Commémoration du 50e anniversaire de la mort de Salvador Allende par Thierry Doulaud

Publié le par Les communistes de Pierre Bénite

« Nous ne pleurons pas Allende. Nous saluons sa vie et son programme. Nous célébrons son rêve d'un Chili pour tous. » Ces mots sont ceux de Daniel JADUE, maire communiste de Recoleta, une ville de 150 000 habitants proche de Santiago-du-Chili. Je fais miennes ces paroles.

 

Parce que ce 50e anniversaire de la mort de Salvador Allende, la mémoire suscite de vifs débats politiques aujourd'hui au Chili. À droite, il y a une tentative de tirer un trait sur l'histoire au prétexte que la mémoire diviserait le pays.

 

Pourtant, si Pinochet et sa junte ont été chassé du pouvoir en 1990, la société chilienne reste encore marquée par les 17 années de dictature qui s'est employée à détruire la gauche pour mieux imposer un capitalisme prédateur gravé dans le marbre d'une constitution toujours en vigueur.

 

En 1973, il y a donc 50 ans, lorsque le général Pinochet renversa le président Allende et son gouvernement, le Chili vivait depuis trois ans au rythme de réformes structurelles inédites. Le formidable élan de l'Unité Populaire, « la voie chilienne au socialisme », issue des élections de 1970 avait soulevé un immense espoir.

 

Progressistes, démocrates, révolutionnaires du monde entier ont vibré au rythme de cette révolution.

 

Et je peux en témoigner personnellement. J'avais 15 ans alors et je participais à ma première grève en solidarité avec le peuple Chilien et cet événement joua un rôle important dans ma décision quelques mois plus tard de m'engager aux côtés de la Jeunesse communiste.

 

L'onde de choc du coup d'état a été à la hauteur du rêve brisé et des horreurs qui ont suivi. Sévices jusqu'à la mort, exécutions sommaires, disparitions, exils forcés... les bourreaux assurés d'une impunité totale se sont chargé d'exterminer les opposants, en martyrisant les corps et les esprits.

 

Rien ne devait subsister de l'expérience de l'Unité Populaire, de sa soif de justice sociale, de son sens de l'égalité, de son désir de s'émanciper de la tutelle étrangère. Car cette « seconde indépendance » était une menace aux yeux de la droite, de l'oligarchie, des grands média et des Etats Unis.

 

Comme souvent en Amérique du sud – que Washington considère comme son pré carré – le gouvernement Nixon et son secrétaire d'Etat Kissinger, financeront à tour de bras la guerre économique et politique contre l'UP. Et la CIA fut – on le sait – directement impliquée dans le coup d'état.

 

C'est peu dire qu'ils en furent tous bien récompensés par le dictateur qui, avec le renfort des Chicago Boys de Milton Friedman, s'est attelé à instaurer in libéralisme échevelé en adéquation avec les intérêts US.

 

Je le disais il y a un instant, cet héritage est toujours là. C'est d'ailleurs cela qui a suscité la formidable rébellion sociale de 2019 et balayé le gouvernement de droite, laissant espérer une accélération dans la transition démocratique interminable de ces trois dernières décennies.

 

Mais l'arrivée d'une gauche issue des mouvements sociaux n'a pas pour autant réussi à penser les blessures. L'amnésie orchestrée jusque dans les manuels scolaires, la peur du rouge agitée par des média ultra concentrés et la tiédeur des réformes de l'exécutif offrent un boulevard à la droite et à l'extrême droite qui sont d'ailleurs majoritaires au sein de la nouvelle assemblée constituante et qui pourraient bien écrire un texte fondamental conforme aux canons autoritaires et ultralibéraux du capitalisme du XXIe siècle.

 

Car aujourd'hui, la survie du capitalisme repose aussi sur cette extrême droite. C'est vrai en Amérique du Sud où plusieurs expériences progressistes et populaires ont été victimes de coups d'état ou de tentatives de coup d'état. C'est le cas en ce moment au Pérou. Il y a quatre ans c'était en Bolivie... Mais c'est aussi vrai partout dans le monde où sévit l'impérialisme.

 

C'est pourquoi, commémorer la portée politique de ce que fut l'UP est sources d'enseignements pour aujourd'hui. C'est non seulement rendre hommage et justice à Salvador Allende, à Victor Jara, au communiste Pablo Neruda et aux plus de 30 000 torturés et 1100 disparus dont les familles cherchent encore les dépouilles. C'est aussi lutter avec lucidité contre la répétition du pire, à Santiago comme à Paris.

 

Pour terminer, je veux avoir une pensée pour mes camarades du PC Chilien qui viennent de perdre un de leurs dirigeants historiques en la personne de Guillermo Tellier, président du parti. Guillermo avait rejoint la jeunesse communiste en 1958. Emprisonné et torturés après le putch de Pinochet, il avait été libéré trois ans plus tard. Il avait alors participé à la direction clandestine du parti et joué un rôle dans la guérilla contre la dictature. Trois fois député après 2010 il avait pris la tête du PC en 2005.

 

Gabriel Boric, l'actuel président de gauche, a salué : « un camarade qui a lutté toute sa vie, un homme indispensable, un visionnaire qui a ouvert la voie aux femmes et aux nouvelles générations. »

 

Un deuil national a été déclaré.

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