Ukraine : Trump et Poutine dictent le tempo et visent le retour à la paix

Publié le par Les communistes de Pierre Bénite

 

Les pourparlers de paix entre Trump et Poutine ont fragilisé Zelensky, à la veille de la Conférence de Munich sur la sécurité. Sans le soutien américain, la guerre pourrait entrer dans une phase encore plus dangereuse. A moins de faire le choix de la paix voulue tant par les ukrainiens que les russes. C'est l'enjeu de la période qui s'ouvre.

 

Trois ans après le début de la guerre, le président des États-Unis a renoué le dialogue avec Vladimir Poutine, ce que refusait son prédécesseur. Donald Trump entend obtenir rapidement un accord de « paix » dont les premiers contours, déjà dessinés, seront débattus à Munich, ce vendredi.

 

Le 12 février, un premier tournant diplomatique est intervenu sur l’Ukraine. Un appel téléphonique de près d’une heure et demie entre Trump et Poutine a marqué une reprise du dialogue entre les deux puissances. Depuis le 24 février 2022, aucun échange officiel n’avait eu lieu entre les présidents états-uniens et russe. 

 

À Washington, le milliardaire a précisé avoir convenu, lors d’un « appel téléphonique long et très productif », de lancer des « négociations immédiates » pour tenter de mettre fin au conflit et d'avancer vers la paix souhaitée par la Russie et les peuples des deux pays voire au delà. Donald Trump a affirmé : « Comme nous l’avons tous les deux convenu, nous voulons arrêter les millions de morts qui ont lieu dans la guerre. » Ils se rencontreront en Arabie saoudite, courant mars. Trump pourrait également se rendre à Moscou et Poutine aux États-Unis.

 

Pour le directeur de recherche à l’Iris, Jean de Gliniasty, « cet échange était prévisible. Trump l’avait annoncé et Poutine se tenait prêt. Le contenu de leur discussion a porté sur l’Ukraine, l’énergie et le Moyen-Orient. Cet appel illustre aussi la volonté de mettre en scène une discussion entre les deux dirigeants. Si ces négociations vont être encore extrêmement longues, elles s’annoncent profondément dures pour Kiev ».

 

Les contours d’un « plan de paix » américain

 

Donald Trump a fait de la fin de la guerre en Ukraine une de ses grandes initiatives diplomatiques pour son second mandat même si les « 24 heures » annoncées pendant sa campagne électorale pour résoudre le conflit, se transforment en plusieurs semaines.  Les nombreuses prises de parole américaines ces derniers jours laissent apparaître les principaux points d’un accord : annexion de territoires, non présence de l’Otan, troupes au sol possibles en Ukraine, sanctions occidentales, possible intégration de Kiev à l’Union européenne. 

 

Comme pour toute négociation voulant mettre un terme à une guerre, chaque protagoniste engagé dans ce conflit a fait valoir ses exigences. Trump comme Poutine, sachant que quelques mois après le début des hostilités un accord était possible, mais le 1er ministre anglais de l'époque l'a fait capoter prolongeant de plus de deux ans la guerre provoquant des milliers de morts et des destructions.

 

À l’occasion d’une réunion à Bruxelles, le secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth a donné le ton sur les contours de l’accord porté par Washington. « Nous voulons, comme vous, une Ukraine souveraine et prospère. Mais nous devons commencer par reconnaître que le retour aux frontières de l’Ukraine d’avant 2014 est un objectif irréaliste. La poursuite de ce but illusoire ne fera que prolonger la guerre et causer davantage de souffrances », a-t-il affirmé avant de poursuivre que « son adhésion à l’Otan » était exclue « de tout futur accord de paix ». Sur la question des garanties de sécurité pour l’Ukraine, il a jugé que les possibles forces armées déployées sur le terrain pour assurer la paix devraient être fournies par des « troupes européennes et non européennes compétentes » mais elles « ne viendraient pas des États-Unis ».

 

À Munich, des premières négociations

 

A Munich, la conférence annuelle sur la sécurité, qui débute ce vendredi, apparaît comme une 1ère étape diplomatique. Avec le vice-président J.D. Vance, l’émissaire spécial américain sur l’Ukraine, Keith Kellogg, le secrétaire à la Défense Pete Hegseth et le secrétaire d’État Marco Rubio, les principaux membres de l’administration américaine seront présents.

 

Des rencontres sont prévues avec l’administration ukrainienne. Un tête-à-tête aura lieu entre Zelensky et Vance alors que Kellogg devrait se rendre à Kiev après Munich. « Plusieurs entretiens devraient également se tenir avec les Européens. La question de leur rôle dans le futur accord de paix apparaît primordiale. Mais faute d’unité, les États-Unis devraient parvenir à imposer leur choix », glisse un diplomate, contacté par l’Humanité.

 

Pour Igor Delanoë, directeur adjoint de l’Observatoire franco-russe, « ce n’est pas un hasard si cette accélération a lieu quelques heures avant le sommet de Munich avec de nombreuses rencontres informelles. Au sortir de cette séquence, nous devrions savoir si le format demeure bilatéral entre les États-Unis et la Russie ou si l’Ukraine et l’Europe sont associées ».

 

L’élargissement de l’Otan à l’Ukraine fait partie des lignes rouges pour Moscou. Les garanties de sécurité pour l'Ukraine devraient être abordées. Le secrétaire général de l’Otan, Mark Rutte, a semblé gêné. Face à la position américaine, qui sera discutée « dans les jours et les semaines à venir », il a souligné qu’« il y a aussi une convergence claire qui émerge : nous voulons tous la paix en Ukraine, plutôt tôt que tard » mais Kiev doit être « étroitement engagée » dans toute négociation.

