Intervention de Frédéric Boccara au CN du PCF du 11 octobre

Publié le par Les communistes de Pierre Bénite

1) Il faut partir de la gravité de la situation, mais un peu différemment. Il y a bien évidemment la gravité politique de la situation. Mais la question principale, c’est que l’austérité abime le pays, l’enfonce dans les difficultés, a pour perspective une austérité renforcée par la suite.

 

2) Les dominants ont très peur de la mobilisation populaire, sur des alternatives. Car il y a eu une mobilisation assez exceptionnelle, comme jamais depuis longtemps, les 10 puis 18 septembre. Et, lorsque nous argumentons, nous voyons qu’il y a une attention nouvelle, un potentiel pour saisir noter argumentation de fond.

Même le patronat s’est divisé ! Après que Patrick Martin ait annoncé au nom du Medef une manifestation, l’U2P s’en est désolidarisée, en expliquant en substance : nous voulons bien contribuer au développement du pays, mais il y a un problème avec les grandes multinationales.

Puis, quelques jours après, même la CPME, allié longtemps indéfectible du Medef, s’est désolidarisée. Voyons bien l’ambivalence de la situation. Y compris, les prises de position d’une Mathilde Lemoine, cheffe économiste de la banque E. Rothschild, en faveur d’un franc accroissement des dépenses d’éducation et de santé plutôt que d’armement !

Il y a là une concession importante, voire un élément de convergence, comme à d’autres moments de notre histoire. Bien sûr, elle poursuit en disant : les marchés financiers peuvent financer cela, et là nous divergeons. Mais quand même !

 

3) Un des problèmes, c’est que nous développons bien trop peu notre argumentation. Il n’y a certes plus le même « effacement » du sigle du PCF et de ses premiers visages dans les médias. Mais il y a un effacement de nos idées. Et nous ne nous employons pas, ou bien trop peu, à le combler. Alors que ce devrait être notre obsession, tout particulièrement comme direction nationale. Nous restons à la remorque des idées dominantes… qui ne font pas le poids et emmènent dans des impasses.

Le narratif dominant, c’est de prétendre qu’il faut avant tout « combler un trou » et chercher qui punir. Alors qu’il faut avant tout développer le pays et le faire tout autrement. C’est en « faisant tout autrement », qu’on va effectivement forcer certains à changer de comportement, mais ce n’est qu’un moyen. Le cœur, c’est de développer le pays, et donc les capacités des femmes et des hommes qui l’habitent (formation, santé, tous les services publics, protection sociale, emploi, salaires, autre type d’investissement des entreprises), ces femmes et ces hommes qui contribuent, ou pourraient contribuer, au développement sain, ou assaini du pays.

C’est comme cela que nous « avalerons » la dette. Ce qui a toujours été fait, mais dans des conditions différentes aujourd’hui (globalisation et révolution informationnelle). Et donc, pour cela il faut dépenser plus et autrement. Il faut donc des avances, mais hors des mains du capital, des marchés financiers et de sa logique. C’est cela le débat de fond.

Ce n’est ni de dire qu’il faut baisser les dépenses, « mais pas trop », ni de prétendre que la principale cause du déficit ce serait les baisses d’impôts. Elles y contribuent certes, mais pour 20 Md€ par an (sur un déficit supérieur aujourd’hui à 150 Md€). Les deux autres causes sont bien plus importantes : les prélèvements par le capital sur le budget (66 Md€ d’intérêts de la dette) et l’orientation des dépenses qui ne développent pas le pays, donc pas la base de création de richesses qui est l’assiette des prélèvements.

Dans ces dépenses mal orientée (sous pression du capital et des marchés), il y a deux composantes : l’insuffisance pour les services publics (surtout l’énorme insuffisance de recrutements et de formation) et les dépenses envers les entreprises, dont tout particulièrement les milliers de milliards de la BCE sans conditions ou les 211 Md€ d’aides publiques avec des conditions perverses, telles les exonérations de cotisations sociales, ces dernières ayant été très « efficaces » pour faire de la France un pays de bas salaires.

Même la Cour des comptes vient de s’inquiéter du fait que le projet de budget pourrait précipiter la venue d’une récession, donc de moindres rentrées fiscales et un déficit accru.

 

4) Alors, je disais « qu’ils » sont inquiets. Evidemment, ils le sont. D’autant qu’il y a d’une part le rôle de la France dans l’UE et dans le monde ― si la France faisait autre chose, ce serait un séisme politique ― et il y a d’autre part leur crise du taux de profit, qui a été brusquement accélérée… par l’enflure même du stock de capital auquel la masse de profit, qui croît moins vite, est rapportée pour en évaluer le rendement.

