Nous estimons nécessaire de désintoxiquer notre société de la finance, de l’argent facile, de l’argent qui corrompt

Publié le par Front de Gauche de Pierre Bénite

Nous estimons nécessaire de désintoxiquer notre société de la finance, de l’argent facile, de l’argent qui corrompt

Les projets de loi ordinaire et organique dont nous commençons l’examen ont pour objectif de répondre au ras le bol général de nos concitoyens à l’égard de certains comportements de femmes et d’hommes politiques, à l’égard des vases communicants entre fonctions électives ou ministérielles, fonction publique et postes et intérêts privés.

La dernière campagne électorale pour les élections présidentielles a porté à son sommet cette exaspération avec les affaires à tiroir d’un des candidats.

Ce grand déballage est intervenu comme l’aboutissement d’un parcours apportant régulièrement, trop régulièrement, son lot de révélations, défrayant la chronique : de l’organisation de la campagne d’un ancien Président à l’aveu sur une chaîne d’information, de la fuite de sa fortune sur des comptes en banque suisses pour un ministre des Finances.

Il faut se le dire, cette situation est insupportable pour nos concitoyennes et concitoyens, mais aussi pour la grande majorité des élus qui ont à cœur le débat politique et la défense de l’intérêt de leurs administrés.

Le nouveau Chef de l’État a annoncé très vite sa volonté de présenter un projet de loi sur la moralisation de la vie publique. Celui-ci est rapidement devenu un projet relatif à la confiance dans la vie démocratique, pour finalement viser à restaurer la confiance dans l’action publique.

Cette hésitation sémantique provient, à mon avis, d’une difficulté à délimiter le champ d’intervention du législateur. Quelle est la source de la perte de confiance, évidente, de la population dans ceux qui font la politique, gouvernement, élus, en particulier parlementaires ?

Comment ne pas constater que, déjà, le nouveau pouvoir fait face à un rejet dans l’opinion, rejet frappant des ordonnances qui s’attaquent au Code du Travail, alors qu’une victoire importante aux élections législatives aurait dû signifier une popularité inédite ?

De toute évidence, la raison de la perte de confiance ne provient pas que d’une vision désenchantée de l’exercice du pouvoir, mais plutôt d’un doute profond sur l’utilité du vote, pour obtenir les changements attendus.

Or, ces changements ne sont pas seulement la suppression des emplois familiaux ou la transparence dans les revenus ou patrimoines des parlementaires ou ministres.

Le vrai changement attendu, les priorités attendues et respectées depuis des décennies, c’est une vie meilleure, le retour du plein emploi, des conditions de logement et de soins décents, des études gratuites et de qualité, des retraites permettant de vivre dignement, une lutte résolue, efficace, pour une transition écologique échappant aux lobbies industriel et financier.

C’est l’absence de résultats et les promesses non tenues qui exaspèrent nos concitoyens.

Ceux qui ne sont rien, ceux qui n’ont pas grand-chose, ne supportent plus l’image de certains qui réussissent en violant la loi, en profitant de la situation acquise par leur vote.

Deuxième élément de la perte de confiance du peuple. Nos institutions qui ne permettent pas une juste représentation de la réalité politique du pays, qui ne permettent pas une réelle proximité entre représentants, gouvernants et citoyens. Le dernier épisode des élections législatives est frappant. Emmanuel Macron et son gouvernement ont obtenu une large majorité à l’Assemblée nationale alors qu’ils sont minoritaires dans le pays, comme l’a illustré le vote de confiance à l’Assemblée nationale.

L’opposition est donc totalement minorée par le rouleau compresseur de la Vème République.

Que dire du Président de la République élu face à Mme Le Pen par un vote nécessaire, mais en rien d’adhésion.

Pourtant le Chef de l’État entend appliquer à la lettre son programme, armé des prérogatives exceptionnelles que lui accorde la Constitution de 1958, sans tenir compte le moins du monde de la relativité de son élection. Bien au contraire, il fonce tête baissée, repoussant chaque semaine les limites de l’hyper-présidence.

Rétablir la confiance dans l’action publique exige un débat sur le caractère de plus en plus monarchique de notre régime.

Irriguer la démocratie demande de casser la verticalité rigide qu’impose le nouveau pouvoir alors que le mouvement En Marche, qui se voulait révolutionnaire, me semble-t-il, visait à privilégier l’horizontalité. Comme trop souvent, on annonce des choses et on fait le contraire une fois élu. C’est cela dont le peuple a assez.