 

L’Ukraine et Zelensky au pied du mur ?

 

Avec le retour de Trump à la Maison-Blanche les Ukrainiens savaient que la situation serait compliquée d'autant que sur le terrain la Russie gagne des positions importantes alors que l'armée ukrainienne est lasse, fatiguée voire usée, avec une baisse du soutien militaire et financier extérieurs. Mais, il ne faut pas oublier que l'Ukraine a accepter de jouer le rôle de supplétif aux forces occidentales dans son affrontement avec la Russie, alors qu'un accord de paix était possible dès juin 2022.  Les pourparlers seront donc difficiles. Comme le dit un habitant de Kharkiv « Nous ne sommes pas surpris. Cette guerre est la nôtre. Nous subissons l’agression russe et un face-à-face entre deux puissances : les États-Unis et la Russie... Après trois années de guerre et de destructions, nous sommes usés et chacun veut la paix. ».

 

Les récentes déclarations de Zelensky révélaient déjà ce changement stratégique. Il a confirmé être prêt à des négociations avec la Russie que, si le président américain parvenait à amener l’Ukraine et la Russie à la table des négociations, « nous échangerons un territoire contre un autre ». Il avait également accepté, en échange d’un soutien américain, de céder à Washington une part de ses ressources, notamment des terres rares en contre partie des 300 milliards de dollars avancées par les Etats Unis pour que l'Ukraine puisse faire la guerre et l'emporter. Ces 300 milliards ont nourri les marchands de canons, fait des milliers de morts, sans permettre la victoire comme cela était prévisible selon les observateurs.

 

Sur les garanties de sécurité, il a répété récemment : « Sans l’Amérique, elles ne sont pas assurées ». « Ce sont les Européens qui devront s’en charger », a prévenu Michael Waltz, secrétaire américain à la Sécurité nationale. Trump a estimé qu’il n’écartait pas Zelensky du processus, « tant qu’il est là ». Mais « à un moment donné, il faudra aussi organiser des élections ».

 

La fin du cordon sanitaire autour de la Russie

 

La conversation téléphonique entre entre Trump et Poutine marque un « processus de dégel » des relations entre les États-Unis et la Russie. « Les tabous tombent. L’administration Trump fissure le bloc occidental qui avait dressé un cordon sanitaire autour de Vladimir Poutine, note Igor Delanoë. Mais c’est l’asymétrie qui s’avère prépondérante dans ce dossier. Le président des États-Unis veut mettre rapidement un terme à la guerre et obtenir un prix Nobel. Vladimir Poutine, lui, n’a pas atteint ses objectifs. Sur le terrain militaire, il n’a pas remporté la guerre et peut être intéressé par une victoire diplomatique ».

 

Au sein de l’opinion russe, de nombreux sondages pointent que plus de 50 % de la population soutiennent des négociations de paix. De son côté, le président russe cherche, outre une paix en Ukraine, à obtenir un dialogue global sur les questions de sécurité qui doit aussi viser à assurer la sécurité de la Russie sans encercler le pays de bases militaires de l'Otan.

 

Démocratie, progrès social et paix : la voie à suivre pour l'Ukraine et l'Europe

 

Enfin, il appartient au peuple ukrainien de déterminer qu'elle voie il entend prendre pour faire progresser la démocratie mise à mal depuis 2014, le progrès social, le développement du pays, la culture de paix tout en mettant fin à la corruption, le respect des populations russophones, afin de devenir une vitrine démocratique pour les peuples d'Europe tentés par l'extrême droite.

 

Après 4 années de guerre, les Vingt-Sept sont mis à l’écart des négociations bien qu'ils se soient alignés sans faillir sur la position guerrière de Biden. À la question de savoir si ces derniers allaient participer aux pourparlers, Karoline Leavitt, porte-parole de la Maison-Blanche, a répondu : « Je n’ai aucun pays européen impliqué pour le moment ».

 

Pour Jean de Gliniasty, « c’est dramatique. Une bonne partie de l’Europe se pliera aux injonctions américaines. La question des garanties de sécurité pour l’Ukraine reste la principale difficulté. L’Europe apparaît comme l’une des clefs avec l’intégration à l’Union européenne et la possibilité de forces, ou missions sécuritaires. Il est dommageable qu’aucune puissance européenne n’ait anticipé cette accélération diplomatique largement prévisible. La France n’apparaît plus être une force de dialogue dans ce dossier », constate, amer, l’ancien ambassadeur de France en Russie.

 

Mais n'est ce pas aussi le résultat d'avoir fait le choix d'aider l'Ukraine à faire la guerre jusqu'au bout quitte à sacrifier l'accord de paix possible entre l'Ukraine et la Russie quelques mois après le début du conflit, que paie l'UE aujourd'hui?

 

A suivre aveuglément les positions américaines au mépris de la souveraineté des Etats et de l'UE, à suivre les exigences des marchands de canons pour qui la guerre est d'abord une source de profits juteux, à suivre l'idée que la Russie serait toujours un adversaire dangereux et menaçant pour justifier la militarisation de l'Europe et  la présence de l'Otan, ne pouvaient que mettre en difficulté L'Europe quand des discussions sérieuses s'engagent pour trouver le chemin de la raison et de la paix. 

 

Pas d'étonnement à ce que l'Europe n'arrive pas à être une force diplomatique reconnue et qui compte pour la paix.

Publié dans Amérique du Nord, Ukraine, Paix

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