Agriculture: le projet de loi Fesneau favorable aux spéculateurs

Publié le par Les communistes de Pierre Bénite

À partir du 13 mai, les députés, puis les sénateurs, vont examiner un projet de loi présenté par le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire. Mais, en dépit des insuffisances de deux lois Egalim votées en 2018 et 2021 en vue d’assurer une juste rémunération des agriculteurs, le texte du gouvernement ne prévoit rien pour que les prix agricoles évoluent en tenant compte des coûts de production.

 

Selon Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire, l’examen du « Projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture » débutera le 30 avril en commission. Le vrai débat débutera chez les députés « le 13 mai en séance à l’Assemblée nationale, avec un votre avant la fin du mois, puis un examen la deuxième quinzaine de juin au Sénat ». C’est du moins ce qu’affirmait le ministre dans un entretien accordé à l’hebdomadaire « La France Agricole » du 5 avril.

 

L'hebdomadaire pointait « les neuf mesures phares de ce texte et les présentait comme suit:

« 1. L’agriculture comme intérêt général majeur de la Nation. 2. Augmenter le nombre de formés dans l’enseignement agricole. 3. Préserver le maillage vétérinaire. 4. Créer le guichet unique France service agriculture.5. Créer des groupements fonciers agricoles d’investissement. 6. Adapter l’échelle des peines (pour les sanctions liées aux atteintes à l’environnement, ndlr). 7. Simplifier la réglementation sur les haies. 8. Accélérer les décisions liées aux contentieux. 9. Adapter la responsabilité pénale des propriétaires de chiens de troupeaux ».

 

Le ministre occulte la baisse du revenu des paysans

 

« Comment peut-on définir votre loi d’orientation? » ont demandé deux journalistes de La France Agricole à Marc Fesneau.

 

« C’est le temps qui dira comment les gens l’auront vécue. J’espère, comme une grande loi de restauration de la confiance sur la souveraineté, les outils de la simplification et de la formation pour conserver cette dernière et pour servir une cause: le renouvellement des générations dans un contexte de changement climatique. Le sujet c’est la souveraineté, et la souveraineté, c’est notamment l’installation et la simplification. J’aimerais qu’on en dise ça », a répondu le ministre.

 

Marc Fesneau a occulté l’évolution des prix agricoles et du revenu des paysans dans le cadre de cet entretien. Est-ce parce qu’il n’ose rien promettre sur le sujet pourtant le plus attendu par les paysans ?

 

En page 8, dans le même hebdomadaire, on pouvait lire le commentaire d’un dénommé Nicolas Pinchon fondateur d’une structure d’observation des marchés qui se nomme « Veille au grain ». Il affirmait que

 

« le marché connaît un regain d’incertitudes: géopolitiques avec les conflits en mer Noire, et climatiques, alors qu’arrive une période clé de l’élaboration du rendement et des semis de différentes cultures dans le monde. Ce contexte pousse les fonds à solder leurs positions pour en tirer profit et à progressivement acheter des lots sur les marchés. C’est un facteur de soutien qui, en cas d’élément haussier d’envergure, participe d’autant plus à l’accélération des cours et à leur volatilité ».

 

Des spéculateurs à l’affût sur la récolte céréalière de 2024

 

Lire ce commentaire entre les lignes permet de comprendre que les spéculateurs – après avoir spéculé à la baisse depuis l’été 2023 , suite à une récolte céréalière mondiale très abondante- aimeraient spéculer à la hausse pour peu que la récolte mondiale de 2024 ne couvre pas les besoins. Le fondateur de « Veille au grain » observe une croissance en volume des achats de blé sur Euronext et exprime ses souhaits en ces termes:

 

« A la veille du printemps et des risques climatiques pour la prochaine récolte, avec des cours au plus bas depuis quatre ans, les éléments baissiers sont de moins en moins importants. C’est un déclencheur de sorties des fonds, qu’on constate depuis un mois. Il en est de même pour le colza. Les cours ont bondi de 40 euros la tonne en l’espace de trois semaines, et ont été soutenus par les fonds dont les positions vendeuses étaient extrêmement importantes ».

 

Vendre la tonne de colza pour 440€ quand on l’a achetée 400€ quelques mois plus tôt donne une marge confortable au spéculateur. Mais le céréalier qui l’a produite pour la vendre moins 400€ a perdu de l’argent. Il en va de même quand il vend la tonne de blé à moins 190€ et le maïs à moins de 170€ depuis des mois contre 250€ pour le blé et 240€ pour le maïs au printemps 2023.

 

Selon « La Coopération Agricole Métiers du grain » les importations européennes de maïs sont en recul de 38% par rapport à l’en dernier à la même époque et atteignent 13, 2 millions de tonnes dont 8,8 millions de tonnes en provenance d’Ukraine et 2,8 millions de tonne en provenance du Brésil.

 

Trois syndicats interpellent le président Macron

 

Ces sont ces importations sans droits de douanes qui ont maintenu des prix bas en France, l’un des rares pays membres de l’Union européenne demeurant exportateur net de céréales. C’est aussi l’influence pénalisante de importations européennes de produits agricoles sur les prix payés aux paysans des pays membres de l’Union que le ministre Marc Fesneau omet de prendre en compte dans son projet de loi.

 

Dans un courrier commun adressé au président Macron, la Confédération paysanne, la Coordination rurale et le MODEF constatent que la rémunération des paysans n’apparait pas dans « les engagements déclinés par le gouvernement ces derniers jours ».

 

Selon eux, abandonner ce sujet central à la seule évaluation des lois Egalim est un comportement insuffisant, trop incertain et trop lent ». Ils demandent donc la mise en place d’outils de régulation des marchés dont « la gestion des volumes, le stockage public, l’encadrement des marges de l’agro-industrie et de la grande distribution».

 

La balle est dans le camp des parlementaires

 

On sait aussi que les distributeurs importent massivement des produits alimentaires prêts à consommer via les centrales d’achat européennes que Leclerc et d’autres ont mis place depuis le vote des lois Egalim. Voilà pourquoi les trois syndicats estiment que des prix minimum fixé publiquement devront s’appliquer à ces produits importés « pour neutraliser la concurrence déloyale, tant sur le plan social qu’environnemental ».

 

Il est souhaitable qu’une majorité de députés et de sénateurs choisissent de légiférer pour répondre à ces attentes.

 

Tribune publiée dans l'Humanité

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