Les agriculteurs toujours mobilisés... Macron baratine !

Publié le par Les communistes de Pierre Bénite

 

En raison de l’expression de la colère paysanne, des débats parfois houleux avec le président de la République ont marqué la journée inaugurale du Salon de l’agriculture.

 

En dépit de ses multiples initiatives, le chef de l’État n’a pu convaincre ses interlocuteurs qui peinent à tirer un revenu de leur travail. De ce fait, ils avaient donc beaucoup de reproches à lui adresser.

 

En faisant annoncer le vendredi 23 février un grand débat pour le lendemain matin, à l’occasion de l’ouverture officielle du Salon de l’Agriculture, le président Macron voulait reprendre la main sur les dossiers agricoles. Sans les avoir consultés en amont, il entendait confronter les syndicats paysans aux arguments que peuvent leur opposer les professionnels de l’industrie agroalimentaire et les patrons des grandes enseignes dont Michel-Édouard Leclerc. Ce dernier, sentant le vent tourner, s’empressa de décliner l’invitation. Il n’avait pas envie de s’entendre dire qu’il avait mis en place des « centrales d’achat communes » au niveau européen afin que la croissance des importations de viandes et autres produits serve à faire baisser les prix au départ de la ferme en France.

 

Emmanuel Macon avait également prévu d’inviter à ce débat des associations dont les responsables sont opposées au traitement chimique de certaines cultures, sans forcément proposer des alternatives aux paysans. Il a confirmé la véracité de ces invitations officielle après sa rencontre avec les syndicats paysans du 24. Puis il a simulé une grosse colère en affirmant qu’il n’avait jamais invité « Les Soulèvements de la terre » à cette rencontre. Cette invitation avait pourtant été confirmée en amont par l’entourage du président Macron et cette association l’a également confirmé dans la journée de samedi.

 

Macron intègre la loi Chassaigne à son bilan

 

Dès sept heures du matin, pendant qu’au premier étage du Hall 1 le président renouait le dialogue avec les syndicats paysans avant l’ouverture officielle du Salon, les journalistes étaient tenus à l’écart dans une salle attenante. Mais, au rez-de-chaussée, des manifestants agissant au nom des syndicats, envahissaient le Hall 1, certains se faisant bousculer, matraquer et arrêter par les forces de police.

 

Vers 9 h 30, le chef de l’État sortait de sa réunion pour annoncer devant la presse qu’on « ne répondra pas en quelques heures à cette crise agricole. La préparation du Salon ce sont des mois de travail, il faut qu’il se passe bien. Depuis le premier jour, je suis aux côtés des agriculteurs », a-t-il affirmé.

 

Il a ensuite évoqué le 11 octobre 2017 et les « mots clairs » qu’il aurait prononcés ce jour-là pour annoncer une future loi Egalim. Ce ne fut pas si clair que cela, comme le rappelaient les citations de son discours de l’époque dans notre article publié vendredi. Devant les journalistes, il a aussi intégré à son bilan l’amélioration des retraites paysannes, en omettant de préciser que l’on doit cette amélioration au travail parlementaire du député communiste André Chassaigne, qui, en utilisant à deux reprises la procédure de niche parlementaire, a fait voter ce texte par l’Assemblée nationale, puis le Sénat.

 

Alors qu’il affirmait vouloir couper ensuite le ruban inaugural et déambuler dans le salon comme les autres années, le Chef de l’État s’est finalement décidé à rencontrer des paysans pour entendre leurs doléances et tenter de leur apporter ses réponses.

 

Autant les problèmes exposés par les agriculteurs partaient du vécu sur le terrain, autant les réponses du président Macron furent imprécises et révélatrices de la méconnaissance de la situation réelle du monde paysan par le chef de l’État.

