L’OCS, forum atypique et acteur international de poids  ! par Francis Wurtz

Publié le par Front de Gauche Pierre Bénite

La récente rencontre entre le président chinois, Xi Jinping, et son homologue russe, Vladimir Poutine, à Samarcande (Ouzbékistan), en marge du sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai, a braqué les projecteurs sur cette structure, l’OCS, toujours mal connue malgré ses plus de vingt ans d’existence et le poids de ses protagonistes.

 

Il est vrai que les caractéristiques originales de cette « organisation régionale de coopération sur la sécurité » sont de nature à désarçonner maints observateurs occidentaux, habitués au format classique d’une « alliance » politico-militaire comme l’Otan, à son « leadership » central et au « devoir sacré » de ses États membres. Rien de tel dans l’OCS, et c’est ce qui fait tout son intérêt.

 

Fondée en 2001 à l’initiative de la Chine, de la Russie et de quatre républiques d’Asie centrale ex-soviétiques (1), initialement pour lutter contre le terrorisme islamiste, l’extrémisme religieux, le séparatisme et le crime organisé, l’OCS n’a cessé depuis lors d’élargir ses missions (notamment vers la coopération dans les domaines économique, énergétique et des transports) et son assise.

 

Elle fut rejointe par l’Inde et le Pakistan en 2017, par… l’Iran en 2021, auxquels s’ajoutent des pays « observateurs » et autres « partenaires de discussion », comme la Turquie ou l’Arabie saoudite ! Si aucun de ces pays n’est connu pour être un parangon de vertu démocratique, le fait de pouvoir les réunir – y compris de traditionnels « frères ennemis » – illustre la force d’attraction de l’OCS, désormais plus grande organisation régionale du monde (3 milliards d’habitants, près d’un quart du territoire de la planète et du PIB mondial), et confère à celle-ci un pouvoir de coopération et de négociation impressionnant.

 

À cet égard, le caractère peu institutionnalisé de l’OCS s’est révélé être un atout, chaque partenaire conservant – par-delà les intérêts économiques, diplomatiques ou sécuritaires communs – sa pleine souveraineté. Significatives furent ainsi, lors du sommet de septembre de l’OCS, la réaffirmation de francs désaccords avec la guerre de Poutine en Ukraine, notamment de la part de l’Inde, et l’expression plus diplomatique de « questions » et d’« inquiétudes » de la Chine à propos de ce même conflit provoqué par Moscou.

 

Le choix du respect du pluralisme politique au sein de l’OCS fait que peuvent s’y côtoyer des États proches de la Chine ou de la Russie et certains autres qui ne rechignent pas à composer avec les États-Unis, leur double trait d’union étant leur refus unanime non de « l’Occident » en lui-même, mais de l’hégémonie occidentale, et la conscience de leurs convergences d’intérêt sur des points essentiels, qui n’excluent pas des divergences, voire des rivalités, sur d’autres aspects : aussi, les seules décisions au sein de l’OCS sont celles à même de faire consensus entre les membres.

 

Nous sommes loin d’un modèle de multilatéralisme, mais, dans le monde chaotique et impitoyable que nous subissons présentement, l’OCS devrait faire sérieusement réfléchir les idéologues occidentaux, qui ont la périlleuse propension à confondre leur monde avec le monde réel.

(1) Le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan.
Francis Wurtz  Article publié dans l'Humanité

Publié dans International, Asie

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