L'hommage à notre ami et camarade Jean Louis Raach par Nicolas Marchand

Publié le par Front de Gauche Pierre Bénite

L'hommage à notre ami et camarade Jean Louis Raach par Nicolas Marchand

Notre ami et camarade Loulou est décédé le 5 avril au matin d'un cancer foudroyant qui ne lui a laissé aucun répit malgré la résistance farouche de Jean-Louis. D'émouvants obsèques ont eu lieu le 12 avril. Nicolas Marchand lui a rendu un dernier hommage.

Nous portons à votre connaissance le discours qu'il a prononcé :

"Il nous avait informé, Jean-Louis, de sa maladie : un cancer. Son message, le 16 mars, disait « je vais me consacrer au combat contre cette saloperie ». Des mots directs comme il avait l'habitude. De quoi s'inquiéter mais aussi espérer.

 

Après, ça a été si vite …

Je ne veux pas dire des choses formelles, mais, c'est la vérité, il va nous manquer Jean-Louis. Pas comme il va manquer à Claire, et à ses sœurs, Catherine et Claudine.  Mais comme ami et comme acteur politique pour les combats qui viennent. Ils vont nous manquer son franc-parler, son intelligence, son expérience, son humour. Son goût de la vie et de la lutte politique qui aura marqué sa vie.

Jean-Louis adhère au parti communiste en 1974, à Montrouge ; il va y devenir secrétaire de la section ; puis il sera rédacteur en chef de l'hebdomadaire local « l'Aube Nouvelle ».

Ses activités vont prendre une dimension nationale, quand il se voit proposer de rejoindre Claude Billard, place du Colonel Fabien,  au secteur « entreprises » où il  travaille sur l'immigration.

A la fin des années 80, il intègre le secrétariat de Georges Marchais. Il l'accompagne jusqu'à la fin de son mandat de secrétaire général, et ensuite, jusqu'à son décès en 1997. Dans ces années difficiles, Georges peut compter sur Jean-Louis, son intelligence, sa fidélité. Une grande complicité se forge entre eux. Jean-Louis avait gardé pour Georges, sans esprit de culte, une admiration et un respect, jamais reniés.

Après un passage à la fédération du Val de Marne, il rejoint l'Huma, pour travailler avec son directeur, Patrick Le Hyaric, puis animer avec le service des abonnements un grand travail de conquête de lecteurs. Il s'investit avec passion dans le centenaire du journal en 2004, et dans l'organisation du Village du monde à la Fête de l'Huma. Il y noue, comme partout où il sera passé, quelques solides amitiés.

Patrick Le Hyaric a salué lundi dans l'Huma « l'aide précieuse » que Jean-Louis lui a apporté, exprimant « sa reconnaissance » et le remerciant « pour cet engagement dans des activités souvent complexes ».

C'est justement sur la situation si grave de l'Huma et les moyens d'y remédier, sur lesquels Jean-Louis avait une grande connaissance et des idées précises, que nous avons eu notre dernière conversation.

Comment ne pas parler aussi de son engagement pour le récent Congrès.

Dans le message qu'il a adressé à Claire, Fabien Roussel a salué « l'énergie que Jean-Louis avait mise dans le Congrès et l'espoir qu'il plaçait dans le redressement du parti ».

De fait, cela prolongeait plus de 20 années de bataille pour l'avenir du parti communiste,

En 2002-2003, quand, avec Paul Boccara notamment, nous décidons de fonder le réseau « Action – Novation – Révolution », Jean-Louis fait partie de son noyau fondateur.

Au fil des années qui suivent, il est de toutes les batailles. Celles que mène le parti, et celles qu'il faut mener au sein du parti.

Attentif à tout ce qui se passe, Jean-Louis intervient régulièrement, tantôt par mail, tantôt avec un texte. Son style est direct, incisif, argumenté. Il dit toujours franchement, et quoiqu'il en coûte parfois, ce qu'il pense. Ce n'est pas la moindre de ses qualités.

Il saluera le « grand souffle de la victoire du « NON » au référendum de 2005 qui aurait dû permettre au PCF, avec d’autres, et à ses dirigeants de prendre l’initiative pour impulser un grand mouvement de rassemblement antilibéral et anti-austérité ».

Il critiquera ensuite le fait d'avoir donné « les clefs du camion » « à un transfuge du PS ».

