L'appel à changer l'Europe par Patrick Le Hyaric

Publié le par Patrick Le Hyaric

A demonstrator rises his hand reading the word ''No'' as a Greek flag waves during a rally organized by supporters of the No vote in Athens, Friday, July 3, 2015. A new opinion poll shows a dead heat in Greece's referendum campaign with just two days to go before Sunday's vote on whether Greeks should accept more austerity in return for bailout loans. (AP Photo/Petros Giannakouris)/XTS181/346019185476/1507032125

Les grecs ont déjoué tous les pièges et les chantages. Ils ont refusé l’humiliation. La fameuse missive rayée de rouge par les institutions européennes a été retournée à ses correcteurs qui, avec leurs airs supérieurs, pensaient pouvoir traiter ce grand peuple avec dédain.

Les citoyennes et citoyens grecs donnent une belle leçon de courage et de démocratie. Il faut les respecter. Leur non ne s’adresse pas à la construction européenne ni à la monnaie commune. Il est un vibrant appel à négocier vraiment, à changer les méthodes et la nature de la construction européenne. Négocier un autre programme que celui de l’austérité et des reculs sociaux.

Alexis Tsipras vient avec son pays de produire pour tous les européens un acte salutaire. Sortir de la doxa austéritaire et relancer son pays affaibli, laminé, exsangue par les six années précédentes, tel est désormais son mandat clair de négociation.

Ce grand peuple qui a inventé la démocratie et qui a dû résister à de multiples occupations, des perses aux nazis, refuse une nouvelle « domination – occupation »,   celle des puissances financières et de leur mandataires politiques. Respecter son vote ne saurait se traduire par le rejet d’un pays qui a fait entendre sa souffrance dans les urnes. Il est d’ailleurs curieux d’entendre les mêmes qui ont glosé sur « l’Europe solidaire »,  entonné le refrain de « l’Europe unie », se dire aujourd’hui prêts à jeter la Grèce hors de l’Union européenne ou de l’Euro. Quelle duplicité !

La solidarité ne vaudrait-elle que pour sauver les banques et les fonds financiers ?! A-t-on songé un seul instant à la place de la Grèce en Europe ? Elle se trouve face à un Moyen-Orient s’enfonçant dans le chaos, à une Turquie en ébullition. Elle est située au cœur des Balkans où la paix est si fragile ! A-t-on pensé un instant au rôle de la Grèce qui, comme l’Italie, accueille une part importante des migrants qui entrent en Europe ?

Une autre orientation s’impose donc dans l’intérêt de la construction européenne dans l’intérêt de la justice et de l’efficacité. Il faut cesser d’asphyxier ce pays mais aussi les autres pays européens en allégeant leurs dettes. Tous les économistes, de nombreuses institutions, déclarent désormais qu’il n’y a pas d’avenir sans une restructuration substantielle de la dette, dont il faut rappeler qu’elle ne date pas de ces cinq derniers mois.

On nous dit que si cet effort est fourni pour la Grèce il faudrait le faire aussi pour d’autre pays comme l’Espagne, le Portugal, l’Italie, voire l’Irlande et même la France. C’est une évidence puisque tous appartiennent à la même communauté, l’Union européenne qui, à l’origine, a été inventée pour cela ! Voila pourquoi une conférence européenne sur les dettes doit être maintenant convoquée. La France pourrait en être l’initiatrice.

La Banque centrale européenne a émis 1 200 milliards d’euros. Autant de moyens pour un nouveau plan de relance européen efficace, s’inscrivant dans un nouveau mode de développement humain et écologique. C’est en ce sens qu’un fond dit de développement devrait être créé pour absorber une partie des dettes des pays, afin de leur donner un ballon d’oxygène.

La Grèce est devenue la pointe avancée de la violente crise qui secoue l’Union européenne. Celle-ci signe sans doute la fin d’une illusion : celle de la démocratie dans une Europe solidaire.

Comme jamais sans doute est apparue au grand jour la collusion des milieux d’affaires, des dirigeants européens et de la grande presse qui veulent imposer coûte que coûte l’arrogante loi de l’argent. Avec plus de netteté, chacun a pu constater que prédominaient les choix politiques décidés à Berlin sans que notre gouvernement tente de les contrecarrer alors que François Hollande avait en 2012, lui aussi, reçu des électeurs le mandat clair de réorienter la construction européenne.

Dimanche soir dernier, tous ressemblaient à une poule qui aurait découvert un couteau. Les habitants d’un petit pays venaient, par leur courage et leur détermination, de créer un rapport de forces plus favorable aux aspirations populaires, en Grèce et dans le reste du continent. Plus favorable à ce que s’ouvre enfin en Europe le grand débat public sur la nature de la construction européenne conçue soit au service de la finance, soit pour répondre aux attentes et espoirs des populations qui la composent.

 A nous tous d’aider désormais les citoyens à prendre leur destin en main.

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