La France, la Palestine et la justice europénne par Francis Wurtz

Publié le par Front de Gauche Pierre Bénite

La France, la Palestine et la justice europénne par Francis Wurtz

Il y a tout juste six mois, le 11 juin 2020, intervenait un événement de grande portée, que d’aucuns ont intérêt à voir tomber dans l’oubli. Ce jour-là, la plus haute instance judiciaire chargée de veiller au respect des droits fondamentaux de quelque 800 millions de citoyennes et de citoyens de 47 pays d’Europe -la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH)- a condamné la France dans l’ affaire emblématique des appels au boycott de produits estampillés « made in Israël » (et dont de nombreux sont, en fait, originaires de colonies des territoires palestiniens occupés).

Rappelons que des militantes et militants mulhousiens avaient été traînés en justice et condamnés pour avoir distribué aux clients d’un hypermarché des tracts attirant leur attention sur l’occupation des territoires palestiniens ainsi que sur les crimes commis par le gouvernement israélien, notamment à Gaza, et les invitant dès lors à ne pas acheter les produits provenant du pays responsable de cette occupation et de ces crimes. Ils avaient été condamnés par la justice française (Cour d’Appel et Cour de Cassation) pour cette seule raison.

La Cour européenne des droits de l’homme avait, à l’inverse, estimé unanimement que « les actions et les propos reprochés aux requérants concernaient un sujet d’intérêt général, celui du respect du droit international public par l’Etat d’Israël et de la situation dans les territoires occupés, et s’inscrivaient dans un débat contemporain, ouvert en France comme dans toute la communauté internationale ».

La Cour précisait : « Par nature, le discours politique est souvent virulent et source de polémiques. Il n’en demeure pas moins d’intérêt public, sauf s’il dégénère en un appel à la violence, à la haine ou à l’intolérance ».

L’on ne saurait mieux répondre à ceux qui, pour tenter d’étouffer toute opposition à l’occupation et à la colonisation des territoires palestiniens, se livrent au plus scandaleux et offensant des amalgames : celui qui assimile toute condamnation de la politique du gouvernement et de l’armée d’Israël à une manifestation d’antisémitisme !

Pourquoi revenir aujourd’hui sur ce jugement de la CEDH ?

Pour signaler que le ministère de la justice vient enfin de réagir à la condamnation de l’Etat par la CEDH. Comment ? En abrogeant clairement la tristement fameuse « circulaire Alliot-Marie » de 2010 demandant que toute personne appelant au boycott des produits israéliens soit poursuivie ? Non, mais en adressant aux procureurs une « dépêche » au style alambiqué indiquant d’une part que les poursuites ne devaient avoir lieu qu’en cas d’un « appel à la haine ou à la discrimination » ou de « paroles, gestes et écrits » de nature antisémite -ce qui, pour nous, va de soi- , mais, d’autre part, que « le caractère antisémite de l’appel au boycott pourra également se déduire du contexte de ceux-ci », ce qui est gravement ambigu ! (1).

L’action pour distinguer radicalement le crime qu’est l’antisémitisme de l’action politique légale et légitime qu’est la dénonciation de l’occupation et de la colonisation de territoires palestiniens doit, plus que jamais, se poursuivre.
 

(1) « Dépêche » du ministère de la justice du 20/10/2020

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