En Novembre 2016, quand la Conférence nationale du PCF se prononce en faveur d'une candidature communiste  à l'élection présidentielle, il salue « une note d'espoir », titre d'un texte dans lequel il écrit :

« rien n'est acquis et toutes les manœuvres sont possibles », ce que la suite va confirmer, « mais une impulsion a été donnée pour engager une nouvelle reconquête redonnant espoir à notre peuple. De la confiance et de l’audace, toujours de l’audace ».

« Une impulsion » … La vie va lui donner raison, après quelques détours. Et quand nous prenons l'initiative de proposer la mise en chantier d'un texte de changement pour le Congrès, Jean-Louis est toujours des nôtres.

Depuis Arbourse, il accepte même d'être, avec José Fort, la plume d'une première rédaction de ce qui va devenir « le Manifeste ». C'est d'ailleurs lui, avec José, qui nous propose le titre « Manifeste du Parti communiste du 21e siècle » dont nous allons faire «Pour un manifeste ... ».

Jean-Louis va ensuite mettre, avec une grande conviction unitaire, toute son énergie dans le processus de débat et de rassemblement qui conduit ce texte a être adopté comme base de discussion, puis par le Congrès.

Après celui-ci, tout en mesurant sa portée, il invite à être exigeants pour la mise en œuvre de ses décisions, s'inquiétant des possibilités de remise en cause des choix clairs opérés. Le parti écrit-il, doit « muscler son jeu », pour « donner au mouvement social un contenu transformateur. »

Au passage d'un message, Jean-Louis m'avait un jour écrit, avec un sourire : « l'informatique pour moi c'est encore plus compliqué que la politique … c'est dire.» 

En réalité il était devenu très actif sur les réseaux sociaux.

Il n'y faisait pas que de la politique …

Il y avait le sport, passion qui avait déjà été un motif de grande complicité avec Marchais.

Pendant le Mondial 2018, en pleine rédaction du Manifeste, il n'hésite pas à conclure plusieurs fois ses messages d'un vigoureux « Allez les Bleus » !!

Il intervenait souvent par des photos

  • photos sentimentales

Claire bien sur, Havane, la « photo de deux bébés hirondelles prêtes pour leur 1er envol … » et des fleurs, souvent, offertes  aux femmes ...

  • photos politiques

meeting de Ian Brossat à Nevers,  manifestation monstre à Caracas et aussi une photo du 17 novembre 2018 : on y voit ensemble Philippe Martinez, Ian Brossat et Fabien Roussel ; « une belle photo qui augure de l'avenir. » a légendé Jean-Louis.

Quelques-uns pinaillent. Mais il a du répondant : « j'use de mon droit d' expression sur mon mur. Si mes "déblatérations" dérangent on peut passer son chemin. »

Il y avait aussi régulièrement, dans le cadre d'une compétition avec quelques amis, d'appétissantes photos de ses réalisations gastronomiques : « fricassées de cèpes de la forêt d'Arbourse », « du bon rosbeef à l'ail », motif d'une polémique sur la viande rouge, occasion pour Jean-Louis d'afficher, à propos du rouge, ses convictions révolutionnaires, « dorade et bar grillés au citron de Villejuif ». Sans oublier la photo accompagnée de ce commentaire plein de son humour et de son humanisme : « a-t-on pensé à la souffrance des mollusques lorsqu'on les jette violemment dans l'eau bouillante? ».

C'était Jean-Louis, des images, des mots, des actes, témoins de la richesse de sa personnalité chaleureuse et attachante, de son engagement humain et communiste.

Jean-Louis, tu vas nous manquer, mais, tu laisses de bons souvenirs, une trace sur laquelle nous continuons le combat.

Claire, Catherine et Claudine, soyez fières de lui. Il l'a mérité."

***

Au préalable à cet hommage de ses amis et camarades communistes, sa fille Catherine, a rendu hommage à son père.

"Difficile de trouver les mots justes tant la douleur et le chagrin nous bouleversent. Pourtant nous devons parler de lui, simplement, comme il l’a été tout au long de sa vie.

Notre maman, c’était Irène, incarnée par Josiane Balasko, dans le magnifique film : « tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes »

Il a vécu son enfance, sa jeunesse à Malakoff, « la plus belle ville du monde » disait-il. La Rue François Beloeuvre, la cité Pierre Valette puis le 2 Paul Valéry jusqu’à l’épicerie de la rue Hoche.