 

« On ne peut pas raconter des crasses aux agriculteurs »

 

À plusieurs reprises, visant à la fois certains syndicalistes paysans et le Rassemblement national, Emmanuel Macron a répété cette formule : « on ne peut pas raconter des crasses aux paysans ». Mais lui, dès 2007, avait accepté de rédiger le rapport de la commission Attali qui fut utilisé comme mode opératoire pour mettre en place la « Loi de Modernisation Économique » (LME). Il osait alors écrire que « la revente à perte n’est en général qu’un prix de connivence entre certains producteurs et certaines grandes surfaces ».

 

« On exporte les deux tiers des calories qu’on produit en France » a répété le président de la République hier à plusieurs reprises. Comme ces calories exportées proviennent surtout des céréales et, plus encore, des boissons alcoolisées, mieux vaut en exporter une partie plutôt que de tout consommer. Disant cela le chef de l’État masquait surtout l’augmentation continuelle des importations dans des filières comme les fruits et légumes, les viandes de volailles, la viande ovine tandis que des filières comme le lait de vache et la viande bovine risquent de devenir déficitaires d’ici 2027 lui a fait remarquer un éleveur.

 

La réponse d’Emmanuel Macron fut alors de dire qu’il suffisait d’engraisser les broutards en France au lieu de les exporter en Italie. Dans ce cas, on peut penser que l’Italie ferait croître ses importations en provenance des pays tiers comme le Mercosur, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

 

Il est enfin un sujet qui ne fut jamais abordé au cours de cet échange. En France, en Europe et dans beaucoup d’autres pays, les prix du blé, du maïs, des oléagineux et de beaucoup d’animaux de boucherie, fluctuent semaine après semaine dans les salles de cotation. Ils peuvent grimper très vite en cas de risque de pénurie. Mais ils demeurent excessivement bas dès que l’offre mondiale dépasse la demande solvable de quelques points.

 

Ainsi le prix du blé français rendu au port de Rouen a fluctué entre 220 € et 199 € la tonne entre le mois de mai 2023 et le mois de février 2024. Ce prix ne couvre pas les coûts de production. Le même blé cotait 330 € en octobre 2022 et 290 € en février 2023.

 

Parce que le prix du blé, du maïs et du tournesol était très bas depuis la fin du printemps 2023, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et de Finances, a plaidé des mois durant pour une baisse du prix d’entrée en magasin pour des produits comme la farine, l’huile de table et certaines viandes, sans jamais se soucier de savoir si les prix des matières premières payées aux paysans leur permettraient de vivre de leur travail. Dans ce cas précis, un prix spéculatif orienté à la baisse dans les salles de cotation quand l’offre dépasse la demande ne permet pas de fixer un prix en « marche avant », tenant compte de l’évolution des coûts de production que subit le paysan.

 

Rien ne prouve donc qu’une nouvelle loi Egalim promise pour 2024 permettra, en France, de déboucher sur une évolution des prix agricole tenant compte de celle des coûts de production pour rémunérer les producteurs.

 

Des prix planchers garantis par l'Etat !

 

Alors que le 1er ministre visite ce jour le salon de l'agriculture, comme jamais auparavant, ce Salon met en exergue la sous-rémunération de l’immense majorité des paysans. Cette sous-rémunération prouve que le vote de deux loi Egalim en 2018 et 2021 n’a pas permis «d’inverser cette construction du prix qui doit pouvoir partir des coûts de productions» promettait le président Macron à Rungis le 11 octobre 2017 dans un discours ambigu.

 

Jusqu’à présent, les réponses du gouvernement à la crise agricole se situaient à rebours de la principale revendication affichée par les producteurs : la question du revenu agricole.

 

Affaiblissement des normes environnementales, prolongation des exonérations patronales… les mesures énoncées par Gabriel Attal allaient jusque-là dans le sens d’une agriculture intensive, en favorisant les grosses exploitations.

 

Ce samedi 24 février, Macron s’est tourné vers une réponse plus attendue par les agriculteurs eux-mêmes.

