Electroménager : Pour préjudice d'anxiété, un ancien d'Arthur Martin reçoit 8 000 euros

Publié le par Front de Gauche de Pierre Bénite

Electroménager : Pour préjudice d'anxiété, un ancien d'Arthur Martin reçoit 8 000 euros

Exposé à l’amiante durant les années où il était magasinier, un retraité marnais a reçu, vendredi, une indemnisation pour réparer sa peur d’être malade.

Cette histoire démarre le 22 octobre 1979, lorsque Nicolas (prénom d’emprunt), alors âgé d’une vingtaine d’années, est embauché en CDI comme magasinier à Reims par la société Arthur Martin, devenue depuis Electrolux. Il restera jusqu’au 31 décembre 1992 au sein de cette entreprise, considérée alors comme l’un des fleurons économiques de la région.

En juillet 2000, un arrêté publié dans le Journal officiel classe Electrolux parmi les sociétés ayant manipulé l’amiante. « Je n’en savais rien », insistait Nicolas, le 4 avril, à Reims, dans les couloirs du conseil de prud’hommes.

En septembre 2014, l’ancien magasinier croise avenue Jean-Jaurès, à Reims, un ancien collègue d’Arthur Martin qui lui apprend la nouvelle. Et voilà comment l’existence de Nicolas est devenue nettement plus angoissante. La même année, il régularise une demande tendant à bénéficier de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante.

Une procédure judiciaire s’enclenche afin d’obtenir une allocation à la réparation de son préjudice d’anxiété. Cette épée de Damoclès pèse lourd : le « cancer de l’amiante » – en réalité cancer de la plèvre – est mortel à 100 %. Son avocat, Emmanuel Ludot, plaidait le 4 avril en ce sens : « Il a respiré de l’amiante, il a peut-être une fibre qui dort bien gentiment dans les poumons. Depuis que mon client a appris le risque encouru, il a pris vingt kilos et il est dans un état psychologique épouvantable. »

La somme de 30 000 euros avait été demandée. L’avocat d’Electrolux, s’appuyant notamment sur des écrits de la Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat), estime que la demande de Nicolas n’est plus recevable depuis juin 2013, délai de prescription oblige. « Dura lex, sed lex, latinise-t-il. La loi est dure, mais c’est la loi. Ce couperet est cruel pour les salariés, je ne dis pas le contraire mais les salariés ne peuvent plus venir réclamer devant les prud’hommes. »

Idéal pour faire tempêter Emmanuel Ludot : « Aujourd’hui, mon client, âgé de 60 ans, a peur parce qu’il a le nez bouché. Il fait des crises de panique la nuit. Il se réveille et demande à son épouse : Combien de temps me reste-t-il à vivre ? Combien de temps on va encore rester ensemble ? 30 000 euros, c’est raisonnable, Arthur Martin faisait de gros profits à l’époque ! »

Vendredi 1 er juillet, le conseil de prud’hommes a estimé que la demande de Nicolas « n’est pas atteinte par la prescription civile » et, par conséquent, a condamné Electrolux à lui verser « 8 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice d’anxiété ».

Extrait de l'article de Mathieu Livoreil dans l'Union

«Une situation d’inquiétude permanente»

Par une décision du 3 mars 2015, la Cour de cassation a rendu plus difficile la réparation du préjudice d’anxiété pour les travailleurs ayant été exposés à l’amiante. La réparation d’un tel préjudice n’est admise, pour les salariés exposés à l’amiante, qu’au profit de ceux qui ont travaillé dans un établissement mentionné à l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y était fabriqué ou traité de l’amiante.

La réparation du préjudice d’anxiété pour les bénéficiaires de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante avait été reconnue pour la première fois par la Cour de cassation par un arrêt du 11 mai 2010. La juridiction suprême définissait ce préjudice comme « une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante » amenant les salariés concernés à « subir des contrôles et examens réguliers propres à réactiver cette angoisse ».

La chambre sociale a été depuis amenée à préciser sa jurisprudence à plusieurs reprises. Le 4 décembre 2012, elle affirmait notamment qu’il n’était pas nécessaire de justifier d’un suivi médical régulier pour caractériser la situation d’inquiétude permanente.

Publié dans Luttes sociales

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