Hôpital de Sainte Foy Lès Lyon : Jean-Claude Vaslet expert et militant communiste répond à nos questions

Publié le par Front de Gauche de Pierre Bénite

Hôpital de Sainte Foy Lès Lyon : Jean-Claude Vaslet expert et militant communiste répond à nos questions

 

Jean Claude Vaslet expert CHSCT et militant communiste qui connait bien l'hôpital de Sainte Foy lés Lyon a répondu à nos questions.

 

Vous avez pris connaissance de l'article du Progrès concernant l'hôpital de Sainte Foy lès Lyon dans le Rhône et notamment les pressions organisées par la direction de l'établissement pour pousser les salariés à travailler 12h. Qu'en pensez-vous?   

 

Jean-Claude Vaslet : Cet article du progrès reflète une nouvelle manifestation de la crise économique et sociale qui secoue les hôpitaux publics et plus largement tout le secteur sanitaire, social et médico-social. 

 

En effet, en manipulant des salariés particulièrement fragilisés par les politiques d’austérité, cette direction et la Présidente du Conseil de surveillance, Maire L.R de la ville, cherchent à légitimer leur refus d’appliquer les dispositions réglementaires en matière de temps de travail et les décisions de justices, notamment celle, datée du mois dernier, du Tribunal de Grande Instance de Lyon intimant à la direction l'obligation de ne pas mettre en oeuvre son projet.

 

Toutefois l’écho que peut rencontrer cette manipulation témoigne du niveau de dégradation des conditions de travail et d’emploi dans ce secteur, des aspirations à vivre mieux au travail et hors travail, qui ne trouvent actuellement aucun débouché par l’action syndicale et que l’alternative politique aux politiques d’austérité peine à se concrétiser. Dès lors, ce sont les solutions individuelles qui priment.

 

Travailler 12 heures comme le propose la direction pour gagner un peu en pouvoir d’achat avec un deuxième emploi, est-ce une solution pertinente et durable ?

Travailler 12 heures parce qu’on est jeune et qu’on estime pouvoir tenir le coup.  Mais que fait-on de ceux qui ne peuvent pas suivre ? Trop vieux ! Trop usés !

 

C'est un leurre qui vise uniquement à réduire l’emploi utile et qualifié, voire indispensable, par la recherche de nouveaux gains de productivité imposés aux agents.

 

Est-ce être solidaire que certains sur-travaillent, en soient épuisés et parfois en meurent, alors qu’un nombre grandissant souffrent et meurent d’être sans emploi ? Assurément non ! Et pourtant, ils sont plus de 6 millions dans cette situation comme le révèle la DARES !

 

Il semblerait que les salariés soient excédés par des conditions de travail devenues insupportables, à quoi et à qui revient la responsabilité d'une telle situation que les salariés ne supportent plus et qui a des conséquences sur les patients ?

 

J-C V : Bien entendu et ce phénomène est daté. Les ordonnances Raffarin de 2005, la loi HPST de Bachelot, puis la loi santé de Touraine ont méthodiquement organisé la destruction du service public hospitalier. 

 

Avec la destruction du Code du travail, c’est un des chantiers prioritaires des gouvernements pour la mise n’œuvre des politiques d’austérité. Parce qu’en détruisant le service public hospitalier, ils détruisent une Institution fondatrice de l’identité solidaire de notre pays telle que la sécurité sociale. C’est le projet de Monsieur Macron que de parachever ce qui est entrepris depuis plusieurs décennies et prendre un virage antisocial catastrophique qui risque de marquer le 21ème siècle. Cela ne se fait pas sans une casse sociale terrible. 

Les conditions de travail dans ce secteur sont devenues effroyables et je pèse mes mots. La phrase qui revient le plus souvent lorsque l’on interroge les hospitaliers est : « Je souffre de ne plus pouvoir faire non travail correctement. » Imaginons bien ce que cela veut dire pour une aide-soignante, une infirmière, un médecin.

La tentation, dans les conditions décrites précédemment, est forte de recherche de réponses individuelles. La fuite est aussi la réponse de certains agents qui abandonnent le métier, voire se suicident. D'autres baissent les bras. Pour se protéger, certains abandonnent leur « conscience professionnelle ». Ce qui ravit certains directeurs d’établissements qui disent « nous avons que faire de travailleurs, nous avons besoin d’employés ». 

Mesurons bien la portée d’une telle réflexion. Alors que le développement des technologies, la révolution informationnelle, la typologie des pathologies appellent à plus d’intelligence collective, de maîtrise démocratique, les orientations à courte vue de la ministre poussent à transformer les salariés en « robots humains », et les établissements en zone de non droit social.

 

Ne faut-il pas rompre avec ces logiques qui affaiblissent le service public, qui souvent ne répond plus à ses missions fondamentales, alors que les cliniques privées et les grands groupes financiers du secteur sont systématiquement sollicités et souvent au détriment de l'intérêt général ?

 

J-C V : Ce qui est recherché, c’est un travailleur docile, sans conscience ni de sa force, ni de sa place irremplaçable dans la société et dans l'organisation du travail. 

