PFAS : de nouvelles analyses pointent la responsabilité de Tefal dans la pollution autour de Rumilly

Publié le par Les communistes de Pierre Bénite

PFAS : de nouvelles analyses pointent la responsabilité de Tefal dans la pollution autour de Rumilly

Des analyses, réalisées par le service géologique national français, le BRGM, confirment l’impact des boues enfouies par l’industriel sur la pollution des eaux souterraines aux “polluants éternels” dans le secteur de Rumilly, en Haute-Savoie. La préfecture recommande désormais aux habitants de la commune de ne plus utiliser les puits privés pollués.

 

La conclusion est écrite noire sur blanc : “confirmation de l’impact d’un ancien dépôt Tefal sur les eaux souterraines autour de Rumilly, en Haute-Savoie. Le document obtenu par France 3 Alpes résume les découvertes préliminaires du BRGM, le service géologique national français, et a été présenté aux élus du territoire il y a plus de deux mois.

 

C’est la première fois que les scientifiques d’un établissement public pointent très clairement la responsabilité du fleuron industriel français dans la pollution aux PFAS qui touche le secteur, confirmant les informations d’un épisode de Complément d’Enquête, diffusé le mois dernier sur France 2.  

 

Dépôt de boues et pollution au PFOA 

 

En s’appuyant sur des documents confidentiels et les témoignages d’anciens salariés, l’émission d’investigation a mis en lumière l’activité historique de Tefal et l’enfouissement de déchets à Rumilly et alentour jusqu’à la fin des années 1980, contenant du PFOA, un polluant éternel cancérigène. Jusqu’en 2012, le PFOA était utilisé dans la recette du revêtement anti-adhésif des poêles françaises, avant d’être substitué par d’autres molécules de la même famille des PFAS. 

 

C’est ce même PFOA, découvert en 2022 dans les captages d’eau potable au-dessus des normes sanitaires, qui a conduit les collectivités à interrompre l’alimentation depuis ces sources puis à investir plus d’un million d’euros dans la construction d'une station de traitement. Si l’eau potable est redevenue conforme grâce à ce traitement, les eaux souterraines de Rumilly restent hautement polluées par la molécule.

 

Afin de caractériser la pollution et son impact sur le territoire, la communauté de communes a engagé un programme de recherche, confié au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). La première campagne d’analyses, réalisée à l’automne 2024, confirme donc qu’à certains endroits, les dépôts de Tefal ont bien pollué les eaux souterraines. C’est le cas sur la commune voisine de Sales, où 5000 m3 de déchets ont été enfouis à huit mètres sous terre, entre 1974 et 1975, avec l’accord des pouvoirs publics. La “zone impactée” est même “plus étendue” que celle déjà connue par les pouvoirs publics, rapportent les scientifiques dans la présentation des résultats consultée par France 3. 

 

Pour arriver à cette conclusion et associer l'état des eaux souterraines à ces dépôts passés, le BRGM a analysé et trouvé d’autres marqueurs que le PFOA, comme le calcium qui provient de la chaux utilisée à l’époque pour neutraliser les boues toxiques. 

 

Rumilly, dans le top 3 des communes les plus polluées au PFOA

 

Sur le secteur des Pérouses, à proximité du plan d’eau de Rumilly, c’est l’équivalent de 2000 camions bennes de déchets en partie contaminés au PFOA qui ont été déversés. Les études du BRGM confirment “la forte teneur en PFAS à toute proximité du dépôt Tefal”.

 

Avec 3757 ng de PFOA par litre sous l’ancien dépôt, Rumilly entre dans le top 3 des communes les plus contaminées par cette molécule, selon les valeurs disponibles dans la base de données publiques des eaux souterraines françaises. C’est cependant le seul endroit du secteur où la concentration de PFAS dépasse la norme française pour les eaux souterraines (2000 ng par litre pour la somme de 20 PFAS). 

