La rémunération des patrons du CAC 40 passée au crible d’Oxfam

Publié le par Les communistes de Pierre Bénite

Le directeur général de Stellantis, Carlos Tavares, assiste à l’inauguration d’une usine à Turin, le 10 avril 2024. Il a gagné en 2022, selon Oxfam, 341 fois plus que la moyenne de ses salariés. © MARCO BERTORELLO / AFP

Le directeur général de Stellantis, Carlos Tavares, assiste à l’inauguration d’une usine à Turin, le 10 avril 2024. Il a gagné en 2022, selon Oxfam, 341 fois plus que la moyenne de ses salariés. © MARCO BERTORELLO / AFP

 

Dans un nouveau rapport édifiant publié ce mardi, l’ONG Oxfam France documente les écarts de rémunération entre les salaires des patrons du CAC 40 et leurs employés. Nos explications et infographies pour mesurer ce scandale.

 

En 2022, les entreprises du CAC 40 ont versé en moyenne 76 % de leurs bénéfices à leurs actionnaires. C’est ce que révèle l’ONG de lutte contre la pauvreté et les inégalités Oxfam France, qui vient de publier, ce mardi 30 avril, à la veille d’une journée de fête des travailleurs, un rapport sur les écarts de rémunération entre les salaires des dirigeants du CAC 40 et le salaire moyen dans leurs entreprises. Ses travaux sont édifiants.

 

En 2022, les PDG du CAC 40 ont gagné en moyenne 130 fois plus que leurs salariés. Ainsi, alors que, la même année, le Smic annuel a péniblement atteint 20 147 euros, et que le salaire moyen s’est situé à 31 560 euros, les PDG des grandes entreprises du CAC 40 ont gagné en moyenne 6 659 169 euros…

 

« Entre 2019 et 2022, donc en seulement trois ans, les rémunérations des PDG du CAC 40 ont augmenté de 27 %, alors que celles des salariés des CAC 40 ont bondi de 9 % », pointe Léa Guérin, chargée de plaidoyer sur la question de la régulation des multinationales chez Oxfam France.

 

51 % de la rémunération totale des PDG basés sur des critères financiers

 

Parmi les plus gros voraces se dégage un trio de tête.

 

 

 

 

 

Mais comment expliquer de tels écarts gargantuesques ? Pour l’ONG, la façon dont ces entreprises sont gouvernées est au centre du problème, en raison notamment de l’importance des actionnaires. Dans la plupart de ces sociétés, ceux-ci ont la responsabilité de valider à la fois les rémunérations des dirigeants et de nommer les administrateurs chargés de désigner le président-directeur général et de définir la stratégie de l’entreprise.

 

« C’est une douzaine de personnes qui décident de la gestion d’une méga-entreprise avec des impacts équivalant à ceux des gouvernants d’État. Ce fonctionnement fait que ce sont en priorité leurs intérêts qui priment », pointe Léa Guérin.

 

Des rémunérations selon les objectifs des actionnaires

 

Pour illustrer son propos, la chargée de plaidoyer s’est intéressée à la structure des rémunérations des dirigeants du CAC 40.

 

« En moyenne, en 2022, seuls 27 % des revenus des dirigeants étaient fixes, et 4 % correspondaient à des avantages en nature ou à la retraite. Les 69 % restants sont constitués de primes variables ou d’actions et sont sujets à des critères de performance. Autrement dit, plus des deux tiers des rémunérations des PDG sont soumis à l’atteinte d’objectifs définis par les actionnaires », note l’autrice du rapport.

 

Parmi ces objectifs, en 2022, 51 % de la rémunération totale des PDG était basée sur des critères financiers (marges à obtenir, augmentation de la valeur de l’action, montant des dividendes distribués, etc.). A contrario, seuls 18 % de ces revenus reposaient sur des critères non financiers… dont 5 % seulement sur le climat.

 

Quant à l’égalité femmes- hommes ? Un dirigeant du CAC 40 a deux fois plus de chance de se prénommer Jean que Marie.

 

« On fait face à une boucle infernale parce que les actionnaires et les PDG s’autoalimentent : les premiers cités votent les rémunérations des dirigeants, qui, eux, valident les objectifs comme le versement de dividendes, sur lesquels ils vont conduire et gérer l’entreprise, résume la spécialiste d’Oxfam France. On en arrive à des situations où les objectifs des actionnaires sont atteints au détriment du climat et des salariés. »

 

Ainsi, pour mettre fin à ce système inégalitaire, l’organisation non gouvernementale planche sur une série de cinq recommandations principales.

  • La première consiste à imposer un salaire maximum respectant un écart de rémunération maximal de 1 à 20 entre le dirigeant et le salaire médian de l’entreprise.

 

  • La deuxième vise à garantir un salaire décent sur l’ensemble de la chaîne de valeur au sein de l’entreprise. « Nous avons salué l’initiative de Michelin mais nous devrions plutôt obtenir une législation sur le sujet au lieu que chacun réalise des calculs de son côté », estime Léa Guerin.

 

  • Du reste, l’ONG propose d’encadrer les rémunérations des dirigeants et la part des bénéfices allouée aux actionnaires ou encore de mettre en place une taxation des superprofits ambitieuse, pérenne et appliquée à l’ensemble des secteurs.

 

L’arsenal de propositions se veut un outil à disposition des politiques. « C’est un corpus de recommandations dans lesquelles on peut piocher, souligne la chargée de plaidoyer. Mais l’idée est de partir de cet ensemble pour construire des entreprises en phase avec l’urgence écologique et sociale, et avec notre société actuelle. »

 

Limiter les écarts de rémunérations dans les entreprises, la gauche dit : « Chiche ! » Devant le tollé suscité par les quelque 36,5 millions que va empocher le PDG Carlos Tavares, les députés communistes, socialistes et insoumis soutiennent à nouveau des propositions de loi visant à lutter contre les dérives salariales des grands dirigeants.

 

« Quand un patron du CAC 40 gagne 100 000 euros par jour, soit 71 Smic, tout le monde devrait crier au scandale, du Medef au gouvernement », a dénoncé Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, pour qui « le coût du capital devient exorbitant et indécent ».

 

La solution, selon l’élu du Nord : une loi encadrant les différences de revenus et rétablissant l’impôt sur la fortune (ISF). « L’indécence (de Carlos Tavares – NDLR) est sans limite, c’est de la provocation. En 2023, il aura gagné 518 fois plus qu’un salarié moyen du groupe Stellantis ! » a aussi fustigé Boris Vallaud, président des députés socialistes à l’Assemblée nationale.

 

C’est pour réduire ces écarts que son groupe a ainsi déposé, mardi 16 avril, une proposition de loi visant à limiter les écarts de revenus, texte qui avait déjà été présenté par les socialistes en 2020. Un combat lancé dans l’Hémicycle dès 2016 par l’ancien député communiste Gaby Charroux, qui défendait l’idée que la plus haute rémunération dans une entreprise ne puisse pas être 20 fois supérieure à la plus basse. Une proposition à l’époque rejetée par la majorité PS de François Hollande.

 

Un « profond désir de justice »

 

Dans le détail, le nouveau texte des socialistes vise à plafonner les très hauts salaires dans toutes les entreprises : un revenu ne pourra être supérieur à 20 fois le Smic. Aux yeux de Boris Vallaud, cette disposition « répond à un profond désir de justice au moment où les fins de mois sont si difficiles pour nos compatriotes ». « La démesure dans la concentration des richesses génère des modes de vie incompatibles avec les limites de la planète », ajoute le député.

 

Samuel Eyene et Lola Ruscio  Articles publiés dans l'Humanité

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