Clarté sur les candidats aux élections départementales des 22 et 29 mars
Publié le par Regard
Guerre de chiffres pour les départementales
Le nombre réel de candidats étiquetés communistes ou Front de gauche qui se présentent aux élections départementales a fait l’objet d’une controverse entre le PCF et Libération. Allons voir les chiffres de plus près afin de tirer cette querelle au clair.
Le mardi 3 mars, Pierre Laurent déclare sur les antennes de BFM-TV et de RMC : « Nous présentons en France autant de candidats que les grands partis, autant de candidats que le Front national. Or, chacun peut le constater, l’inégalité de traitement est manifeste ». Le surlendemain, Libération affirme au contraire que « Pierre Laurent décuple les candidats communistes ».
À l’appui du quotidien, les chiffres publiés le 17 février par le ministère de l’Intérieur, relayés quelques jours plutôt par l’Institut Harris-Interactive et par l’IFOP. Selon ces études, le total des candidatures étiquetées "communistes" et "Front de gauche" se présenterait dans 60 % des cantons, contre 70 % pour les candidatures communistes en 2011.
Comment s’y retrouver ? Les statistiques officielles sont toujours aléatoires quand il s’agit d’élections locales, pour lesquelles les intitulés de candidatures ne recoupent pas toujours les étiquetages nationaux. Par exemple, en 2008, le ministère de l’Intérieur comptabilisait 592 maires communistes alors qu’un décompte plus fin donnait un chiffre réel compris entre 724 et 740, soit un écart de quelque 20%. L’imprécision tient en fait à deux phénomènes : la difficulté à enregistrer les systèmes d’alliances locaux et, plus encore, l’importance des étiquetages incertains, en "divers droite" ou "divers gauche". Le fichier des candidatures produit par l’Intérieur enregistre ainsi 814 binômes classés "divers gauche" et 707 "divers droite", soit un total de 1.521, autant que le PS et l’UMP.
Pour approcher de la réalité, on dispose donc aujourd’hui de deux sources : le fichier officiel du ministère de l’Intérieur et un ensemble de statistiques rassemblées par la direction nationale du PCF, à partir d’une remontée de chiffres provenant des fédérations communistes départementales. Les chiffres disponibles portent sur les 1996 cantons métropolitains ; ils sont les suivants.
Sur les 1.515 binômes recensés par la direction du Parti communiste, on trouve au moins une candidature étiquetée PCF dans près de 84% des cas ; au total, sur les 3026 candidatures concernant le Front de gauche, 63% sont le fait de communistes. Les "non encartés" divers sont présents dans un tiers des binômes et forment 18 % des candidatures. Le PG quant à lui est présent dans un peu plus de 10% des binômes, soit 6,7% des candidatures. Le reste des candidatures (autour de 10%) se partage entre les autres composantes du Front de gauche, les Verts et, de façon moindre encore, quelques socialistes.
Sous réserve de vérifications plus fines, les données détaillées fournies par les fédérations communistes semblent fiables. Par rapport à 2011, elles suggèrent un certain tassement de la présence territoriale : en 2011, le Front de gauche était présent dans 83 % des circonscriptions (76% en 2015), dont près de 70% pour le seul PCF. Mais la couverture géographique est plus large qu’en 2008 (65,2% pour les candidatures PC).
Le chiffre global de 1515 binômes [1] rapproche le total des candidatures présentées par les formations du Front de gauche de celles proposées par le PS et ses candidatures dites "d’Union de la gauche" (1.553 soit 77,8% des cantons) et par l’UMP et ses candidats "d’Union de la droite" (1.575 soit 78,9 % des cantons). Il est sans grande surprise très au-dessous du total de candidatures FN (1897) et de son taux de couverture cantonale (95%). Le parti de Marine Le Pen bénéficie de ce point de vue de la dynamique qui joue pour l’instant en sa faveur et… d’un isolement dans le système politique qui restreint son immersion dans des alliances à droite.
Dans l’ensemble, à la différence des municipales, le regroupement du Front de gauche a plutôt bien fonctionné : le total des cantons où le FDG est dispersé semble se situer au-dessous des 10% des cantons métropolitains. Sur cet ensemble, l’alliance entre le PCF et le PS ne porte que sur 2,5% des binômes (les candidatures de socialistes ne représentant que 1,3% du total). En revanche, une alliance des Verts avec tout ou partie du FDG s’est constituée dans 190 cas (12,5%).
Les 22 et 29 mars en diront bien sûr davantage. Trois données seront particulièrement suivies.
1. Le pourcentage d’abstention.
Le tableau ci-après rappelle les pourcentages lors des élections passées.
Après avoir faibli, des débuts de la Ve république jusqu’au début des années 1980, le taux d’abstention augmente depuis, les élections de 2011 étant solidement en tête avec près de 56 % d’abstentionnistes.
2. Le score du Front de gauche sera comparé à celui du total PC-PG de 2011 (8,9 % des exprimés) et à celui du PCF en 2008 (8,8 %). Le tableau ci-après donne des éléments nationaux en plus longue durée [cliquez ici pour accéder à l’image en plus grand format].
À la veille de l’élection, le Front de gauche détient 237 sièges de conseillers généraux, dont 223 sont classés communistes et apparentés.
3. Pour ce qui concerne le Front national, on scrutera bien sûr son résultat national et le nombre de cantons où il sera présent en second tour. En 2008, des candidats du FN ne sont présents que dans moins de 2% des cantons en ballotage, mais dans 28% en 2011. Qu’en sera-t-il le 29 mars prochain ?
Notes
[1] Les chiffres du PCF n’indiquent pas les cas (au demeurant très rares) ou des binômes incluant des formations du Front de gauche sont en concurrence. Par prudence, on parle donc ici de binômes et non de cantons.