JTEKT Irigny : après la rencontre téléphonée du ministère avec la CGT, la mobilisation plus que jamais d'actualité !

Publié le par Front de Gauche Pierre Bénite

Rassemblement de lutte du 17 novembre devant JTEKT

Rassemblement de lutte du 17 novembre devant JTEKT

Vendredi 5 décembre, après plus d'un mois d'attente et suite aux mobilisation des salariés de JTEKT avec la CGT, une rencontre téléphonée imposée par les mesures sanitaires a enfin eu lieu. Rapide compte rendu.

  • Participaient pour la CGT : Abdel Yousfi et un élu CGT de l’entreprise, les deux USTM du Rhône, le responsable CGT Métallurgie de la région AURA et l’Union Locale CGT.
  • Pour le ministère : Monsieur Hadrien BOLNOT, Rapporteur auprès de la Délégation interministérielle aux restructurations d’entreprises (Ministère de la Ministre Agnès Pannier-Runacher), était présent et représentait les ministères de l’économie qui lui a transmis la lettre du syndicat CGT faite à Bruno Le Maire, et le ministère du travail conduit par Madame Elisabeth Borne. Il a précisé que sa mission du jour, était d’écouter la CGT et de comprendre la situation de JTEKT et les enjeux.

Abdel Yousfi, secrétaire du syndicat CGT, a fait l'intervention liminaire suivante :

" Tout d’abord nos remerciements pour avoir organisé cette réunion téléphonée. Sachez, que nous avons aussi interpelé les collectivités territoriales et les maires des villes environnantes car nous jugeons très graves les orientations sociale et stratégique du groupe JTEKT. En effet, la direction a annoncé 2 choses déterminantes depuis la rentrée de septembre :

1) Ramener d’ici 2023 les effectifs à 850 sur le site au lieu des 1760 salariés actuels, soit 920 emplois détruits. Il resterait 255 ouvriers sur 800 aujourd’hui et 595 ETAM et cadres sur 960

2) Délocaliser l’assemblage des systèmes de direction au Maroc, les MCU (organe stratégique électronique de commande de direction) en Tchéquie et une partie de la R&D en Inde et en Roumanie. Nous rappelons que déjà, nombre de composants des directions ont été déjà externalisés et délocalisés au cours des années passées.

La direction nous informe sur ses intentions, par contre elle ne nous dit pas tout, et surtout refuse de discuter de ses orientations stratégiques alors qu’il s’agit du problème central et crucial !

Sa stratégie est inacceptable car elle laisse sur le carreau plus de 920 personnes, c’est le fameux « quoi qu’il en coûte » pour le profit et les actionnaires. C’est pas banal, c’est du très sérieux ! Cela va avoir des conséquences terribles pour les familles et pour les villes où habitent les salariés de JTEKT, dans la sous-traitance et les services liés. On estime à plus de 3000 emplois qui disparaîtront car dépendants directement ou indirectement, de JTEKT.

Cela aura aussi des conséquences sérieuses pour la filière automobile française où JTEKT équipementier mondial, joue un rôle très important pour les constructeurs français, européens et mondiaux. Le premier d’entre eux étant le groupe Toyota l’actionnaire de JTEKT.

Cette orientation stratégique qui met en cause l’efficacité de l’entreprise, est d’autant plus inacceptable que JTEKT a perçu des fonds publics. 52 millions de CICE et de CIR auxquels s’ajoutent les subventions de la métropole de Lyon et les exonérations de cotisations sociales. JTEKT nous impose ainsi une double peine : il prend l’argent de nos impôts et de nos cotisations sociale, et avec il nous envoie au chômage et déménage l’outil de travail privant les travailleurs et les générations futures de perspective d’emploi !

De plus JTEKT a réalisé lors du dernier exercice un résultat opérationnel de 202 millions d’€. Certes le résultat net est déficitaire, du essentiellement à une restructuration en Amérique du Nord, à une dépréciation d’actifs et aux incidences de la pandémie qui ont pesé lors du 1er trimestre 2020.

Malgré cela, l’expert du CSE est rassurant. Il note que le groupe JTEKT est structurellement profitable. Il a vu sa rentabilité se redresser, il a une situation saine, un endettement maîtrisé et il verse régulièrement des dividendes à ses actionnaires et en premier lieu Toyota.

