Vencorex : Bayrou refuse la nationalisation, les députés déposent une proposition de loi
L’idée d’une reprise en main par l’État pour sauver l’usine a été refusée par François Bayrou. Face à cette décision, une proposition de loi allant dans le sens des salariés a été proposée par une députée écologiste.
« Vencorex et Arkema, même combat ! » Le slogan est inscrit sur une banderole jonchant le piquet de grève de l’usine d’Arkema, à Jarrie (Isère), en place depuis début janvier, où la direction a annoncé un plan social supprimant 154 postes sur les 344 existants directement lié à la fermeture de leur fournisseur de sel. De fait, l’usine de Jarrie est devenue le symbole de l’effet boule de neige catastrophique de la fermeture de la majeure partie de la production de Vencorex à Pont-de-Claix, située à quelques kilomètres.
En conséquence, un amas de palettes, pneus et brindilles de bois se sont accumulés devant Arkema pour alimenter un feu d’espoir, en signe de contestation. « Nous sommes en grève pour récupérer nos emplois, non pour négocier un plan social », affirme Maxime Morant, gréviste et opérateur aux dérivés chlorés, où les unités ont cessé de fonctionner depuis octobre dernier.
Le gouvernement renonce à l’industrie française
Ce lundi 24 février, syndicalistes et élus isérois ont rejoint les grévistes sur leur piquet de grève pour apporter les dernières nouvelles. Les mines sont maussades. François Bayrou, sollicité quelques semaines plus tôt par ces derniers pour la nationalisation de Vencorex, a répondu dans un courrier écarter la demande, affirmant qu’« une nationalisation, même temporaire, ne saurait être la réponse en l’absence de pérennité identifiée ».
La colère est grande, l’incompréhension aussi. « Aujourd’hui, l’État dit : ”Je ne vous aide pas”, l’État dit que 6 000 emplois perdus au niveau de la métropole, ce n’est pas grave », se désole le maire de Jarrie, Raphaël Guerrero, devant les salariés d’Arkema et de RSA, indirectement impactés par cette décision. « On est bénéficiaires, il n’y a aucune raison de fermer, on pourrait s’adapter, s’insurge l’opérateur aux dérivés chlorés. La direction profite de cet effet d’aubaine. »
« Cette réponse est une insulte à notre territoire. Pourquoi être aussi ambigu alors que nous avions des questions précises ? On n’a pas de chiffres, on n’a pas d’engagement d’aucune sorte, s’insurge Cyrielle Chatelain, députée écologiste de la 2e circonscription de l’Isère. Moi, j’ai l’impression en ce moment d’assister à des injonctions contradictoires. Un président de la République qui, d’un côté, dit qu’on doit être souverain, qu’on doit se doter de capacités de production et, de l’autre, le gouvernement est inactif. Il est même inapte à proposer des solutions face à la désindustrialisation. »
« Le premier ministre ferme la porte à tous les scénarios de sauvetage que, collectivement, nous avions proposés, s’indigne le président socialiste de l’agglomération de Grenoble, Christophe Ferrarri. Cette position est un aveu d’impuissance terrible qui nous indique aujourd’hui, en définitive, qu’il ne peut rien faire pour sauver l’avenir de deux des 18 plateformes chimiques françaises. » Malgré la réponse décevante du premier ministre, l’heure n’est pas au découragement. « On va continuer le combat, affirme Séverine Dejoux, élue CGT au CSE de Vencorex. On a d’autres leviers, on va tout essayer. »
Un autre levier pour nationaliser
Une centaine de députés du Nouveau Front populaire ont d’ores et déjà signé une proposition de loi (PPL) de nationalisation déposée par Cyrielle Chatelain, mais une dizaine de signatures de la majorité manquent à ce stade pour que la loi puisse être examinée plus rapidement que prévu. Christophe Ferrari invite l’ensemble des députés, « les parlementaires de tous bords, soucieux de la souveraineté industrielle de notre nation, à soutenir la proposition de loi visant à la nationalisation temporaire de Vencorex et à engager un vrai débat sur la désindustrialisation de notre pays en cours ».
La PPL estime que le redressement judiciaire de Vencorex « fait courir un risque majeur pour la survie de la filière de la chimie en Isère, avec des impacts en cascade en matière de souveraineté, d’emploi et d’environnement. En effet, grand nombre d’entreprises dépendent de Vencorex, incluant certaines dont l’activité est stratégique et assure la souveraineté nationale dans les domaines de la défense, de l’industrie spatiale, du nucléaire ou du sanitaire ».
« On voit le terme s’approcher dangereusement » alerte Séverine Dejoux, le 6 mars. Le tribunal de commerce de Lyon doit rendre sa décision sur la reprise de l’activité de Vencorex par un groupe chinois qui garderait un seul atelier de 46 salariés qui fabrique les produits finis. D’ici là, les salariés de l’usine de fabrication de chlore, mais aussi Arkema, RSA, Framatome ou encore Chloralp retiennent leur souffle.
« Nous sommes complètement interdépendants d’Arkema, confie Isak Kose, délégué syndical CGT de RSA, si Vencorex tombe, nous tombons. »
Léa Darnay Article publié dans l'Humanité