Fabien Roussel : « Relisez-vous, monsieur Bayrou ! »
La France a besoin d’un choc d’investissement puissant pour reconquérir son appareil productif, pour produire des richesses, pour être moins dépendante des importations, qu’elles viennent des États-Unis ou d’Asie, et relever le défi climatique par la décarbonation, pour gagner la bataille de l’énergie, de l’acier, du logement, pour répondre aux attentes des Français avec des services publics qui fonctionnent.
Monsieur Bayrou, libérez l’argent ! Il faut oser. Ancien commissaire au Plan, vous aviez esquissé un début de réponse dans un rapport publié en 2021 et intitulé « Face à la dette Covid, une stratégie de reconquête ». C’est vous-même qui m’avez suggéré de le lire. Dans ce rapport, vous annonciez
« une révolution non bruyante », avec, je vous cite, « un plan, sur trois ou quatre années, qui ne devrait pas mobiliser moins de 450 à 600 milliards d’euros », « sous forme de prêt à taux 0 % » pour « reconquérir notre appareil productif ». Vous proposiez à l’État « de partager avec les Français une stratégie responsable : d’abord reconstruire, et après rembourser ». Chiche !
Ce serait un premier pas pour faire face à la guerre économique terrible qui se mène actuellement. Cela implique que l’État et les salariés reprennent la main sur l’appareil productif, les choix stratégiques des entreprises, le secteur bancaire et les principales richesses de la nation. Ne laissons plus les grands groupes jouer contre la France et les Français.es en menaçant des sites ou des filières stratégiques.
Dressons un plan ambitieux autour de la France des bâtisseurs pour financer nos barrages hydrauliques, nos centrales nucléaires, nos voies ferrées, nos infrastructures portuaires, routières, nos ponts, nos fleuves. Il faut gagner la bataille de l’énergie et vite. Plutôt que d’acheter du GNL américain, produisons plus de nucléaire, électrifions les usages et divisons par quatre la facture d’énergie des entreprises comme des ménages. L’Allemagne, sous une autre forme, lance un plan de 500 milliards d’euros d’investissement sur dix ans et la France regarde ses pieds.
Nous ne rembourserons pas la dette par des économies mais, comme vous l’écriviez, par la production de beaucoup plus de richesses. Il y a 6 000 milliards d’euros de dépôts bancaires dans les banques françaises et 1 300 milliards d’euros dans le pôle public bancaire constitué de la Caisse des dépôts, de la BPI et de la Banque postale. Cet argent, c’est le nôtre ! Ces investissements doivent servir notre avenir industriel comme celui de nos services publics. Il y a là des gisements d’emplois immenses et c’est la condition pour retrouver une République forte, solidaire, luttant contre les inégalités, redonnant du sourire et de la fierté au peuple.
Investir dans nos services publics, ce n’est pas un coût, c’est la richesse de demain. Former des soudeurs, des mécanos, des ingénieurs, des data scientistes, permettre aux artistes de vivre et de créer pour libérer les imaginaires, c’est croire dans celles et ceux qui vont bâtir la France, aujourd’hui et demain. Quand la nation est fragilisée, il faut pouvoir compter sur son peuple.
Faites-lui confiance et répondez à ses attentes plutôt que de lui infliger de nouvelles souffrances ! Monsieur Bayrou, il y a un chemin à emprunter pour redresser la France qui ne passe pas par des souffrances de plus, des économies de plus, mais qui, au contraire, permet de la projeter vers des Jours heureux. Osez !
Fabien Roussel Tribune publiée dans l'Humanité