatorze ans. « Une double peine » pour ce militant CGT. Car, sur ces terres au pied des monts cévenols, des enquêtes ont révélé que l’entreprise rejetait dans les eaux des taux très importants d’acide trifluoroacetique – un produit utilisé pour la fabrication de pesticides, d’extincteurs et de médicaments, que l’on retrouve dans les polluants éternels. « Maintenant que la pollution est avérée, l’entreprise ferme. Et nous, on reste sans emploi, avec de grosses inquiétudes sur notre santé. »

 

Celui qui, par la force des choses, est devenu expert en matière de polluants éternels ne décolère pas. « Nous, ouvriers de l’industrie chimique, nous sommes les plus exposés. Et nous avons besoin de la protection de l’État. En l’absence de valeur limite d’exposition, ce qui est le cas pour la majorité des PFAS, les industries peuvent exposer légalement leur personnel et polluer l’environnement en respectant les normes. »

 

Dans un courrier adressé à Matignon le 6 février, Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, les secrétaires généraux des fédérations de la chimie et de la métallurgie, ainsi qu’Agnès Naton, secrétaire de la CGT Auvergne-Rhône-Alpes où se situent plusieurs sites concernés, demandent au premier ministre « une rencontre d’urgence » face à ce « nouveau scandale sanitaire ». Et ce afin d’élaborer des solutions qui prennent en compte à la fois le devenir de l’industrie et la santé des salariés et des populations. 

 

Dans la foulée, le syndicat lançait un « collectif PFAS », histoire de protéger les salariés, mais aussi de pousser les industriels à trouver des solutions alternatives. Une première dans le monde syndical. 

 

En parallèle, des ONG comme Générations futures, des associations comme Bien vivre à Pierre-Bénite, mais aussi des institutions, telles la Métropole de Lyon et Eau de Paris, l’entreprise qui distribue l’eau du robinet de la capitale, ont entamé une série d’actions.

 

Si la loi est votée ce jeudi, la deuxième étape consistera en premier lieu à faire en sorte de mieux protéger tous les salariés qui travaillent dans l’industrie et la filière chimie, et à aborder la reconnaissance des maladies professionnelles. Ensuite, restera à s’attaquer au vaste sujet des pollutions historiques. Durant des décennies, les industriels ont pollué des sites qui sont devenus extrêmement contaminés.

 

Et le coût de la dépollution est exorbitant. D’après l’enquête du Forever Pollution Project, dépolluer l’Europe des PFAS coûterait jusqu’à 2 000 milliards d’euros sur vingt ans. « Il faudra mener ce combat pour savoir qui paye, et pour pouvoir vivre sur des sites aujourd’hui contaminés sans risquer de développer des pathologies », insiste Nicolas Thierry.  Pour lui, si les PFAS représentent une menace majeure, « nous avons les moyens d’y répondre enfin. Le temps est venu d’être à la hauteur de notre responsabilité collective ».

 

Nadège Dubessay Article publié dans l'Humanité

Publié dans Pollution Arkema, santé

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