. La logique comptable va détruire l'Hôpital et l'emploi public !

Publié le par Front

Photo d'un bloc opératoire dans un hôpital parisien

Photo d'un bloc opératoire dans un hôpital parisien

«Libération» a eu accès à un texte confidentiel qui prévoit des économies drastiques, des coupes dans les effectifs, et accroît la centralisation. Telle est l'introduction d'un article de Libération.

C’est un document à usage confidentiel. Il répond au nom de «Kit de déploiement régional du plan Ondam à destination des ARS». C’est un plan opérationnel sur trois ans, distribué le mois dernier aux directeurs des agences régionales de santé (ARS), avec mention explicite : «diffusion restreinte».

La semaine dernière, le magazine Challenges avait fait état d’une version de ce document qui aurait été débattu avec la ministre de la Santé, Marisol Touraine.

En tout cas, voilà un plan global décliné en 69 pages, comportant une succession de tableaux et d’indicateurs, avec un seul objectif : 10 milliards d’économie à l’horizon 2017. Et, dans ce lot, la part des restrictions pour l’hôpital tourne autour de 3 milliards d’euros.

L’hôpital devra se serrer la ceinture et réduire ses effectifs

Un bouleversement à venir ? Assurément. En France, il y a en effet beaucoup d’hôpitaux et ils coûtent cher, droit à la santé oblige. L’hôpital représente 45% des dépenses de santé. Avec près de 3 00o établissements et en moyenne 6 lits pour 1 000 habitants, les besoins ne sont pourtant pas totalement couverts. Ces hôpitaux sont parfois mal localisés : trop pour les soins de courte durée, pas assez pour les handicapés et les personnes âgées selon le document remis aux ARS. Et ils seraient trop nombreux dans les grandes villes comme Paris, Lyon ou Marseille. Là où pourtant sont concentrées la grande masse des populations urbaines.

Voilà à quoi veut s'attaquer le ministère de la santé pour faire des économies, visant à réduire les dépenses publiques conformément  aux orientations du gouvernement Valls et aux diktats de l'Europe libérale.

Mais voilà, est-ce que ce «kit» du ministère de la Santé pour des coupes dragstiques dans les hôpitaux est un bon choix politique, social et éconmique ? La méthode peut être discutable mais c'est le fond des questions qu'il faut traiter : où va t-on avec une telle orientation ?

«Des économies ? C’est possible», réagit Gérard Vincent, délégué général de la Fédération hospitalière de France. Mais ce responsable, qui rassemble la totalité des hôpitaux de France élève aussitôt le ton : «On a le sentiment d’un double langage. La ministre nous avait promis que ce serait à chaque région, à chaque établissement de s’adapter. Et, là, on voit la technostructure du ministère qui prend le pouvoir.» Et d’enfoncer le clou : «Avec ce plan, on assiste à l’étatisation rampante du système hospitalier. Où est la ministre ?»

Pour agir sur la masse budgétaire des hôpitaux qui est l'obbjectif premier, les pouvoirs publics ont un levier fort : l’Ondam hospitalier (objectif national de dépenses de l’assurance maladie), qui fixe d’une année à l’autre l’augmentation des budgets des hôpitaux. Selon le document, si rien n’est fait, le budget des hôpitaux augmentera automatiquement de 2,9%, et cela en particulier avec les hausses automatiques de salaires. Là, l’objectif fixé est clair : en 2015, l’Ondam sera de 2,1% en 2015, de 2% en 2016 et de 1,9% en 2017.

En conséquence, les budgets des hôpitaux vont baisser fortement de plusieurs centaines de millions d’euros. «Si les hôpitaux ne veulent pas augmenter leur déficit, ils doivent faire des économies. Et le premier poste, ce sont les salaires, la masse salariale représentant 65% des charges des établissements de santé, donc de l’emploi», explique sans faux-fuyant un ancien directeur des hôpitaux.

Pourtant tout le monde sait que l'emploi public est la condition de la qualité du Service Public. Cela est vrai avec les hôpitaux, avec les transports, dans l'énergie ou avec les collectivités territopriales. Continuer à penser en terme de coûts à réduire, nous entraine droit dans le mur!

