Victoire de la grève du personnel de ménage de Science Po Paris
Des étudiants devant Sciences-Po Paris lors du premier jour de grève du personnel de ménage, jeudi. (Alexis Jumeau/Abaca)
Il aura suffi de cinq jours de grève pour que le personnel de ménage de Sciences-Po Paris fasse plier la prestigieuse école – donneuse d’ordre dans cette affaire – et son employeur, la société Atalian (2 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2023).
A l’issue d’une réunion qui s’est déroulée ce mardi 11 mars au matin au siège d’Atalian, à Vitry-sur-Seine, les 77 agents d’entretien, en grève depuis jeudi 6 mars pour dénoncer leurs conditions de travail, ont mis fin à leur mouvement par une victoire et la signature d’un accord leur ouvrant de nouveaux droits.
Les salariés ont obtenu le paiement d’un treizième mois, y compris pour les nouveaux arrivants, et la création d’une commission mixte avec leur employeur et les représentants du personnel pour revoir la charge de travail et les qualifications de chaque personne, au cas par cas. Pour Layla Mabrouk, meneuse du mouvement, cette issue heureuse «est un grand soulagement pour les grévistes». Elle ajoute qu’Atalian s’est engagé à ne plus réduire le nombre d’heures de travail consacrées au campus parisien de Sciences-Po. Depuis avril 2023, la cadence et la charge de travail avaient fortement augmenté à la suite d’un changement dans le contrat liant Atalian à Sciences-Po.
La grande école est actuellement en discussion pour le renouvellement du contrat de sous-traitance, qui expire le 31 mars. Après cette date, il n’est pas encore clair qui d’Atalian ou d’une autre entreprise reprendra l’entretien. Mais quoi qu’il arrive d’ici là, l’accord de site conclu ce mardi 11 mars s’appliquera au prochain prestataire choisi par Sciences-Po Paris. «On a gagné notre dignité et le respect du donneur d’ordre, c’est le plus important pour nous», ajoute Layla Mabrouk.
Dans leur lutte, les agents d’entretien ont eu le soutien des étudiants du Collectif du lien, créé en 2022 pour rapprocher les élèves et enseignants des travailleurs externalisés de Sciences-Po Paris. Saluant des «victoires majeures», le collectif étudiant déplore toutefois que certaines revendications n’aient pas été entendues et que la question de la réinternalisation de ce personnel, qui travaillait jadis sous le statut classique de fonctionnaire, n’ait jamais été envisagée par l’école. Le Collectif du lien pointe aussi «l’attitude de l’administration [de Sciences-Po Paris]» qui s’est largement distancée du conflit «sans jamais assumer [sa] responsabilité en tant que donneur d’ordre».
A Sciences-Po Paris, 77 personnes ont à leur charge douze bâtiments distincts, pour plus de 60 000 mètres carrés de surface et 10 000 étudiants. Sur place, seule une dizaine de salariés bénéficient d’un emploi à temps plein : ceux postés en «régie», et présents sur le site la journée. Les autres agents d’entretien, largement invisibles aux yeux des étudiants et de l’administration, travaillent sur des plages horaires matinales, entre 6 heures et 8 heures. Des temps très partiels et de très petits salaires qui obligent la plupart d’entre eux à multiplier les emplois pour vivre.
A Sciences-Po Paris, on dit «se réjouir qu’un accord ait été trouvé» et on assure que l’école sera vigilante «à ce que les conditions de travail […] soient conformes aux souhaits exprimés par les salariés». Le campus, fermé depuis vendredi soir, va rouvrir normalement dès mercredi matin.
Sources : un article de Jean-Baptiste Chabran publié dans Libération