 

« L’objectif que je fixe aux travaux qui ont été lancés par le premier ministre et ses ministres, et en particulier les travaux parlementaires, c’est qu’on puisse déboucher véritablement sur ces prix planchers qui permettront de protéger le revenu agricole et de ne pas céder à toutes les pratiques les plus prédatrices qui aujourd’hui sacrifient nos agriculteurs et leurs revenus »,

a déclaré Emmanuel Macron à la sortie d’un entretien avec les responsables des syndicats agricoles, au tout début de la journée.

 

« Pas la première fois que le sujet est mis sur le tapis »

 

Prévue dans le cadre d’une nouvelle loi encadrant les relations entre les acteurs de l’alimentation, cette mesure prévoit de protéger les producteurs des distorsions de prix négociés sur leur dos entre les industriels et les distributeurs. Ce tarif minimum serait fondé sur un « indicateur de coût de production agricole », c’est-à-dire sur une estimation des coûts de production des denrées agricoles. Avec l’espoir que cette disposition législative modifie les rapports de force commerciaux en faveur des paysans.

 

Une bonne nouvelle d’après Véronique Marchesseau, secrétaire générale de la Confédération paysanne, qui salue « une proposition structurelle » en opposition aux dernières promesses « court-termistes » du gouvernement.

 

Mais il s’agirait de ne pas faire feu de tout bois. « Ce n’est pas la première fois que le sujet est mis sur le tapis », détaille la syndicaliste. Cette réponse venue du chef de l’État n’est rien de plus qu’un renforcement des lois Egalim. En l’état, celles-ci incitaient déjà les interprofessions agricoles à tenir compte de l’évolution des coûts de production que subissent les agriculteurs.

 

C’était alors une promesse du président de la République, en octobre 2017, faite lors des États généraux de l’alimentation. Celui-ci annonçait « la mise en place d’une contractualisation rénovée avec un contrat qui serait proposé par les agriculteurs et non plus par les acheteurs (…). Nous modifierons la loi pour inverser cette construction du prix qui doit pouvoir partir des coûts de production ».

 

La loi Egalim 2, votée en 2021, a alors rendu obligatoire la publication d’indicateurs de coût pertinents de production en agriculture. Mais aucune contrainte légale n’a été ajoutée pour obliger les négociateurs – agro-industrie et grande distribution – à « tenir compte de ces indicateurs », explique Véronique Marchesseau.

 

Une idée déjà plébiscitée par le Modef

 

Treize ans plus tôt, André Chassaigne, député communiste, avait d’ailleurs déposé une proposition de loi pour créer un dispositif similaire afin de « garantir de bonnes rémunérations aux agriculteurs », explique-t-il. Mais celle-ci avait été retoquée. « On se bagarre depuis des années pour que ces prix planchers, seule porte de sortie de la crise agricole, soient adoptés », déplore le parlementaire.

 

Le Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef) est lui aussi engagé dans la même bataille. Le syndicat avait déjà fait de la question des prix planchers sa revendication principale, tenant à la fois compte des coûts de production et du salaire du producteur.

 

« Le chef de l’État parle de cela maintenant. Or, c’est un concept que nous avons toujours associé à notre démarche et que nous appelons « prix minimum garanti par l’État ». D’ailleurs, notre syndicat avait remis cette revendication sur la table lors de notre rencontre avec le président de la République la semaine dernière », précise Raymond Girardi, vice-président national du Modef.

 

Reste maintenant à savoir si cette annonce ne se cantonnera pas à un effet de manche. Pour l’heure, du côté de la Confédération paysanne, on souhaite se montrer « optimiste » puisque cette mesure demeure « applicable, à en juger sur ce qu’a fait l’Espagne ».

 

Toutefois, l’organisation se dit vigilante « sur la façon dont la proposition sera mise en œuvre ».

 

Gérard Le Puil  Tribune publiée dans l'Humanité et Samuel Eyene article publié dans l'Humanité

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