"Les prélèvements obligatoires" de la France ou le dogme des libéraux fondé sur des bobards !

Publié le par Les communistes de Pierre Bénite

"Les prélèvements obligatoires" de la France ou le dogme des libéraux fondé sur des bobards !"Les prélèvements obligatoires" de la France ou le dogme des libéraux fondé sur des bobards !

 

Le gouvernement, le patronat et les économistes libéraux prétendent que les prélèvements obligatoires français seraient les plus élevés des économies développées, ce qui pèserait sur la compétitivité et l’attractivité des entreprises françaises. 

 

De nombreux arguments contredisent cette affirmation plus que discutable : d'une part les ménages paient les deux tiers des prélèvements obligatoires, un tiers seulement est payé par les entreprises, d'autre part les systèmes étant (très) différents d’un pays à l’autre, cela rend difficilement comparables les données sur les prélèvements obligatoires qui sont très utiles car ils servent en partie à financer les services et les infrastructures publics qui bénéficient à l’ensemble de la société dont les entreprises.


 

Surtout, il faut plutôt comparer les entreprises sur la base des prélèvements obligatoires qu’elles paient auxquels on retire les aides publiques qu’elles reçoivent. En faisant cela, il apparait alors que les entreprises françaises sont celles qui ont vu leurs impôts nets des aides publiques diminuer le plus fortement en Europe sur les trente dernières années !

 

L'échec de la politique de l'offre de Macron !

 

Pourtant, ces réductions massives de prélèvements sur les entreprises n’ont pas eu les effets escomptés, puisqu’elles ont surtout servi à soutenir les profits et les dividendes. Dans le même temps, la croissance économique a ralenti, le pouvoir d’achat a diminué, la précarité et la pauvreté ont explosé, le déficit commercial s’est creusé, les difficultés industrielles s’accentuent et les finances publiques sont exsangues par manque de recettes fiscales : c’est l’échec de la politique de l’offre.

 

D’après l'OCDE, la France est le pays dont le taux de prélèvements obligatoires est le plus élevé des pays de l’OCDE, avec un taux de 46,1% du PIB en 2022 contre 34% pour la moyenne de l’OCDE. Ce constat est confirmé par l'INSEE qui montre que la France est également l’économie dont le taux de prélèvements obligatoires est le plus élevé des économies de l’Union Européenne, avec un taux de 48% du PIB en 2022 contre 41,1% du PIB pour la moyenne de l’Union Européenne[1].

 

Tel est le constat. Cela autorise t-il les macronistes, le gouvernement, le patronat et les économistes libéraux qui défilent dans les médias, à affirmer que les entreprises françaises seraient les plus taxées au sein des économies développées, pèseraient sur leur compétitivité et leur attractivité, et expliqueraient le déficit commercial ou encore la désindustrialisation de l’économie française, et ce qui freinerait la croissance et l’emploi ?

 

Les entreprises ne paient qu'un tiers des prélèvements obligatoires !

 

D’abord, les données sur les prélèvements obligatoires incluent tous ceux qui sont payés en France. Elles ne font donc pas la distinction entre ce qui est payé par les ménages et par les entreprises. Or, d’après les données de l’Insee, les ménages paient les deux tiers des prélèvements obligatoires, un tiers étant payé par les entreprises.

 

Par ailleurs, on ne peut pas juste comparer les taux de prélèvements obligatoires sur les entreprises entre pays européens. D’abord, parce que les systèmes socio-fiscaux sont différents d’un pays à l’autre. Par exemple, le financement des retraites par la cotisation sociale en France induit nécessairement un taux de prélèvements obligatoires plus important que dans les pays où le financement se fait par capitalisation, ce qui biaise de fait les résultats obtenus. Ensuite, parce que celles-ci bénéficient d’aides, de crédits d’impôts ou de subventions qui réduisent le montant dont elles s’acquittent réellement et dont il faut tenir compte dans l’analyse.

 

Oubliées les 203,2 milliards d'aides publiques aux entreprises !

 

En effet, il faut prendre en compte les aides publiques qui sont versées aux entreprises installées en France. Alors qu'elles étaient de 11,6 milliards d’euros (3% du PIB) en 1979, l’intervention de l’État dans l’économie au service du capital n’a cessé de croître, pour atteindre un total de 203,2 milliards d’euros (7,2% du PIB) en 2023[2]. Il faut donc comparer les prélèvements obligatoires que paient les entreprises aux aides publiques qu’elles perçoivent pour avoir un réel aperçu de la situation.

