Mumia Abu Jamal va fêter ses 70 ans en prison : pourquoi il faut libérer le plus ancien prisonnier politique de la planète

Publié le par Les communistes de Pierre Bénite

Mumia Abu Jamal va fêter ses 70 ans en prison : pourquoi il faut libérer le plus ancien prisonnier politique de la planète

 

Le journaliste et militant des Black Panthers, condamné par racisme pour un crime qu’il n’a pas commis, célèbre derrière les barreaux ses 70 ans, ce 24 avril. L’enfer carcéral qu’il subit depuis quarante-deux ans est un comble d’injustice, et une tache de plus en plus grossière sur la face d’un système judiciaire et démocratique nord-américain en crise.

 

Embastillé depuis 42 ans, Mumia Abu-Jamal fête ce 24 avril ses 70 ans, déterminé à poursuivre son combat pour la liberté. Devenu le plus vieux et le plus ancien prisonnier politique de la planète, il continue de se battre, de hurler son innocence d’un crime qu’il n’a pas commis et d’exercer, contre vents et marées, sa profession de journaliste par l’écriture ou sur les ondes d’une radio.

 

Les lecteurs de l’Humanité connaissent bien cette dignité hors pair qui l’a conduit à ne jamais se laisser définitivement écraser. Du fond de sa cellule, il poursuit la lutte, confronté à tout un système dont on mesure aujourd’hui même, à la faveur de la profonde crise qui touche la démocratie états-unienne, combien il est imprégné d’un atavisme raciste et suprémaciste blanc.

 

« Faire frire le nègre »

 

Le militant révolutionnaire de la première heure qui adhéra au parti des Blacks Panthers à l’âge de 15 ans est toujours là, malgré ce qu’aucun être humain ne peut imaginer : le quotidien de toute une vie passée derrière les barreaux. Mumia ne pliera pas. Mais son incarcération a des effets de plus en plus préoccupants sur son état de santé. Il y a urgence à le sortir de prison pour qu’il puisse bénéficier d’un traitement à la hauteur des multiples infections dont il souffre. L’administration états-unienne refuse.

 

Le très influent Ordre fraternel de la police, cette association de policiers fascisants et xénophobes que l’on retrouve dans le soutien à tous les meurtres commis contre des Noirs, ces dernières décennies, s’est juré de le voir terminer ses jours en prison. Soit à décréter une nouvelle condamnation à mort, mais plus terrible encore puisqu’elle revient à le faire périr à petit feu sous les coups de la maltraitance carcérale

 

C’est dire l’urgence de la mobilisation de tous les soutiens du militant et du journaliste aux États-Unis et à l’étranger. « Sans la mobilisation internationale, Mumia n’aurait aucun espoir de sortir de cet enfer », souligne Jacky Hortaut, du collectif français « Libérons Mumia ! », qui appelle à un rassemblement à Paris1, ce mercredi 24 avril, à l’occasion du 70e anniversaire du prisonnier.

 

Le lendemain, une délégation française, dont fait partie le sénateur communiste Ian Brossat, lui rendra visite dans la prison de Mahanoy à Philadelphie.

 

L’acharnement de l’appareil administratif et judiciaire contre Mumia Abu-Jamal a commencé il y a plus de quarante-deux ans, en décembre 1981. Il a alors 28 ans. Il sillonne les rues de Philadelphie, la nuit, comme chauffeur de taxi pour arrondir les maigres revenus tirés de son activité de journaliste engagé qui intervient sur les ondes d’une radio locale.

 

Il est le témoin d’une intervention policière musclée qui vise son jeune frère. Il se précipite, descend de voiture. Une fusillade éclate. Un policier, Daniel Faulkner, est abattu. Mumia reçoit une balle dans le ventre.

 

Arrêté, le journaliste sera l’objet d’un procès inique. Le juge Sabo, qui prend la direction des opérations, est un membre de l’Ordre fraternel de la police, évoqué plus haut. Il déclarera en coulisse : « Je vais les aider à faire frire le nègre. » En violation même des règles constitutionnelles, le jury est composé de Blancs en quasi-totalité, alors que plus de 50 % d’Africains-Américains habitent à Philadelphie.

 

Un procès expéditif pour la voix des sans-voix

 

Aux yeux de la justice américaine, Mumia souffre d’un terrible passif. Militant du parti des Black Panthers, il fustige dans de multiples reportages sociaux l’oppression patronale et dénonce le sort des populations noires, reléguées dans des quartiers accablés par la misère. Ce parti pris va lui valoir d’être considéré par nombre des membres de la communauté noire comme « la voix des sans-voix ». Mais il a aussi pour conséquence de le placer dans le collimateur de l’administration, fiché par le FBI et la CIA.

 

Dans la fusillade où il se trouve mêlé, Mumia fait figure de coupable idéal. « Ce n’est pas un procès mais un lynchage », relève l’universitaire française Claude Guillaumaud-Pujol 2Mumia sera condamné à la peine capitale, le 4 juillet 1982. Il séjournera alors pendant trente ans dans le couloir de la mort.

Mais ce procès expéditif, qui bafoue les normes les plus élémentaires de justice, suscite une énorme émotion de par le monde. Amnesty International, la commission des Droits de l’homme de l’ONU, le Parlement européen et de nombreuses personnalités du monde entier font part de leur réprobation

 

La solidarité révolutionnaire avec le militant des Black Panthers en proie à la plus terrible des répressions croise alors le combat de tous les « abolitionnistes » qui refusent que la mort puisse sanctionner un déni de justice.

 

Un phénomène d’incarcération de masse

 

Cela n’empêche pas le gouverneur de Pennsylvanie de demander, en 1995, après l’échec de multiples recours, la mise à mort du condamné. Seule une amplification considérable du mouvement de soutien dans le monde sauvera Mumia de l’exécution programmée.

 

Cette traversée du couloir de la mort se prolongera néanmoins jusqu’en 2011. L’équipe d’avocats du prisonnier réussit alors à obtenir, après une longue bataille judiciaire, la commutation de la peine en prison à perpétuité.

 

Le journaliste ne baissera jamais les bras et usera de la seule arme à sa disposition : l’écriture, et quelques prises de son, pour prendre lui-même la tête du combat mondial qu’il a déclenché. Il parvient à rédiger plusieurs livres sur le phénomène d’incarcération de masse et les enseignements qu’il en tire sur les terribles évolutions de la société états-unienne. Son ouvrage témoignage, écrit alors qu’il se trouve dans le couloir de la mort 3, sera diffusé très largement dans le monde et jusque dans la bibliothèque de son ultime prison, à la demande de ses codétenus.

 

Il y a un peu plus d’un an, en dépit des preuves accablantes de la partialité volontaire du juge et du procureur lors du jugement de 1982, le prisonnier politique et ses défenseurs ont été déboutés de leur demande d’un nouveau procès. 

 

Mumia, dont la santé est devenue très chancelante, doit être libéré. Il faut faire grandir cette exigence comme jamais.

 

Bruno Odent  Article publié dans l'Humanité

 

  1. Le rassemblement est prévu à 18 heures, place de la République, à Paris, ce 24 avril ↩︎
  2. Spécialiste des États-Unis, elle est l’autrice d’un livre biographique intitulé : Mumia Abu-Jamal, combattant de la liberté (le Temps des cerises). ↩︎
  3. Mumia Abu-Jamal, En direct du couloir de la mort, la Découverte, Paris, 2003, 238 pages, 9,50 euros. ↩︎
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