Ces éléments rapidement abordés, confirment que les choix actuels n’ont pas la moindre justification économique.

Il s’agit de choix délibérés que nous contestons et combattons, d’autant plus que nous faisons des propositions alternatives crédibles qui visent à la fois plus d’efficacité par la création d’emplois, le développement de l’entreprise et la prise en compte de la problématique environnementale.

Nous faisons quatre grandes propositions qui donnent corps à une réorientation stratégique de JTEKT qui place les femmes et les hommes au coeur.

1er Cette première proposition a fait l’objet d’une déclaration commune des syndicats de JTEKT, de Renault , de PSA et de notre fédération CGT de la métallurgie.

Il s’agit de garder sur le site d’Irigny donc en France, le montage des systèmes de directions des véhicules vendus en France par les deux constructeurs français Renault et PSA. Cela représente au minima 1 million de systèmes de direction à assembler sur le site d’Irigny ce qui suppose de garder les lignes d’assemblage, la fabrication de certaines pièces détachées comme les « crémaillères » que JTEKT a prévu aussi de délocaliser et certains services comme la logistique que la direction a décidé de fermer comme elle vient de l’annoncer !

Cela suppose de réintégrer les fabrications qui ont été ces dernières années externalisées voire délocalisées.

L’État est actionnaire de Renault, il peut et doit donc à ce titre, jouer un rôle décisif pour que le groupe Renault exige de JTEKT le respect de cette obligation par un accord de coopération entre les deux groupes. Une telle mesure peut aussi être envisagée avec le groupe PSA.

Cela suppose avant toute chose de maintenir les emplois, les compétences, les savoirs-faire et la R&D afin d’adapter les systèmes de direction produites à JTEKT aux demandes des constructeurs.

La 2ème proposition est de maintenir sur le site d’Irigny le montage des MCU (Motor Control Unité) qui est un organe électronique déterminant pour le fonctionnement du système de direction qu’il soit électrique ou hydraulique, et sa sécurité garantissant celle du véhicule et de utilisateurs.

C’est un organe qui va se développer avec la montée des systèmes électriques et ceux spécifiques aux voitures électriques, c’est pourquoi nous proposons que cette technologie soit produite à Irigny avec 4 lignes de production alors que la direction envisage d’en délocaliser une conformément à son projet.

J’insiste sur cet organe de direction car il va être décisif pour les voitures électriques. Ce nouveau marché s’affirme, il va bousculer le marché de l’automobile et il est impératif que JTEKT soit prêt. Ce qui suppose plus de compétences, plus de formation, des savoirs-faire solides et bien évidemment de maintenir à Irigny le potentiel de R&D.

Nous insistons sur cette question. Délocaliser cette fabrication revient tout simplement à détruire ce qui fait la force de notre site, pour aujourd’hui et pour ses développements futurs en matière de système de direction.

C’est de fait remettre en cause la pérennité en réduisant le site à la production de quelques pièces détachées qui peuvent à tout moment être soit externalisées soit délocalisées ! Un rabougrissement et un affaiblissement du site qui peut laisser à penser que sa fermeture pourrait être un objectif non avoué, de la direction de JTEKT !

La 3ème proposition est de faire du site d’Irigny, le site référent pour la recherche, la mise au point, les essais et la l’industrialisation des systèmes de direction spécifiques aux voitures électriques. Cela devrait être le moteur des futurs développements de l’entreprise au service des automobilistes et de l’environnement.

En 2021, Renault et PSA les deux constructeurs français, produiront au minima 100 000 voitures électriques. Ce sont 100 000 véhicules qui ont besoin de système de direction ! Le marché est donc là, JTEKT doit les fabriquer en France, ici à Irigny. Relever ce défi cela suppose:

1) D’une part de faire un bon technologique avec un système à deux moteurs électriques qui permettrait de réduire le poids des véhicules. Cela répond à un fort besoin des utilisateurs et des constructeurs. Il est donc vital que JTEKT -Renault et PSA coopèrent pour mettre au point et développer un tel système. A notre avis, il est donc déterminant que l’État impulse une telle orientation, cela relève de sa responsabilité, cette solution peut prendre place dans le plan de relance du gouvernement visant à impulser la reprise.