Ils ont donc engagé, depuis la pandémie, une recherche vers un changement de régime politique, un tâtonnement pour dépasser cette 5ème république, qui vient précisément de la crise de 1956-58 (de même que l’UE). Là aussi nous pouvons répondre : l’enjeu n’est pas seulement le rôle du Parlement mais aussi de pouvoirs décentralisés, des citoyens et des travailleurs.es sur l’utilisation de l’argent ― public, privé et des banques ― dans les entreprises et dans les territoires.

 

5) Deuxième fer au feu des dominants le danger néo-fasciste. Il est vraiment palpable cette fois-ci. Il permet de dévoyer la colère populaire et fait monter les divisions dans le pays. IL est vraiment aux portes du pays, même je ne suis pas sûr que le grand capital ait, dans son ensemble, fait complètement son choix.

 

6) Je n’ai pas l’habitude de dramatiser. Mais, alors que faisons-nous ? Allons-nous entrer dans un jeu de divisions à gauche, l’alimenter, et finalement conforter cette idée des « deux gauches irréconciliables » ? Mais ce serait ouvrir encore plus un espace au « centre », faux nez de la droite et allié du grand capital. Alors qu’il s’agit d’affirmer la gauche, toute la gauche, pour fermer cet espace au centre.

Nous devons prendre des initiatives. Nous devons nous situer dans la filiation du parti de M. Thorez qui a répondu « Front populaire » incluant non seulement la SFIO, mais aussi les « modérés », c’est-à-dire le parti Radical. Ne reproduisons pas ce qui a été fait par le parti communiste de l’Allemagne des années 1930, refusant à toute force l’alliance de toute la gauche.

 

7) C’est pourquoi, nous ne pouvons pas abandonner la réaffirmation qu’un premier Ministre de gauche doit être nommé. Et qu’il y a une base de fond pour cela : l’accord programmatique du NFP.

Tout particulièrement sa partie économique, qui va plus loin que l’accord « général ». A partir de la réaffirmation de tout l’arc de la gauche (de LFI au PS), il s’agit de reporter la « charge de la preuve » sur les modérés en leur disant : « vous vous dites réalistes ? Mais c’est cela qui est réaliste. Alors que faites-vous ? ».

Si au contraire nous restions en quasi tête à tête avec le PS, non seulement nous divisons la gauche, mais nous risquons de nous faire emmener sur une ligne « guerrière », sous la pression de Place publique, comme le souhaitent E. Macron et S. Lecornu.

Je rappelle que notre Conférence nationale de décembre dernier, les communistes s’est prononcée à 43% pour l’amendement que j’ai porté en faveur d’une « nouvelle étape du NFP » qui expliquait : nouvelle conception de l’union, approfondissement du programme et « reset » de toute la partie accord électoral des législatives qui était inique… et inefficace.

Si c’était ainsi en Conférence nationale, c’est bien plus dans les tréfonds du parti. D’où les inquiétudes et désarroi des camarades devant les atermoiements, revirements, etc. IL faut mettre cela sur la table.

 

8) Il faut des gestes d’unité large. Des initiatives publiques en ce sens.

On ne peut pas renoncer au nom d’un « réalisme » sous entendant « l’union large n’est pas possible, les autres ne sont pas d’accord ». D’ailleurs la déclaration du CEN lundi soir était plus équilibrée que les interventions médiatiques de mardi entendant privilégier le PS.

En fait, pour sortir de cette « politicaillerie » délétère, il faudrait un « Appel au peuple de France et aux forces de gauche, sociales, associatives », plutôt qu’une résolution. Au peu peuple : on ne peut pas faire sans vous, d’ailleurs c’est vous qui avez imposé le NFP et avez eu le ressort d’un sursaut impressionnant, et inattendu, contre l’extrême-droite aux législatives de juillet 2025. Aux forces : tout l’arc doit se rencontrer, et nous devons débattre, dire publiquement quelles sont les convergences, les problèmes les enjeux. Mais ceci, en vue d’un accord de fond, du type « nouvelle étape du NFP ».

Néanmoins, je ferai des amendements à la résolution proposée, qui ne me convient pas.

9) Enfin, un meeting est annoncé par Fabien. Pourquoi pas. Plutôt que de viser de l’agitation médiatique, il doit avant tout traiter le fond du sujet du budget, pour le mettre dans les mains du peuple et des forces sociales ou politiques, pour éclairer et nourrir l’intervention populaire sur des contenus.

Ayons une autre conception de la politique, prenons au sérieux « les gens », ce peuple français … capable de grandes choses.


 


 

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