Et on arrive à la question sensible de l’emploi. Le chiffre de 22 000 postes supprimés a été évoqué pour les 3 années à venir dans les hôpitaux. Mais, voilà, le gouvernement ne veut pas assumer. Mercredi, la ministre de la Santé a assuré à l’Assemblée nationale que son plan de 3 milliards d’euros d’économies pour les hôpitaux d’ici à 2017 n’avait pas vocation à «baisser les effectifs hospitaliers». Le document qui s'est procuré Libération semble dire l'inverse : c'est pire que ce qu'on pensait!

Quand on regarde le détail du «kit», c’est clair : il est prévu 860 millions d’économies sur la masse salariale pour 2015-2017. Afin d’y arriver, il est proposé tout un ensemble d’indicateurs et de pistes, comme : «la mise à plat des protocoles ARTT, le réexamen des avantages extrastatutaires ou non conventionnels, l’optimisation des dépenses de personnel médical, la réduction des coûts liés à l’intérim médical». Les bonnes pratiques sont détaillées : «mettre en place des maquettes organisationnelles par unités en fonction de leur taille et procéder à une harmonisation au sein de l’établissement».

C'est donc un abaissement considérable du social, une diminution des effectifs avec pour conséquences une dégradation des conditions de travail des personnels hospitaliers et de la qualité des soins nécessaire pour recouvrer une bonne santé dans un minimum de temps!

L’avenir, c’est l’ambulatoire

Autre axe central de ces économies, la montée en puissance de l’ambulatoire. C’est devenu un refrain ; les hôpitaux de demain ne doivent plus être des lieux de séjour, le patient ne faisant plus que passer. C'est bien la qualité des soins et l'accompagnement des patients qui sont visés par le plan.

La mise en musique de la montée en puissance de l’ambulatoire dans ce plan est purement statistique, sans la moindre référence au coût, ni à l’intérêt en termes de santé publique. Des études indiquent, par exemple, que l’ambulatoire peut engendrer des inégalités d’accès aux soins. Qu’importe, un seul objectif est affiché : économiser un milliard en 3 ans. Et des chiffres : «52,1% en 2015, 54,2% en 2016, 57% en 2017».

8 blocs et 23 actions

Le plan se décline en 8 blocs, avec 23 actions. Certes des questions peuvent se poser, comme celle concernant la pertinence des actes médicaux. Pourquoi certaines régions font 2 fois plus de césariennes que d’autres ? Et pourquoi il y a-t-il des variations sensibles en chirurgie cardiaque ? Mais de là affirmer que :«La réduction du nombre d’actes non pertinents est un enjeu fort», souligne le document est tout simplement irresponsable d'autant que pour atteindre l'objectif d'une économie de 140 millions d’euros, dont 50 millions sur les actes hospitaliers, rien dans le document ne figure pour y arriver.

Une action forte est prévue, ensuite, sur les médicaments, avec la montée en puissance des génériques et, surtout, «une maîtrise médicalisée de médicaments de spécialités» : ces derniers sont des médicaments chers - comme on l’a vu encore récemment avec celui contre le virus de l’hépatite C (45 000 euros, le traitement sur un mois). Comment limiter les prescriptions sans ouvrir la voie à une médecine à plusieurs vitesses ? Pas de réponse. Là encore, juste un objectif économique à atteindre. Rien n'est dit concernant la maîtrise de l'industrie phamarceutique et notamment les prix pratiqués !

Autres économies : des actions sur le transport sanitaire. Et enfin ce qu’ils appellent les GHT, les groupes hospitaliers de territoire, qui visent à regrouper sur un même territoire des hôpitaux. Objectif : 400 millions d’euros d’économies.

D’aucuns voient dans le «kit» un plan désespérément technocratique, sans le moindre volet sanitaire. C'est un plan comptable dont les conséquences vont être graves qui est animé par une seule logique réduire à tout prix les dépenses hospitalières qui va entrainer des dégâts sociaux importants dans les hôpitaux et les territoires et un affaissement de la qualité des réponses apportées aux besoins de santé des populations.

Sources Libération

Publié dans Politique nationale

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