2) Cela suppose d’accroître les mises en formation, d’élever les qualifications et les compétences et donc de maintenir les emplois, de les sécuriser et de les qualifier en formant les salariés volontaires.

3) Ce projet crédible pour lequel tous les éléments constitutifs existent sur le site d’Irigny s’inscrirait dans l’industrialisation d’un petit véhicule populaire produit en France, peu cher, répondant au droit à une mobilité durable accessible à tous comme le propose les syndicats CGT du Groupe Renault.

C’est un investissement d’avenir pour l’environnement. Certes des problèmes existent encore, comme par exemple la question des batteries encombrantes et lourdes. Ce que nous proposons de développer à Irigny est une des solutions puisque les systèmes de direction à deux moteurs permettrait de réduire la puissance utilisée et donc l’encombrement et le poids des batteries.

Cette proposition devrait avoir toute sa place dans les orientations que devrait discuter et proposer le comité stratégique de la filière automobile. C’est aussi un élément concret pour une planification qui ait du sens et prenne appui sur les atouts de notre industrie comme JTEKT et les deux constructeurs automobiles français.

4) Notre 4ème proposition touche au social et donc à la place des femmes et des hommes.

A l’heure actuelle, JTEKT emploie en permanence de 150 à 200 intérimaires sur le site. Après avoir était condamné, il y a quelques années, pour avoir mis en place un système permanent illicite d’intérimaires, la direction JTEKT voudrait recommencer avec l’implant dans l’entreprise même, d’une société intérimaire. Cela n’est pas concevable au moment où grandit le besoin de sécurisation de l’emploi.

Cette précarité des jeunes n’est ni motivante ni une solution d’avenir pour les jeunes travailleurs qui ne veulent plus être considérés comme des kleenex que l’on jette après les avoir usés jusqu’à la corde avec de surcroît, de maigres salaires !

C’est pourquoi, nous proposons que JTEKT embauche 200 jeunes immédiatement, finance leur formation qui doit être qualifiante et reconnue et à son issue les emploie dans l’entreprise avec un CDI.

Nous estimons que tout cela est possible et surtout plus efficace socialement et économiquement.

Ces propositions alternatives sont cohérentes et répondent aux demandes des salariés de JTEKT et des citoyens de nos territoires. Elles nécessitent des dépenses nouvelles en formation, en emploi, en recherche, en investissements. Ce qui suppose une mise à plat des pratiques financières permettant à la holding de pomper de diverses façon les richesses créées par les salariés pour les remonter jusqu’à aux actionnaires et notamment Toyota.

Elles sont crédibles en faisant de l’emploi, de la formation et des compétences, c’est à dire des êtres humains, les moteur du développement futur de JTEKT plutôt que son rabougrissement qui hypothèque sa pérennité.

Sachez qu’elles font l’objet d’une pétition citoyenne en ligne déjà signée par plus de 1000 personnes et que nous remettront au Ministre de l’économie quand il aura consenti à nous rencontrer pour faire le point sur les propositions que nous formulons.

Pour conclure, il nous paraît des plus important que l’État intervienne rapidement pour stopper l’orientation actuelle de JTEKT et l’oblige à s’asseoir à la table de négociations pour une réorientation stratégique de JTEKT."

Le représentant du ministère a convenu que le devenir de l'emploi à JTEKT était quelque chose de lourd qui ne découle pas du Covid mais d'une orientation stratégique structurelle. Il a rappelé que les constructeurs imposent souvent aux équipementiers de les suivre là où ils sont implantés. C'est une question de filière, il existe un comité de filière automobile où il faut faire venir en débat cette question des rapports donneurs d'ordre-sous-traitants. Sur ce point, il existe déjà la charte qui est mise en oeuvre. Il faut prendre aussi la mesure dans les groupes constructeurs de la compétitivité et du coût du travail.

Il a noté que les propositions avancées par la CGT avaient du sens et a demandé qu'elles lui soient communiquées et développées.