 

Contacté, le Groupe Seb répond par e-mail ne pas avoir eu connaissance des résultats du BRGM et ajoute que, dans le cas de Sales, les études publiques de la DREAL indiquent la présence de PFOA à 98%, les 2% restants correspondant à “des substances n’ayant jamais été utilisées par Tefal ou ses fournisseurs”. Rappelant que le PFOA n’avait été interdit qu’en 2020, l’industriel ajoute que “l’utilisation du PFOA était (...) généralisée dans un grand nombre d’activités” à l’époque. La directrice de la communication du groupe, Cathy Pianon avait déjà précisé dans un article de Franceinfo : “Le PFOA, je ne peux pas dire que c'est moi à 100% et je ne peux pas dire que ce n'est pas moi du tout", arguant que d’autres entreprises du secteur pourraient également avoir utilisé la molécule.

 

Une “signature” similaire 

 

Autre conclusion de cette première campagne d’analyse : la mise en évidence d’une même “signature PFAS” sur la grande majorité des secteurs, parfois sans lien hydraulique, impactés par cette pollution. “Malgré des variations de concentrations, les mêmes molécules sont souvent retrouvées, et ce dans des proportions (ou pourcentages) entre elles très similaires, avec une forte prédominance du PFOA” nous confirme le BRGM, tout en préférant rester prudent et ajoutant qu’à ce stade, “les résultats de notre campagne ne permettent pas de confirmer l’existence d’un « pollueur unique » à l’échelle de la zone d’étude”. 

 

"Généralement, si on est sous l'influence de sources multiples et variées, on a un mélange de PFAS. C'est très rare d'avoir un seul PFAS aussi prédominant", expliquait déjà en janvier dernier Pierre Labadie, chercheur en chimie environnementale au CNRS, dans un article de Franceinfo qui pointait cette proportion majoritaire de PFOA dans les prélèvements de Rumilly. "C’est vraiment atypique", avait-il ajouté, et "suggère l'existence d'une source ponctuelle majeure à proximité du point de prélèvement". 

 

Par ailleurs, une autre molécule PFAS, utilisée depuis le milieu des années 2000 par les fournisseurs de Tefal pour remplacer le PFOA, a également été retrouvée dans le Dadon, rivière située à proximité “d’un rejet superficiel” dont “l’origine reste à établir”, indique le document du BRGM.  

 

“Ne plus utiliser l’eau des puits”

 

En réaction à la transmission de ces résultats préliminaires, la préfecture de Haute-Savoie reconnaît “l’existence d’usages potentiellement à risques dans ce secteur”. Les services de l’Etat recommandent de “ne pas utiliser l’eau issue des puits privés de particuliers à usage unifamilial, quel qu’en soit l’usage”. La recommandation ne s’applique pas uniquement à la ville de Rumilly, mais également “au nord de la commune de Sales” et à la “zone Nord Ouest de la commune de Marigny-Saint-Marcel”.

 

Je ne suis pas surpris”, réagit Virgile Benoit, président de l'association environnementale Agir Ensemble pour Rumilly et l'Albanais (AERA). “Ne pas utiliser l’eau de son puits, c’est une chose, mais quel taux de PFOA les gens ont-ils dans leur terre arrosée depuis des décennies avec cette eau ? Et donc dans leur légumes ?”, s’interroge-t-il cependant. Le communiqué de la préfecture ajoute en effet que la recommandation s’applique également à l’arrosage des potagers”, sans donner de directive concernant la consommation des légumes ou des œufs des particuliers, comme c’est par exemple le cas à Pierre-Bénite, dans le sud de Lyon. 

 

Quid des puits utilisés par les maraîchers dans ce secteur ? J’ai l’impression qu’on met la poussière sous le tapis”, dénonce Fabienne Grébert, conseillère régionale (Les Écologistes), qui demande depuis presque deux ans maintenant la réalisation d’une vaste étude épidémiologique sur le territoire. Ni la mairie ni la communauté de communes Rumilly Terre de Savoie, commanditaires de l’étude du BRGM, n’ont souhaité répondre à nos questions. 

 

Cette dernière annonce cependant dans un communiqué qu’une “information auprès de la population sera régulièrement délivrée lorsque de nouveaux résultats d’études seront disponibles”. Les services du Bureau de recherches géologiques et minières doivent encore réaliser une seconde campagne d’analyses avant de livrer leurs conclusions finales à l’été 2026.

 

Sources : Franceinfo Auvergne Rhône Alpes

 

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