Le 26 avril : un cheminot sur deux en grève contre la casse de leur statut !

Publié le par Front de Gauche de Pierre Bénite

Le 26 avril : un cheminot sur deux en grève contre la casse de leur statut !

Plus d’un cheminot sur deux était en grève hier, à l’appel de l’ensemble des syndicats. Ils entendent peser sur les négociations en cours redéfinissant l’aménagement de leur temps de travail.

Une nouvelle mobilisation est prévue le 10 mai prochain.

Les drapeaux syndicaux de la CGT, de l’Unsa, de la CFDT et de SUD rail flottent au loin. À la gare de Nantes, les usagers ont déserté, mais les cheminots sont rassemblés, unis et déterminés. La grève est ici, comme partout en France, « bien suivie », explique Aurélien Hamon, secrétaire général départemental de la CGT cheminots.

En tout, sur le plan national, plus d’un cheminot sur deux a cessé le travail, une mobilisation équivalente à celle du 9 mars dernier. Hier, les cheminots n’ont pas défendu de prétendus « privilèges ». Ils se battent pour conserver – voire améliorer – les règles qui organisent leur temps de travail, et donc qui garantissent la sécurité de tous les usagers. L’ensemble de ces normes, répondant au doux matricule de RH 0077, établissent les temps de travail, de repos et d’astreintes des cheminots de la SNCF.

Suite à la réforme ferroviaire votée le 4 août 2014, ces règles doivent être renégociées. Le gouvernement et le patronat du rail (dont la direction de la SNCF) y voient une opportunité pour améliorer la productivité des cheminots afin de préparer « l’ouverture à la concurrence du trafic voyageurs », alerte Aurélien Hamon. Or, concernant la SNCF, cette « dérogation (propre au service public – NDLR) est nécessaire pour pouvoir faire rouler les trains 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, et les compensations sont justes », poursuit le syndicaliste. D’autant que, pour les syndicats, il s’agit de sortir de cette négociation avec une convention collective de « haut niveau social », reprenant « les grandes lignes du RH 0077 pour l’ensemble des entreprises publiques et privées de la branche ferroviaire », développe Aurélien Hamon.

Des journées de 8 heures de travail sans coupure

Kevin, lui, est conducteur de train. Chaque semaine, il reçoit son plan de roulement, organisé autour de journées « simples » de 8 heures de travail sans coupure et exceptionnellement de 11 heures avec une coupure d’une heure. S’ajoutent à cela les journées « hors résidence », lorsque le cheminot ne rentre pas chez lui le soir, auxquelles est associé un temps de repos de 9 heures, entre la fin de la journée et la reprise du service le lendemain. « Calculez ! lance-t-il. Une fois le repas, la douche, le temps de décompresser pour réussir à s’endormir, les nuits sont courtes. Et le lendemain tu peux enchaîner avec une journée de 8 heures sans coupure en embauchant à 4 heures du matin… »

« C’est parfois très compliqué de rester concentrée », avoue sa collègue de la CFDT, Julie Couffin. Avec le décret-socle proposé par le gouvernement dans le cadre des négociations, « tous les taquets seront étendus, explique Kevin. Les 8 heures sans coupure passent à 9 heures et le maximum avec coupure à 12 heures ». « Nous avons un boulot à responsabilité, ce sont des personnes que nous transportons. On nous demande de nous reposer, d’être vigilants, d’avoir une hygiène de vie correcte mais en pratique ils nous empêchent de mettre cela en œuvre », déplore le conducteur.

Nicolas Bazille est agent de gare et pour lui le gouvernement et le patronat de la branche « veulent mettre en place un accord de compétitivité. Le décret-socle, c’est 22 jours de RTT en moins. Quel salarié accepterait de travailler 22 jours gratuitement ? » interroge le syndicaliste.

Libéralisation, flexibilité et productivité objectifs du gouvernement

Manuel Valls a confirmé hier le triptyque destructeur sur lequel le gouvernement repose sa politique en matière de transports ferroviaires. « Le renouveau du ferroviaire que chacun appelle ... c'est la négociation en cours sur le cadre social du secteur ferroviaire ».

Pourtant, les cheminots n’ont pas à rougir des efforts effectués depuis de nombreuses années. « Depuis 2007, la productivité du travail à la SNCF a progressé de 30 % », reprend Aurélien Hamon. En parallèle, « l’État a versé 400 millions d’euros de crédit d’impôt compétitivité emploi en 2014 et 2015. Mais les embauches n’ont pas été au rendez-vous et, cet été, 250 trains ont été supprimés ou remplacés par des cars ou des bus ».

Alors qu’une nouvelle journée de négociations avait lieu hier sur l’aménagement du temps de travail des cheminots, partout en France, les assemblées générales se sont multipliées, certaines, comme à Nantes, en intersyndicales, d’autres non. Mais quelles que soient les formes d’actions choisies, c’est l’exaspération qui domine. « Nous avons usé de tous les moyens de négociation possibles. Comme rien n’évolue, nous sommes partis dans un mouvement nécessaire afin d’obtenir un rapport de forces important », explique le secrétaire adjoint de la CFDT cheminots des Pays de la Loire, Christian Guilloteau. Il se dit prêt à poursuivre le mouvement « si les négociations n’avancent pas », ne fermant pas la porte à une grève reconductible.

« Étudiants solidaires des cheminots en grève »

La question des suites à donner au mouvement a émaillé les discussions en assemblées générales. « Il va bien falloir durcir le mouvement si on veut être entendu et que le patronat change de braquet », explique Béranger Cernon, secrétaire du syndicat CGT des cheminots de la gare de Lyon.

Hier, suite à une réunion des syndiqués CGT de son secteur, il est parti en direction de la gare d’Austerlitz, rejoindre, en cortège, mégaphone à la main, les grévistes de l’autre côté de la Seine. Sur place, l’assemblée générale touche à sa fin. Au milieu des cheminots, CGT et SUD rail pour l’immense majorité, une pancarte tendue vers le ciel attire l’œil. On peut y lire : « Étudiants solidaire des cheminots en grève ».

Ils sont une petite centaine venue des universités parisiennes prêter main-forte à la lutte cheminote. « Actuellement, le contexte est à la convergence des luttes et après être allés soutenir les salariés de la RATP, nous sommes ici aujourd’hui pour soutenir les cheminots », explique Milena, doctorante en sciences politiques à Paris-VIII.

Pour elle, « il faut remettre en question tout le management moderne et se battre pour les conditions de vie et de travail de tous les salariés ».

En fin de matinée, un cortège de 250 cheminots et étudiants traverse la gare d’Austerlitz, fumigènes à la main et drapeaux sur l’épaule. Direction gare de Lyon. « Il faut faire en sorte que les gares parisiennes impulsent un vrai mouvement », confie un gréviste.

Le prochain rendez-vous est fixé au 10 mai pour une nouvelle journée d’action massive, préviennent les cheminots.

Article de l'Huamnité du 27 arvil

Publié dans Luttes sociales

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