Crise politique au Portugal
Le président Marcelo Rebelo de Sousa avec Luis Montenegro, tout juste nommé Premier ministre le 18 mars 2024 PATRICIA DE MELO MOREIRA / AFP
Comme l’extrême droite, le PS a voté contre la confiance au Premier ministre Luís Montenegro en pleine polémique sur un possible conflit d’intérêts.
Au cœur de la polémique qui a entraîné la chute de Luis Montenegro : une entreprise de prestation de services détenue par sa femme et ses enfants ayant des contrats avec plusieurs sociétés privées, parmi lesquelles un groupe dont l’activité est soumise à des concessions accordées par l’État.
Luis Montenegro a déjà annoncé que cette entreprise serait désormais strictement détenue par ses enfants. Mais l’opposition continuait d’insister pour qu’il apporte davantage d’explications notamment dans le cadre d’une commission d’enquête parlementaire demandée par les socialistes.
Empêtré dans une polémique sur ce possible conflit d’intérêts, le 1er ministre de droite arrivé au pouvoir il y a un an mais sans majorité au parlement, a été contraint à la démission après le refus des députés mardi de lui accorder la confiance.
Ce vote pourrait ouvrir la voie à des élections. Le gouvernement a « tout tenté jusqu’à la dernière minute pour éviter des élections anticipées », a déclaré Luís Montenegro à la sortie du Parlement.
Des débats houleux
Mardi soir, après plus de 3h30 de débats houleux, la séance avait été suspendue pour une heure au Parlement, le temps pour le PSD (parti social-démocrate, centre-droit) du Premier ministre et le Parti socialiste de tenter des négociations de la dernière chance. Mais l’interruption n’a pas permis d’aplanir le différend entre les deux formations, et les socialistes, comme ils l’avaient annoncé, ont voté contre la confiance au côté notamment de la formation d’extrême droite Chega.
L'enjeu : la participation éventuelle de Luís Montenegro à une commission d’enquête parlementaire formellement demandée lundi par les socialistes.
Le PSD s’était engagé pendant le débat à ce qu’il y prenne part, réclamant en retour qu’elle ne dure que 15 jours, puis jusqu’à fin mai – ce qu’a refusé fermement le leader du Parti socialiste Pedro Nuno Santos, fustigeant des « arrangements » et estimant que ce n’était pas au gouvernement d’en fixer les règles.
La dissolution entre les mains du président
Le chef de l’État, le conservateur Marcelo Rebelo de Sousa, a désormais entre les mains l’issue de cette crise politique : il recevra mercredi le Parti social-démocrate (PSD) de Luis Montenegro, puis le Parti socialiste, le principal parti d’opposition, et le parti d’extrême droite Chega, avant de poursuivre ses entretiens avec les représentants des autres partis.
Et après avoir consulté les principales formations politiques, le président entendra jeudi le conseil d’État, un organe consultatif composé des plus hautes personnalités politiques, avant de rendre publique sa décision, dès jeudi soir ou vendredi.
Quels sont les scénarios possibles ?
Le chef de l’État a déjà indiqué travailler sur « tous les scénarios ». Il peut, soit tenter, en négociant avec les partis, de former un nouveau gouvernement, ou dissoudre le Parlement et convoquer des élections législatives.
La tenue d’un scrutin anticipé, sur un tour, pourrait avoir lieu le 11 ou le 18 mai, a déjà annoncé le président, et cela semble être le scénario le plus probable aujourd’hui. Le cas échéant, il s’agirait alors des troisièmes élections législatives au Portugal depuis janvier 2022.
Marcelo Rebelo de Sousa s’est engagé à « agir vite » afin d’éviter que le pays ne plonge dans une situation d’instabilité et pour que « la vie des gens se poursuive » le plus normalement possible.
Luis Montenegro a indiqué qu’il serait candidat à sa propre succession en cas d’élections anticipées, mais la perspective de voter à nouveau n’enchante guère les Portugais.
Cette crise « accroît l’incertitude politique à un moment où les risques extérieurs ont augmenté de manière significative », a estimé mercredi la société de notation financière DBRS Morningstar, qui prévoit une distribution des sièges au Parlement semblable à l’actuelle, sans majorité absolue.
D’après un sondage, les socialistes ont légèrement progressé dans les intentions de vote depuis le début de la crise politique. En cas d’élections, le PS obtiendrait 30,8 % des voix et l’Alliance démocratique de centre droit (AD) emmenée par Luis Montenegro au pouvoir 25,8 %, tandis que l’extrême droite de Chega reste stable autour de 17 %
A suivre