Projet El Khomri : un pouvoir totalement isolé et condamné par les jeunes et les milieux populaires

Publié le par Front de Gauche de Pierre Bénite

Projet El Khomri : un pouvoir totalement isolé et condamné par les jeunes et les milieux populaires

A peine 18 % des Français soutiennent la réforme du Code du travail, selon un sondage Elabe pour « Les Echos » et l’Institut Montaigne.

Si certains estiment qu’il faut revoir la copie, d'autres, les plus nombreux, sont pour un rejet pur et simple. Comment est-on passé d’un unanimisme inventé par les médias cet automne sur l'idée de revoir le Code du travail à un rejet aussi massif par l’opinion, aujourd’hui, du projet de loi censé matérialiser cette réforme qui fait les beaux jours du capital contre le monde du travail ?

Selon le baromètre Elabe réalisé pour « Les Echos », Radio Classique et l’Institut Montaigne, près huit Français sur dix (81 %) considèrent que le texte ne peut rester en l’état. Il n’y a guère que 18 % des personnes interrogées qui soutiennent le projet tel qu'il a été dévoilé.

Pourquoi un tel revirement alors qu’il y a quelques mois seulement, les spécialistes du sujet et les thinks thanks de gauche comme de droite (Terra Nova, Institut Montaigne), de même que des personnalités comme Robert Badinter, se retrouvaient pour souligner l’urgence à réformer le Code du travail ?

Plusieurs éléments expliquent ce phénomène. D'une part on a eu droit depuis un an à un matraquage idéologique visant à faire accepter l'idée du besoin d'une réforme du code du travail. L'épaisseur de celui-ci, le rapport Combrexelle et l'utilisation de Badinter ont été fortement utilisés, mais rien ne filtrait sur les intentions réelles du pouvoir malgrè l'énorme mensonge mis en avant selon lequel faciliter les licenciements par les entreprises serait un facteur de création d'emplois. La ficelle était tellement grosse que personne ne pensait sérieusement que Valls et Macron traduiraient cette ineptie dans un projet de loi !

D'autre part quand le projet a été découvert avec les mesures détaillées du projet El Khomri dans lesquelles les gens peuvent se projeter, une montée de bouclier a immédiatement eu lieu chez les syndicats, les organisations de jeunes, chez les spécialistes du code du travail et dans les partis politiques notamment situés à gauche en particulier le parti communiste et de nombreux militants et adhérents socialistes. Immédiatement un groupe de citoyens a lancé une petition en ligne qui est en train d'atteindre le million de signatures.

Ensuite, le gouvernement acculé a cru bon de menacer les parlementaires opposés à ce dynamitage, de l'utilisation du 49/3 comme il l'avait fait avec la loi Macron qui porte déjà un coup sévère aux droits acquis et fait reculer le pays.

Un élément illustre parfaitement ce décalage entre l’acceptation d’un principe général découlant de la pression médiatique d’un côté et le voir se concrétiser tel qu'il est rédigé de l’autre. Ainsi, la mise à bas des 35 h, le travail des apprentis voire des enfants, la fixation du temps de travail par un accord d’entreprise sont quelques mesures les plus décriées du projet de loi comme l’assouplissement des licenciements économiques et le plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement jugé abusif.

Alors que la pétition prenait de l'ampleur, Martine Aubry avec d'autrers cadres du PS publiaient leur texte "Trop c'est trop" qui a conduit nombre de salariés, de non salariés et de citoyens à s'interresser de plus près au projet. Ils ont ainsi découvert que l'article 1 qui définit sa philosophie générale était inacceptable et rendait inamendable le projet.

Cela a amené les syndicats et les organisations de jeunes a demander son retrait définitif ! Comment accepter qu'un siècle de luttes, de débats parlementaires puisse être effacé d'un seul coup de crayon. En effet, alors que le principe fondateur du code du travail est de protéger les salariés de la tyrannie patronale et des alléas de la vie économique, le projet El Khomri-Valls-Macron veut que les salariés s'adaptent aux exigences des entreprises, à l'économie capitaliste, à sa crise. Pour cela il lève toutes les protections et donne toutes les libertés aux patrons. C'est le capital qui dirige tout, y compris l'état.

C'est un renversement philosophique, juridique et historique. C'est le retour au 19ème siècle. Loin d'être une modernité, c'est d'un archaïsme inqualifiable !

Lutte des classes oblige, le Medef et la droite sont montés aussitôt au créneau pour défendre le projet. Ils ont ainsi rendu un service inestimable aux promoteurs de la pétition ainsi qu'aux syndicats, car s'il y a une chose qui fonctionne bien dans notre société, c'est l'idée que si une réforme de la gauche rencontre l'approbation du capital et de la droite, c'est qu'elle n'est pas bonne du tout pour le monde du travail ! Cela a démultiplié l'envie d'aller voir de plus près et de se battre pour le retrait du projet !

Ces élements nous permettent de comprendre pourquoi ce sont les jeunes (18-24 ans) et les milieux populaires qui rejettent le plus massivement la réforme par peur d'une précarité accrue par rapport à celle qu’ils subissent déjà. Les cadres sont aussi très critiques (61 % veulent voir le projet totalement réécrit), par peur, cette fois, de se voir rejetés des emplois qu'ils occupent.

Devant de pareils éléments et chiffres, la bataille de l’opinion est bel et bien perdue pour l’exécutif. « Cela peut encore basculer en fonction des aménagements qui vont être consentis pour mieux équilibrer le texte, estime Bernard Sananès, mais si le recul est trop fort, l’exécutif en paiera aussi le prix fort quant à sa capacité réelle à réformer ».

Tout va donc se jouer maintenant dans la rue. Certes la CFDT reçue par Hollande s'est pliée aux injonctions du Président de la République, mais elle ne pèse que trop peu pour renverser la situation. Il reste le pourrissement et la violence chers à Manuel Valls. Mais en pratiquant de la sorte, il ne fera qu'accélérer la démolition de son image déjà bien mise à mal et entrainera un peu plus Macron et Hollande dans le déclin.

C'est donc bien la rue et les milliers de manifestants qui seront décisifs ! Le 9 mars, le 10 mars avec les retraités, la fonction publique le 26 mars, le 31 mars et d'autres mouvements à prévoir d'ici là et après. En mesurant que ces journées de mobilisation s'appuient sur une réelle montée des actions dans les entreprises et dans les branches : cheminots, énergie, fonction publique, hospitaliers, métallurgistes etc.

Cela ressemble de plus en plus aux jours qui ont précédé le mouvement de 1995 où Juppé et la droite y laissèrent leur chemise !

Publié dans Code du travail

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