André CHASSAIGNE est pour un Parti Communiste à l'offensive et utile
A quelques semaines du congrès du PCF, le président du groupe à l'Assemblée nationale défend « Le Manifeste », arrivé en tête des consultations internes et qui est devenue ainsi le texte commun à tous les communistes.
"En choisissant de façon inédite un texte d'orientation des discussions pour leur congrès autre que celui proposé par la direction sortante, les adhérents du Parti communiste français (PCF) ont démontré un grand sens du -débat démocratique et une volonté de changement de cap.
Dans nombre d'organisations, un tel événement aurait pu conduire à la division et à l'éclatement. Or, c'est tout le contraire qui se passe aujourd'hui. Si beaucoup d'observateurs de la vie politique privilégient une approche des débats internes aux partis centrée sur les batailles de personnes, la force des militants communistes est de se concentrer non sur des postures, mais sur le contenu des orientations en discussion dans le processus de préparation de leur congrès. Les semaines passées à -débattre témoignent d'une grande vitalité de notre parti. C'est pour nous une vraie fierté.
Par-delà les choix sur chacun des textes, le message envoyé par l'immense majorité des communistes est d'être utiles pour changer demain la vie des Françaises et des Français après les échecs successifs de leur parti. Et nous avons pleinement conscience qu'il nous faut pour cela rester rassemblés, en travaillant collectivement sur notre orientation stratégique, les contenus de notre projet, notre fonctionnement et les moyens de notre -activité militante. Car à l'heure où tant de scientifiques et d'intellectuels contestent les logiques du capitalisme mondialisé au regard de leurs effets réels sur la planète et sur l'humanité, les apports de l'analyse marxiste connaissent un renouveau certain dans le débat public, avec une attente grandissante : que le PCF reprenne toute sa place dans la construction d'alternatives politiques concrètes.
Pour cela, il nous faut rejeter toutes les formes d'autocensure qui nous ont longtemps paralysés, voire contraints à nous percevoir seulement comme force d'accompagnement d'autres formations ou dynamiques politiques à gauche. C'est une réalité, les propositions novatrices du PCF ne sont aujourd'hui plus « lisibles » pour une large partie de nos concitoyens.
Des citoyens ainsi enfermés soit dans une vision néolibérale de la société et du monde, corsetés dans le moule de la concurrence du tous contre tous, soit poussés vers l'emprise des nationalismes populistes, qui deviennent de fait les alliés idéologiques des tenants du système en place.
Démocratie active
Le cœur de la réflexion des communistes d'aujourd'hui, face aux échecs du néolibéralisme, face à la crise de la social-démocratie qui a failli en conciliant avec le capital, face à tous les replis nationalistes, c'est d'être force de construction pour affronter les défis de ce XXIe siècle. Cette exigence est renforcée par l'annonce d'un nouvel épisode de la crise systémique, bien plus fort que celui de 2008-2009, et par l'aggravation de la crise écologique, résultant de la dictature féroce du capital et de son bras armé, les marchés financiers.
Face à ces enjeux, notre responsabilité de communistes est de faire vivre réellement la nécessité de profondes révolutions dans toute perspective progressiste. Elle est aussi de contribuer à l'indispensable renouvellement de la gauche et de ses idées, qui exige de rompre avec le vieux carcan des rapports sociaux capitalistes de production et de consommation. Il faut par exemple porter avec force et détermination la lutte -contre le coût exorbitant du capital, en s'attaquant dès à présent aux marchés financiers et aux modes de gestion des entreprises. Cela passe par la réorientation de l'argent créé par la Banque centrale européenne et les banques.
Il s'agit de mettre l'immense puissance de ces institutions, c'est-à-dire leur capacité de création monétaire, au service du développement humain. Mais il est aussi question de l'utilisation de l'argent des entreprises, comme celui de l'Etat, avec une grande réforme de la fiscalité, afin de lutter efficacement contre l'évasion fiscale et son corollaire, les paradis fiscaux. Pour imposer une autre logique que la dictature du taux de profit, source des gâchis sociaux et environnementaux colossaux que la -société commence seulement à mesurer, il faut que les citoyens et les travailleurs puissent prendre de nouveaux pouvoirs dans les institutions, depuis le niveau local jusqu'au niveau européen.
Nous défendons dans le même temps le développement des services publics comme moyen de répondre aux besoins sociaux des populations et comme opportunité pour une vraie efficacité sociale et environnementale. La démocratie active de demain ne peut se concevoir qu'avec la création de nouvelles institutions placées sous le contrôle des populations, avec des salariés dans les entreprises et des citoyens dans la cité disposant de nouveaux moyens d'intervention et de décision dans les choix de gestion.
Pour nous, la lutte exigeante -contre toutes les dominations et discriminations, souvent classée dans la catégorie de combat « sociétal », est en réalité étroitement liée à la -façon de considérer l'être humain. Tout l'objet de l'exploitation capitaliste, et de l'idéologie qui l'accompagne, est de faire de l'humain une simple valeur « marchande » autour du culte de la « performance » individuelle. Les communistes font au contraire le choix de l'émancipation humaine comme objectif central du développement de la société.
Nous pensons qu'il y a urgence à retrouver un rayonnement pour notre projet politique, pour sa capacité réelle à faire face au capital.
Nous souhaitons disposer à nouveau d'un Parti communiste opérationnel, en phase avec les défis du XXIe siècle. Un parti rassemblant largement en son sein, et capable de créer, par les actions de terrain et l'unité populaire, les conditions d'un ressaisissement à gauche, jusqu'à un rassemblement des forces qui la composent sur des objectifs précis de transformation sociale.
Un parti à l'offensive, utile, pour une gauche qui change réellement la vie et le monde : tel sera le PCF du XXIe siècle."
André Chassaigne
Le Monde du 25 octobre 2018