C’était le temps de la « zique-zique dada », «  de Rakapoune sur les lits », du bruitage de l’autocar, du foot, de la guitare et de la batterie, de la fête de l’Huma, celle d’Epinay-sur-Orge et aussi la Fête des vendanges, de Pif le chien et des pionniers…

On s’éloignait le plus possible des enfants terribles…

Faute de vacance familiale, c’étaient les colonies à Fulvy et le camp de l’Ardèche où les valeurs de solidarité, de générosité se sont forgées.

L’école, ce n’était pas pour lui… Pas qu’il n’aimait pas apprendre mais il ne supportait pas les contraintes de l’autorité…

Passionné d’horticulture et d’agriculture, il tente le lycée spécialisé mais les évènements de Mai 68 vont contrecarrer ses projets.

Il commence sa carrière dans une imprimerie à Vanves, avec beaucoup de salariées féminines où il ne va pas seulement découvrir "la lutte de classes"... 

Puis il est embauché, comme receveur-rotativiste à Bayard Presse Montrouge. C’est à ce moment-là qu’il va s’engager au syndicat CGT.

C’était aussi l’époque où le lait était gratuit et où il fallait aimer le dindonneau et le guizameau.

En 1974, il adhère au Parti Communiste Français qu’il ne va jamais quitter malgré des divergences profondes à partir de 1994. Mais il avait décidé de se battre et rien ne pouvait remettre en cause cette volonté, cet engagement qu’il aura jusqu’à la fin de sa vie.

Un voyage à Cuba, en 1977, va marquer sa conscience révolutionnaire et son attachement à tous ces peuples courageux qui se sont libérés.

Il nous écrivait à cette époque : « Cuba, c’est bien mieux qu’on ne peut l’imaginer… Mais le plus remarquable, c’est le peuple cubain »

Adhérent à la section du PCF de Montrouge, à la cellule Pierre Sémard, des cheminots, il va militer avec des camarades qui vont marquer sa vie. 

Il sera également rédacteur en chef de "l’aube nouvelle", hebdomadaire du Parti qui couvrait notamment les villes de Bagneux et de Montrouge.

Quelques années plus tard, il va travailler avec Claude Billard au comité national du PCF. Il intègre ensuite le cabinet de Georges Marchais, à qui il vouait une grande fidélité et admiration. Puis il rejoint Patrick Le Hyaric à l’humanité.

Homme de conviction, passionné de débats politiques, ses réflexions et ses analyses sur Facebook ne laissaient jamais indifférents…

Loulou, c’était le frère mais aussi la mère et le père que nous n’avions plus et sur qui nous pouvions compter pour pouvoir nous reconstruire.

Il nous a donné sa force, son énergie pour continuer à vivre.

Il a tout donné pour accompagner Claire, l’amour de sa vie, afin qu’elle surmonte sa maladie.

Il a tout donné pour assurer l’avenir du Parti et de son journal l’Humanité.

Il a profité de la vie en dégustant les mets qu’il aimait tant préparer et surtout partager avec sa famille, avec ses filles qu’il disait avoir adopté ou ses amis, en veillant à accompagner les plats d’excellents vins.

Ses neveux, ses nièces puis ses petites nièces l’appelaient gros Loulou et il répondait : Pourquoi Gros ?

Sa retraite, il la vivait à Arbouse, dans la Nièvre. Il avait créé un magnifique jardin composé d’arbres et de plantes exceptionnels.

Loulou aimait la campagne, il allait souvent se promener dans les bois, aux Mardelles, avec son chien Havane pour qu’il puisse se baigner. Il aimait la musique classique et le rock roll.  C’est Loulou qui a sélectionné tous les titres que vous allez entendre.

Il aimait le sport, la montagne, les Alpes, Chamonix qu’il affectionnait particulièrement, faire du ski à Courchevel et découvrir des horizons plus lointains comme l’Espagne ou la Corse.

Il a tout donné pour affronter cette maladie qui l’a emportée en quelques semaines car elle était trop forte.

Le meilleur hommage que l’on peut, que l’on doit lui rendre maintenant est d’être forts car les épreuves sont douloureuses, terribles, elles semblent insurmontables. Pourtant nous sommes là.

Et il faut continuer au nom de ce que Loulou voulait que nous soyons. C’est là que nous lui rendrons tout l’amour qu’il nous a donné.

Loulou, il était communiste tout simplement."

Publié dans PCF

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