 

Ce qui est recherché, c’est le profit à court terme comme on le voit avec le déploiement des Groupements Hospitaliers de Territoires destinés à faire une place aux cliniques privés appartenant aux grands groupes financiers dominés par les fonds de pension. Alors qu’au contraire, les besoins des populations sont de plus en plus grands, les défis à relever sont de plus en plus nombreux, ce qui requiert une intelligence et une mobilisation collectives grandissantes.  

 

Pour relever ces défis, il faudrait sortir de la précarité économique et sociale, diminuer le temps de travail, augmenter les salaires, permettre aux salariés de se former et d'être les moteurs dans la découverte et la mise en œuvre de solutions répondant à ces défis.

 

Dans cet esprit, un service public modernisé, répond à ces critères. Contrairement aux entreprises de soins, soumises à l’exigence de rentabilité des actionnaires, le service public n’a pas cette contrainte. Avec le Service Public de Santé, plus de gâchis engendrés par le coût du capital privatisé. Dès lors, il a les moyens de libérer les énergies, de mobiliser les salariés pour œuvrer à l’intérêt général.

 

Oui mais le ministre du budget vient d'annoncer une nouvelle réduction des moyens pour les hôpitaux ? Qu'en pensez-vous ?

 

J-C V : Lorsque j’ai lu la lettre de cadrage du Ministère, qui prévoit de réaliser plusieurs milliards de ponction sur le budget de la sécu et de l’hôpital, c’est la colère qui l’a emporté.

 

Comment va se traduire cette décision ? Combien d’emplois en moins 20 000, 25 000 ? Combien de journées de travail à rallonge ? Combien de patients mal pris en charge ? On comprend mieux la jubilation du journal des milieux financier « les Echos » qui a titré : « les hôpitaux vont souffrir » !

 

Madame Agnès Buzyn n’est pas ministre de la santé. Elle est la ministre des laboratoires pharmaceutiques, des groupes financiers qui ont investi ce secteur, mais elle n’est assurément pas la ministre de la santé  

Quelles propositions font les communistes pour revaloriser le rôle et la place du service public de santé ?

J-C V: Nous avons un projet global en matière de santé et de protection sociale. Ce projet met l’Humain au centre de toute la construction. Il est aussi solidaire, parce que diviser les citoyens ne permet pas de répondre aux défis lancés par les forces du capitalisme financier international. 

Ce projet répond aux besoins de santé actuels, liés à la paupérisation de la population, sa précarisation économique, sociale, environnementale, son vieillissement, la place de plus en plus grande prise par des pathologies chroniques, le besoin d’éducation à la santé, de prévention. Nous partons de l’idée que toute personne quels que soient son âge, son sexe, la nature de ses besoins, doit bénéficier, en proximité, d’une prise en charge globale de qualité.

Les établissements du service public de santé modernisé et en premier lieu leurs responsables ont une préoccupation majeure : celle d’organiser cette prise en charge. Ils le font sous le contrôle d’une Chambre locale élue démocratiquement, composée de représentants des usagers, des patients, des élus locaux, des personnels hospitaliers, de l’organisme financeur. Il revient en effet aux populations, à leurs représentants locaux élus, aux représentants des personnels et des usagers de décider des capacités des Institutions du Service Public de Santé prenant en charge les patients. C’est un projet solidaire, humain.

Il revient à l’état de garantir que les prélèvements à la source des richesses produites dans le pays assurent le financement du Service Public de Santé.

Pour le faire vivre, le Service Public de Santé a besoin de salariés en nombre suffisants, bien formés et correctement rémunérés.

 

Les citoyens, les personnels, doivent prendre conscience de leur force collective. Cette ambition humaine et solidaire ne pourra se construire en dehors de leur rassemblement, de leur l’union autour de ces solutions durables et solidaires. Nous invitons les agents à prendre conscience de leur force collective !

 

Nous les invitons à se rassembler pour exiger l’adoption par le parlement d'une loi de sécurisation emploi/formation, comme le proposent les communistes permettant de contester l’absolutisme patronal et de mettre un terme à la précarité (plus de 50% de CDD à Sainte Foy lès Lyon), pour le développement du service public avec comme objectifs premiers à l'hôpital de Sainte Foy lès Lyon le retour aux 7H40 avec les embauches d’aides-soignantes et d’infirmières diplômées au statut pour faire tourner les plannings et supporter la charge de travail, la revalorisation des salaires, la mise en place d’un plan d’apurement de la précarité sur trois ans avec un plan de formation pour mettre fin aux glissements de tâches ASH/AS.

 

Enfin il y a des dispositions urgentes à prendre sur un plan général pour l'ensemble du secteur public hospitalier comme l'abrogation des lois Bachelot et Touraine, la remise en cause de la Tarification à l’activité (T2A), un moratoire sur les restructurations hospitalières, l’ouverture d’un grand chantier de rénovation et de développement des hôpitaux publics, financé par des prélèvements sur les dividendes (40 milliards versés en 2016) et avec des droits nouveaux afin que les salariés, les citoyens et leurs élus-es fassent prévaloir l'intérêt général.

 

C'est ainsi que nous faisons vivre concrètement notre orientation politique "L'humain d'abord" qui doit devenir le critère majeur de toute politique publique.

Publié dans Social

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