Il a noté le décalage entre ce que la direction JTEKT annonce (PSE de 219 suppressions de postes) et son annonce au comité de groupe de ramener les effectifs salariés de JTEKT Irigny à 850 salariés d'ici 2023 (+ de 50% de réduction). Il a demandé un éclairage. Il a rappelé que le ministère devait aussi veiller à ce que les suppressions d’emplois se fassent dans des conditions acceptables !

Il s'est engagé à ce que le ministère reprenne contact avec le directeur de JTEKT et la Dirrecte pour faire le point des questions.

La délégation de la CGT a rappelé que la question centrale était l’annulation du plan de suppressions d’emplois, au moins le gel de toute procédure jusqu’à a fin du chômage partiel avec l’engagement de JTEKT à négocier les 4 propositions formulées qui donnent corps à une réorientation stratégique de JTEKT. Et cela passe immédiatement par l'arrêt des décisions de délocalisations.

La CGT a insisté sur l’urgence d’intervenir. C’est la demande formulée à l’Etat ! C'est la raison de la pétition en ligne qui a recueilli plus de 1000 signataires.

La CGT a fait savoir que la région AURA était la 1ère région de sous-traitance automobile. Les décisions des constructeurs ou des équipementiers comme JTEKT, ont des conséquences terribles. On constate tous, que plus on verse de fonds publics, plus il y a de dispositifs comme les pôles de compétitivité, les chartes, la RSE ou autres plans de relance, il n’y a pas de résultats tangibles : l’emploi recule, l’investissement utile traîne. Parce que les groupes ont changé de logique qui n’est plus fondée sur le développement mais que sur la rentabilité financière quoiqu’il en coûte. On constate que même la R&D est délocalisée, c’est vrai chez Renault Trucks comme JTEKT ou General Electric. C’est cette logique qui est totalement inefficace et mortifère pour notre souveraineté.

Il y a les questions relevant de la filière, mais on voit bien que c’est toujours la même logique de l'argent qui bloque tout. Certains justifient la casse industrielle car ils veulent être les premiers, mais à quoi cela sert-il d'être premier, si demain, les compétences, les savoirs-faire et les outils de travail ont été détruits ? D’autres veulent relever le défi climatique, mais quelle sera notre action concrète si les R&D, les compétences et les outils qui le permettent dans l’automobile, par exemple la fabrication d'un petit véhicule électrique populaire, ont été brisés ? Tout cela devient des vœux pieux !

Les salariés disent stop ! Cette orientation stratégiques doit être remise en cause, et cela relève des responsabilités de l’État. C’est ce que les métallurgistes diront haut et fort le 11 décembre avec leur journée d’action.

Concernant les chiffres, la CGT a rappelé que la lettre de la CGT à Bruno Le Maire explique les chiffres dans le détail. Ils ont été dévoilés par la direction JTEKT au comité de groupe et confirmés par l’expert. En résumé, JTEKT veut supprimer 920 emplois (50 % des effectifs) avec comme étape 762 en 2021. Sur les moyens qu'il utilise pour parvenir à ses fins, il y a le PSE de 219 et tout le reste : les départs volontaires ou contraints (départs anticipés en retraite, ruptures conventionnelles individuelles, ruptures des contrats pour les salariés reconnus inaptes par la médecine du travail, départs volontaire etc.etc.).

Pour la CGT la question centrale est les délocalisations et les suppressions d'emplois massives qu'elles entraînent. Il n’y a aucun justificatif économique. Ce sont des choix du capital guidés par le profit qui impactent la France, son industrie, l’emploi, son potentiel de recherche et ses territoires qui voient monter chômage et misère ! La direction JTEKT comme l'Etat ne peuvent pas se dérober. Parfois les réactions sont vivent, il y a de plus en plus de colères. Cela est vrai dans l’industrie comme dans les services publics comme l’hôpital ou l’enseignement par exemples !

Pour conclure la CGT a rappelé que les salariés attendaient des réponses. Ils ne savent pas comment ils vont retrouver leur entreprise le 11 janvier lors de la reprise. Il y a donc urgence. La CGT a de nouveau insisté pour rencontrer le Ministre de l'économie et de la relance avant la mi-janvier.

 

Soutenez les JTEKT en signant, faisant signer et en partageant la pétition en ligne : https://www.change.org/EmploiJTEKTIrigny

 

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