Budget : Sébastien Lecornu renonce au 49.3, la gauche doit se méfier de la manoeuvre
Le Premier ministre Sébastien Lecornu a promis, ce vendredi 3 octobre, qu’il ne passera pas en force le budget 2026. Dans l’espoir, d’abord, de ne pas être censuré dans la foulée de son discours de politique générale, prévu la semaine prochaine. Il appelle les oppositions au débat, sans prévoir de compromis avec la gauche.
Ce vendredi, le Premier ministre a annoncé renoncer à l'utilisation de l'article 49.3 de la Constitution pour faire passer le budget. « Un outil utile, mais plutôt imaginé pour contraindre sa propre majorité. » « Or, on ne peut pas contraindre son opposition », a-t-il ajouté. Il accède ainsi en tout cas à une demande du Parti socialiste. Un pari très risqué.
« Renoncer à l'article 49.3 ne doit pas nous faire renoncer à ce que la France ait un budget au 31 décembre, c'est donc sur la base de cette nouvelle méthode, de cette rupture, que le gouvernement déporte encore davantage le pouvoir à l'Assemblée nationale et au Sénat, que je vais pouvoir continuer les discussions », a expliqué le 1er ministre, suggérant que des « compromis » devront être trouvés à l'Assemblée, « avant la séance, pendant la séance ».
Mais il a pris le soin de tracer des lignes rouges. Il n’y a donc pas rupture sur le fond. La copie de Lecornu ressemble comme deux gouttes d’eau à celle de Bayrou. La fameuse année blanche est toujours présente comme les 2,3 milliards d’économies sur les franchises médicales, le gel des prestations sociales à hauteur de 2,5 milliards. Il exclut la réforme des retraites et la taxe Zucman. la mise à mal des services publics est toujours présente. Il propose juste une "taxe sur le patrimoine financier" et une mesure pour le pouvoir d'achat sans parler des retraites et des pensions qu'il est pourtant urgent de revaloriser comme l'ont rappelé les 2 millions de manifestants lors des trois journées d'action des 10 et 18 septembre et du 2 octobre.
Les partis de gauche qu'il a reçu dans la journée, ont tenu un discours identique en sortant de chez le 1er ministre : il est flou et il n'annonce rien de clair ! Le PS dénonce une « copie très insuffisante », voire « alarmante ».
Le troc, abandon du 40-3 contre l'abandon de la Censure par les oppositions mais pour construire un budget à l'identique de celui de Bayrou, est un troc misérable et manoeuvrier. Les macronistes avaient pris, la veille, le soin de laisser deux vices présidences à l'Extrême droite à l'Assemblée, en contre-partie les députés RN ont fait élire tous les présidents macronistes à la tête des commission de l'Assemblée exceptée celle des finances que garde La France Insoumise.
Les partis de gauche et LIOT ont ainsi perdu la tête de trois commissions suite à ce deal entre les soutiens du gouvernement et le parti d’extrême droite pour les postes clés à l’Assemblée. Dans ce deal honteux, il y a certainement aussi l'engagement du RN de ne pas voter de Censure et d'aider à faire passer un budget 2026 insupportable.
Les forces de gauche (PCF et PS) et les écologistes se disent déçus de leur rencontre avec Lecornu notamment sur le contenu du budget. Si le renoncement au 49-3 peut être considéré comme une avancée conduisant à trouver un peu raide une censure à priori du gouvernement, cela n'empêche que les députés seront confrontés à la volonté de Lecornu et de Macron d'imposer un budget d'austérité. Dans ces conditions le parlement et les députés de gauche auront un boulot très difficile notamment pour trouver des compromis permettant aux lois d'être adoptées. D'autant plus difficile que le gouvernement pourra bénéficier des voix du RN acquise avec le deal passé entre eux !
D’autres outils restent entre les mains du gouvernement pour orienter les débats budgétaires à sa convenance. L’article 40 qui permet de rendre irrecevables des propositions. L’article 44-3 sur le vote bloqué permet à l’exécutif d’écarter certains amendements au moment de mettre au vote un article de loi, et même la possibilité « si le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de 70 jours » de mettre en oeuvre ce budget par voie d’ordonnance.
Sébastien Lecornu présentera en début de semaine, sa déclaration de politique générale. Nous pourrons vérifier alors qu’il ne veut pas d'un vote sur la réforme des retraites. Il appartiendra alors au députés communistes de se positionner, comme le feront les trois autres groupes de gauche.
Enfin, ne soyons pas aveugles. Durant des semaines, le RN n’a cessé de pousser des cris d’orfraie pour exiger une dissolution. Et puis, silence ! Et pour cause hier, avec le soutien du RN, le socle commun récupère toutes les commissions excepté les finances. Qui peut jurer qu’un pacte n’ait pas été passé avec le bloc central pour faire voter un budget avec l’abstention des députés du RN.
Ne soyons pas dupes du jeu qui semble se jouer entre la droite et l’extrême droite, rendant une copie d’un budget encore plus injuste que celui présenté par Bayrou et heureusement censuré.