Instaurer la proportionnelle intégrale et non un saupoudrage est une exigence pour rétablir la confiance.

Le mode de scrutin actuel apparaît de plus en plus comme un miroir déformant et déformé de la volonté populaire. Il y a danger. Persister dans cette voie peut conduire à une remise en cause de l’institution parlementaire elle-même.

Redonner dans le même temps ses pouvoirs au Parlement doit être une priorité : fin du 49-3, droit d’amendement pleinement restauré, en particulier en matière budgétaire et pouvoir de contrôle accru sont une exigence.

Comment redonner confiance au peuple dans son Parlement si les pouvoirs de ce dernier s’amenuisent en peau de chagrin ?

Les sujets sont vastes, comme celui par exemple d’une justice au service de tous, accessible aux plus faibles, et à l’indépendance confortée pour affronter les dérives constatées au sein du pouvoir politique.

Le fonctionnement de la haute administration, ses relations avec le pouvoir politique doit aussi être profondément modifié et les aller-retours entre ces deux mondes interdits.

Que dire des excès du CAC 40, de l’explosion des fortunes, des profits indécents gagnés sur des vies asservies et parfois brisées, comme à Whirpool et GM & S !

La répartition des richesses est une clé essentielle du retour de la confiance dans notre système politique.

Enfin, comment moraliser et rétablir la confiance sans s’attaquer aux liens frappants entre médias, pouvoir politique et la finance ?

Qui n’a pas constaté durant la dernière campagne l’influence que certaines chaînes d’information, tombées comme par enchantement peu de temps auparavant aux mains d’hommes d’affaires comme MM. Drahi et Bolloré, avaient choisi leur camp et le défendaient bec et ongles.

Comment ne pas noter également la proximité des instituts de sondage avec les allées du pouvoir ou de la bourse ou des deux.

Le texte dont nous allons débattre peut apparaître utile pour poser quelques rustines sur un pneumatique au bord de l’explosion.

Interdire les emplois familiaux, remettre en cause les réserves parlementaires et ministérielles, s’interroger sur les moyens de fonctionnement des élus, améliorer encore le tracé des financements des partis politiques et campagnes électorales constituent parfois des évidences et toujours des progrès incontestables.

Au cours de la discussion, nous apporterons notre soutien à de telles dispositions améliorées de façon souvent pertinente par le Président rapporteur de la Commission des Lois.

Nous proposerons par des amendements d’aller plus loin, même dans ce champ restreint, je pense en particulier à la création d’un véritable statut pour les collaborateurs parlementaires.

Mais nous avons déposé d’autres amendements pour élargir le débat, desserrer le cadre imposé par le gouvernement. Je regrette que la consultation publique sur le projet de loi envisagée à l’origine ait été abandonnée.

Un aller et retour démocratique sur un tel sujet aurait sans doute été profitable. Vous n’en avez plus voulu, M. le Ministre, et c’est dommageable.

Mes chers collègues, comme le notait un dossier d’un grand quotidien sur la montée en puissance du secteur privé dans nos sociétés occidentales et tout particulièrement en France, vieux pays de mixité de l’économie, des intérêts privés, en un mot de l’argent, a multiplié les occasions de conflits d’intérêts à un point tel que les penseurs officiels constatent leur normalité.

Ce texte, comme d’autres, viserait à réguler cette nouvelle normalité.

C’est sur cette question de fond que nous divergeons avec les partisans, parfois béats, de ce texte. Le poison de l’argent distillé dans la vie publique ne peut être régulé, il doit être combattu, éradiqué.

Pour reprendre les mots utilisés par le Premier ministre sur un autre thème, nous estimons nécessaire de désintoxiquer notre société de la finance, de l’argent facile, de l’argent qui corrompt.

Pour notre part, trois siècles plus tard, nous serons guidés par ces propos extraits de l’esprit des lois de Montesquieu :

« Il ne faut pas beaucoup de probité pour qu’un gouvernement monarchique ou un gouvernement despotique se maintienne ou se soutienne, les forces des lois dans l’un, le bras du prince toujours levé dans l’autre. Mais dans un État populaire, il faut un ressort de plus qui est la VERTU ».

Intervention d'Eliane Assassi sénatrice au Sénat le 10 juillet 2017

Publié dans Politique nationale

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