 

Enfin, les prélèvements obligatoires servent en partie à financer les services et les infrastructures publics qui bénéficient à l’ensemble de la société dont les entreprises.  Ces contreparties incluent par exemple : les dépenses d'éducation et de formation professionnelle, qui permettent de former une main d’œuvre-qualifiée ; les dépenses de santé qui améliorent la productivité des travailleurs ; ou les dépenses dans les infrastructures publiques comme les routes, les ports, les aéroports, les réseaux d’électricité et d’eau qui facilitent le commerce et les échanges pour les entreprises. 

 

Le capital participe de moins en moins à "l'effort national"

 

De ce fait, il faut plutôt comparer les entreprises européennes sur la base des prélèvements obligatoires qu’elles paient auxquels on retire les aides publiques qu’elles reçoivent. C’est ce qu’a fait Anne-Laure Delatte, directrice de recherches au CNRS, dans une note de blog sur Alternatives Économiques[3]. Et ses résultats sont édifiants. Elle montre que les entreprises françaises sont celles qui ont vu leurs impôts nets des aides diminuer le plus fortement en Europe sur les trente dernières années !

 

Elle démontre qu’en 2000, les entreprises françaises avaient des prélèvements obligatoires nets des aides publiques supérieures à la moyenne européenne, à plus de 3 points de PIB au-dessus. Mais les prélèvements nets sur les entreprises ont entre temps baissé plus rapidement que chez tous nos voisins européens[4]

 

En 2021, la France n’est plus que 1,3 points de PIB au-dessus de la moyenne européenne. En moyenne, les prélèvements français ont baissé d’environ 0,8 % par an depuis 25 ans tandis qu’ils augmentaient de 1 % par an chez nos voisins pour la même période. Depuis 2017, en moyenne, les prélèvements sur les entreprises s’élèvent à 10 % du PIB en France et 8,3 % chez nos voisins. Par conséquent, la France a fait le plus gros effort de réduction des prélèvements sur les entreprises parmi les pays riches de l’Union européenne.

 

Ce travail a été récemment actualisé par Anne-Laure Delatte et Aïmane Abdelsalam, chercheuses en économie au Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé)[5]. Et leurs conclusions confirment leurs premiers résultats. Alors qu’elles payaient l’équivalent de 4 points de PIB de plus que les autres entreprises européennes en 1996, ils montrent en effet que l’écart s’est considérablement réduit pour atteindre 1,4 points de PIB en 2023. 

 

Macron : le champion des aides publiques aux entreprises sans condition !

 

Ces baisses d’impôts nets des aides se sont accélérées sous la présidence d’Emmanuel Macron, puisque les mesures en faveur des entreprises représentent 40 milliards d’euros par an depuis 2017. C’est ce que montre le tableau ci-dessous.

 

 

Mais cette politique économique de l’offre portée par Emmanuel Macron depuis 2017 s’est avérée inefficace. Celle-ci a baissé le taux de prélèvements obligatoires, entrainant une hausse du déficit et de la dette publique. Le gouvernement, le patronat et les économistes libéraux instrumentalisent désormais la dette publique pour réduire la dépense publique, en d’autres termes pour casser de façon toujours plus importante les services publics et la protection sociale pour financer ces cadeaux fiscaux[6]

 

Ces baisses d’impôts ont aussi renforcé les inégalités et n’ont pas eu d’effet sur la croissance économique puisqu’une grande partie de ces baisses d’impôts a été épargnée par les ménages les plus riches et les grandes entreprises.

 

[1] Les données de l’OCDE et de l’Insee ne donnent pas le même montant de prélèvements obligatoires car le champ retenu pour mesurer les recettes fiscales diffère légèrement entre les deux institutions.

[2] À ce sujet, il est possible de relire le mémo éco n°130 intitulé « Aides publiques aux entreprises : le capitalisme français de plus en plus sous perfusion » et le mémo éco n°145 intitulé « Aides publiques aux entreprises : le capitalisme français toujours autant sous perfusion ».  

[3] https://www.alternatives-economiques.fr/anne-laure-delatte/surtaxees-entreprises-francaises-vraiment/00106987

[4] Les pays auxquels Anne-Laure Delatte compare la France sont : l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, l’Italie, le Royaume-Uni et la Suède. Pour faire ce choix, elle a retenu deux critères : appartenir comme la France au groupe des pays les plus riches de l’UE ; ne pas être un paradis fiscal.

[5] https://www.alternatives-economiques.fr/bernard-arnault-a-t-raison-de-se-plaindre-de-taxation-grandes-entrepri/00114010

[6] C’est la stratégie du « starve the beast » qui, en français, signifie « affamer la bête ». Nous l’avions présenté dans le mémo éco n°135 intitulé « Baisse de 10 milliards des dépenses publiques : vers un nouveau retour à la rigueur ? ».

 

Sources : Pôle économique CGT

 

 

 

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