P. Martinez "Ce n’est pas de la faute de la CGT si Hollande est impopulaire"

Publié le par Front de Gauche de Pierre Bénite

P. Martinez "Ce n’est pas de la faute de la CGT si Hollande est impopulaire"

Interview à Paris Match du secrétaire général de la CGT

Malgré l’adoption de la loi Travail, le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez estime que le «grand perdant» de la séquence est le gouvernement. Et donne rendez-vous le 15 septembre pour une nouvelle journée de mobilisation.

Paris Match. Vous n'avez pas pu empêcher le vote de la loi Travail et le gouvernement n'a pas reculé. C'est un échec pour la CGT?

Philippe Martinez. Non. C'est davantage le gouvernement qui est le grand perdant. Selon un sondage (Ifop pour «Les Echos»), 71% des Français restent défavorables à la loi travail et 55% soutiennent le mouvement social. On a fait tout ce qu'on pouvait pour mobiliser contre les dangers de ce texte. On a d'ailleurs obtenu à la marge quelques reculs. Et grâce à ce mouvement, on a eu des avancées à la SNCF, pour les routiers et le maintien des emplois à la Direction de l'avion civile.

PM. Vous aviez annoncé des mobilisations pendant l'été et à la rentrée. Qu'en est-il?

P. Martinez. Nous avons mené quelques opérations péages gratuits. On va à la rencontre des travailleurs saisonniers et on distribue des tracts sur le Tour de France. L'intersyndicale se réunira à la fin du mois d'août et une journée de mobilisation est prévue le 15 septembre. La loi est peut être «adoptée», avec l’utilisation du 49.3, mais le problème demeure.

P.M. Rétrospectivement, vous avez perdu la bataille de l'opinion le jour des incidents à l'hôpital Necker?

P. Martinez. Non. Tout ce qui s'est passé en marge des manifs, nous l'avons condamné. L'opinion a fait la différence entre ceux qui manifestaient et ceux qui n'avaient rien à y faire. Malgré une campagne haineuse contre ce mouvement social inédit par sa longueur et son existence sous un gouvernement de gauche, nous avons toujours eu l'opinion de notre côté.

P.M. Haineuse?

P.Martinez. Oui, il y a eu une campagne de dénigrement de la part de Manuel Valls, Pierre Gattaz et certains éditorialistes. Le Premier ministre a quand même osé fustiger à l'Assemblée nationale la complicité entre les services d'ordre des syndicats et les casseurs. Quant à Gattaz, il nous a traité de terroristes. Ce n'est pas un mot anodin dans les circonstances actuelles! "Bientôt on dira que la pluie, c’est le faute de la CGT"

p;m; Votre durcissement visait à enrayer le déclin de la CGT face à la CFDT. Avez-vous atteint votre objectif?

P.Martinez. La CGT est le premier syndicat de France. On fera les comptes à la fin de l'année après les élections dans les comités d'entreprise. Pour l'heure, j'observe qu'on gagne du terrain à Schneider Electric, à Canal+… Pour le reste, la CGT n'est pas en compétition avec la CFDT. Elle n'a pas de position à géométrie variable. Sa ligne n'a pas changé. On a contesté un projet du gouvernement qui a privilégié un partenaire social. C'est son choix de ne pas avoir voulu écouter nos propositions.

P.M. Approuvez-vous les militants de la CGT qui ont perturbé la minute de silence au festival d'Avignon?

P.Martinez. Faux. La fédération spectacle a voulu participer à un débat du PS sur la culture et trois de nos camarades ont été empêchés de rentrer dans la salle. Ils ont observé la minute de silence dehors. Depuis six mois, le PS a une fâcheuse tendance à expliquer que tout ce qui se passe mal en France serait de la faute de la CGT! On nous a accusé de vouloir perturber l'Euro qui s'est en fait très bien passé. On a dit que nous n'étions pas solidaires des victimes des inondations. Bientôt on dira que la pluie c'est la faute de la CGT!

P.M. En 2012, la CGT avait appelé à voter pour François Hollande. Que ferez-vous en 2017?

P.Martinez. En 2012, c'était Nicolas Sarkozy le président de la République. Deux ans auparavant, le conflit sur les retraites avait laissé des traces. Pendant sa campagne, il faisait siffler la CGT dans tous ses meetings. Entre les deux tours, le secrétaire général à l’époque, Bernard Thibault, a appelé à battre Sarkozy. Nuance. Pour 2017, il n'y aura pas de consigne de vote.

P.M. Et si Marine Le Pen est au second tour?

P.Martinez. En 2002, nous avions appelé à voter contre son père. Personnellement, je proposerai aux instances l'idée de faire battre le Front national qui est un parti contre nos valeurs, notamment sur l’immigration.

P.M. Finalement, vous préférez que la droite soit au pouvoir?

P.Martinez. Non, on préférerait que le président Hollande fasse ce que le candidat Hollande avait promis. Ce n'est quand même pas la faute de la CGT si Hollande est impopulaire. C'est d'abord la sienne. Quand on vit dans un palais, faut pas seulement ouvrir les fenêtres, faut aller voir les gens! Quant à la droite, je vois dans les programmes de ses candidats avant tout des mesures antisociales. Je vois par exemple monsieur Juppé qui propose de repousser l'âge de départ à la retraite à 65 voire à 67 ans.

P.M. Quel sera votre prochain combat?

P.Martinez. Evidemment la loi Travail et les 32 heures. Ce sera l'une de nos propositions pendant le débat présidentiel. C'est une réponse concrète au chômage de masse.

P.M. C'est ni crédible, ni soutenable économiquement?

P.Martinez : A chaque période de l'Histoire, pour créer de l'emploi, on a réduit le temps de travail. Toutes les évolutions technologiques permettent aux entreprises de gagner de l'argent. Ça doit donc profiter aux salariés. Les syndicats allemands et espagnols y réfléchissent. Michel Rocard, dont on vient de faire l'éloge, y était favorable et personne ne l’a traité d'Hibernatus!

P.M. Comment faites-vous pour éviter l'entrisme de militants radicalisés par la religion?

P.Martinez. Le sujet est complexe. La société est malade. Elle a besoin de réponses sociales pour sortir des jeunes et des moins jeunes de l'emprise de mouvements religieux radicaux. Il y a besoin de rediscuter de la laïcité, de l'égalité entre les femmes et les hommes plutôt que de stigmatiser telle ou telle religion. A la CGT, nous en discutons avec certaines entreprises (RATP, SNCF…) et nous sommes vigilants sur le respect des femmes et les règles de vie communes. A ce jour, nous n'avons pas eu de cas à signaler.

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