Intervention de Frédéric Boccara au CN du 12 décembre

Publié le par Front de Gauche Pierre Bénite

Intervention de Frédéric Boccara au CN du 12 décembre

Merci à Marie-Jeanne Gobert pour son rapport. Je voudrais souligner qu’il repose sur un travail considérable de consultation de quasiment toutes les fédérations du parti.

1- Quelques mots sur la situation politique, d’abord. Les mesures prises par le gouvernement Castex pour prétendument « sortir du deuxième confinement » sont scandaleuses et révoltantes. On a parlé à juste titre de la culture, non seulement le gouvernement martyrise ce secteur, mais en plus du coup il laisse les gens en tête à tête avec Netflix et la télé… 

Outre de la culture, il faut insister sur la jeunesse, car le plan du gouvernement frappe fortement la jeunesse, et cherche à l’isoler politiquement du reste de la population. Un effort de division de plus !

Je me félicite de la tonalité du rapport sur le plan Castex. Cela tranche avec la position brouillée adoptée lors de l’installation du second confinement.

Mais il faut dénoncer le changement de régime qu’on cherche à nous imposer, vers un régime plus qu’autoritaire du point de vue politique, dont nos gouvernants ont besoin à toute bonde pour imposer et masquer leurs mesures économiques, leur monopole sur l’utilisation de l’argent, alors que la colère monte, monte. J’ai expliqué ce changement de régime dans une vidéo. On devrait être beaucoup plus incisif là-dessus.

2- Le grand enjeu de la période à venir, c’est de marquer la situation politique par nos propositions radicales et réalistes et notre projet.

Pour répondre à la crise, il s’agit de commencer à dépasser le capitalisme, notre projet en indique des voies. Il est absolument nécessaire de le porter dans le pays face à la crise, répondant au désarroi et à la colère.

C’est pourquoi je suis d’accord avec le principe du calendrier qui est de décider une conférence nationale au plus vite (et on pourra peut-être faire plus tôt) pour entrer sans tarder dans la campagne des présidentielles et en même temps de notre congrès en 2021. Nous avons besoin des deux, un congrès à l’automne (ou en décembre… comme en 1920 !) peut booster notre campagne.

Concernant une candidature communiste, certains ici ont dit « un candidat ok, mais quid du rassemblement ? », d’autres ont dit « pas de candidat communiste à la présidentielle, pour favoriser le rassemblement ».

Mais comme l’a très bien dit Denis Durand, la vraie question c’est d’avoir un débat sur le contenu d’une politique, sur un projet, dans une situation qui ne ressemblera pas du tout à la présidentielle de 2017 !

Pour cela il nous faut un candidat sans tarder et une conférence nationale « grand angle », qui aborde les questions de façon très politique.

3- Car il s’agit d’avancer un contenu à la hauteur des défis sociaux et sociétaux actuels, des défis de civilisation a-t-il été dit à juste titre.

Nous avons devant nous une bataille en positif et une bagarre en « contre », qui doit désigner un adversaire, le capital.

Nous avons à mener dans du même pas une bataille pour refonder la gauche. Le tournant important est celui de 1982-83, avec les renoncements et le début de la démission face aux marchés financiers, jusqu’à la faillite du gouvernement Hollande.

Il va falloir aider nos concitoyens à y voir plus clair : une gauche qui fait de la taxation des riches l’alpha et l’oméga de la politique, ça ne va pas. Une gauche qui considère le « social » comme un accompagnement pour faire passer le reste, par exemple l’écologie, c’est une gauche qui n’a rien compris aux forces qui empêchent de relever le défi climatique et écologique, qui ne comprend pas au rôle du travail humain, ni des services publics. Une gauche qui ne parle que de la France et n’a pas un projet pour l’Europe et pour le monde, est à côté de la plaque, y compris pour changer les choses en France ! Une gauche qui ne parle que de nationalisations, sans parler de pouvoirs des travailleurs et de critères de gestion opposés à ceux de la rentabilité financière, c’est une gauche qui n’a pas compris les échecs de la gauche plurielle ou de 1981-82. Une gauche qui parle de la finance et de la taxer plutôt que de se saisir des banques pour un tout autre crédit, c’est une gauche qui ne fera qu’écorner cette même finance.

Pour les présidentielles, je vois 5 axes majeurs de notre projet, tels qu’ils ressortent d’ailleurs du texte de notre 38è congrès :

  1. Une Sécurité d’emploi et de formation pour une autre relation au travail, et une nouvelle production écologique et sociale, c’est-à-dire comme un projet de société (à la fois économique, social et écologique) avec au cœur cette nouvelle sécurité émancipatrice permettant d’aller vers une libre une rotation des rôles, entre travail et non travail, avec un revenu sécurisé ;

  2. Un essor nouveau des services publics profondément rénovés, élargis et refondés ;

  3. La démocratie. Permettre l’intervention de toutes et tous, contester les institutions actuelles, en porter d’autres ouvrant de nouvelles institutions, de nouveaux pouvoirs non seulement dans le champ politique traditionnel, mais aussi sur l’utilisation de l’argent à tous les niveaux, avec notamment l’idée de Conférence nationale permanente pour l’emploi, la formation et la transformation productive écologique ;

  4. Le monde. Pour une autre mondialisation, de paix, de partage, de culture commune, de développement des biens communs. Cela implique à la fois le niveau mondial, mais aussi des changements profonds au niveau de l’Union européenne.

  5. La liberté, la dignité. Pour une société de l’émancipation de toutes et tous contre l’enfermement dans un rôle, un genre, une origine supposée, une religion ou une apparence. Une société qui allie développement de soi, dans sa singularité, et faire société.

4- La campagne va exiger de lier luttes et projet, dans une pédagogie politique de masse.

Il ne s’agira pas de seulement renvoyer aux gens ce qu’ils disent. Il y a une demande de sens, de proposition, d’éclaircissements, de décodage, pour entrer en lutte contre ce système : il s’agira aussi bien de porter la colère et la souffrance d’un vécu totalement ignoré par les grands de ce monde, que de parler des entreprises, des banques, de la BCE (comme nous l’avions imposé à Mélenchon en 2012) ou de ferrailler sur le revenu d’existence.

Le débat de fond va être très aiguisé, il va falloir faire preuve de pédagogie.

Le moment politique n’est pas seulement celui de la refondation de la gauche, mais aussi d’une société sur le fil du rasoir, certains pourraient dire d’un moment « pré-révolutionnaire », en tout cas d’une accélération, d’un bouillonnement de recherches d’idées, qui peuvent aller vers le pire… comme vers le meilleur.

5- Or malgré de réels progrès nous avons tendance à être encore en-deçà.

Nous souffrons d’une grande insuffisance à se saisir des idées novatrices du 38è congrès, base pourtant de notre orientation. Il s’attachait à analyser que le monde les marque par de profondes nouveautés, des véritables révolutions, qui exigent une révolution sociale et politique : un renversement des logiques et une prise de pouvoir politique pour cela. Nous ne sommes plus en 1975, ni même en 1985. Des révolutions informationnelle, écologique, monétaire, démographique, voire anthroponomique sont en cours.

De même, il est difficile de ne pas avoir une impression de grand écart entre affirmations communistes et surplombs incessants des alliances au détriment de l’avancée de contenus, et du nécessaire débat sur les contenus pour les faire avancer.

Est-ce en portant une proposition de loi sur la taxation des GAFA que nous dissiperons cette impression, et ferons avancer les idées ? Cette taxation rapportant 1 milliard porte le projecteur sur la répartition. Ne faut-il pas plutôt injecter dans le débat nos propositions d’institution nouvelle conférant des pouvoirs sur la gestion des entreprises et l’utilisation de leur argent ? ou notre proposition, adoptée en juin, d’un Fonds d’urgence et de sécurisation de 270 milliards d’euros ? Sans parler de dénoncer l’absence de pouvoirs démocratiques et de critères sur les centaines de milliards que la BCE déverse sur notre économie : pour le capital ou pour les travailleurs ? C’est pourtant une question de classe... moderne.

6- Il nous faut donc aller sans tarder dans la campagne politique de l’élection présidentielle, avec une conférence nationale « grand angle ».

Elle devra, à mon sens, traiter décision d’une candidature, projet et propositions, équipe politique de campagne, choix du/de la candidat.e.

Pour le projet et les propositions, nous disposons de deux matériaux principaux : le 38è congrès et notre projet adopté en juin dernier face à la COVID19.

Mais il y aura un énorme travail, je suis prêt à y prendre ma part, sans ménager ma peine, aux côtés d’autres camarades, d’autant plus que l’économie est décisive pour verrouiller – ou déverrouiller ! – les esprits : les banques ne sont-elles pas les nouveaux tanks contre les peuples ? Il y a un travail collectif considérable à effectuer. Nous devons d’ailleurs faire apparaître l’importance que nous donnons au collectif dans la période actuelle.

Pour finir, un mot sur l’idée de « collectifs locaux ». Je suis pour que nous avancions sur des collectifs locaux dans la perspective de créer aux présidentielles et pour la suite un grand mouvement populaire « contre la domination du capital et pour la liberté », avec la question de la sécurité d’emploi, de formation et de revenu en son cœur.

L’élection présidentielle, c’est une bataille de projet, de radicalité, d’apport d’explications et d’une posture.

Nous devons y aller pour marquer la vie politique. C’est très différent des législatives de ce point de vue, où il s’agit de connaître le plus de monde dans une circonscription, d’écouter, d’être en empathie. Mais ne nous y trompons pas : marquer la présidentielle avec nos idées, notre démarche et notre parti conditionnera grandement notre réussite des élections législatives.


 

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